"From Christianity to Unitarian Universalism and Back Again" par Matt Tittle, article publié le 30 avril 2014 sur sa page Facebook (lien) ; traduit en français par Emile Bauer VDM, pasteur à Saverne de l'Union des Eglises protestantes d'Alsace et de Lorraine (UEPAL) et membre du groupe Unitariens francophones sur Facebook.
Le récit ci-dessous est une confession et profession de foi profondément personnelle. J’ai longtemps débattu pour savoir quand il fallait articuler et partager cette histoire. Je sens maintenant que le temps est venu. Je me sens vulnérable en partageant ces mots. J’espère qu’une saine conversation peut s’en suivre. J’espère aussi que cette conversation sera respectueuse et menée dans un esprit d’apprentissage plutôt que d’affirmation. Ces paroles, croyances et idées sont miennes. Je les propose pour ce qu’elles sont, mais je ne discuterai pas plus de leur validité que je ne réfuterai celles d’un(e) autre. J’espère que vous continuerez votre lecture …
Matt Tittle est né à Charleston en Caroline du Sud où il fit des études au St. Andrews Parish High School puis à l’université de cet Etat (en sciences politiques). Il s’engage dans l’US Naval, puis il suit des études de psychologie de l’éducation à l’université de l’Illinois. Il s’engage dans le ministère unitarien après avoir fait des études de théologie en 2004 à la Meadville Lombard Theological School (Chicago). Depuis décembre 2013, il reste ministre du culte mais désormais indépendant, à son propre compte, intervenant à la demande. Il vit en couple avec Debbie Cole, instructrice en T'ai Chi Chih et candidate au ministère unitarien-universaliste. Il habite à Austin, la capitale du Texas.
L'Américain Matt Tittle à l'Eglise unitarienne d'Auckland en octobre 2013, mariage d'un couple homosexuel. Les conjoints allument leur bougie à la flamme du calice des unitariens afin de témoigner de leur unité spirituelle. Auckland est située dans l'Île du Nord de la Nouvelle-Zélande ; elle n'est pas la capitale de ce pays (c'est Wellington), mais la plus grande ville avec plus de 1.300.000 habitants. M. Tittle y exerça comme ministre du culte consultant de février à décembre 2013.
Mon histoire, ma confession, ma joie et ma peine, ma réalité, c’est que j’ai perdu ma foi en l’Eglise unitarienne-universaliste (UU) et son -ISME * -, tel que pratiqué plutôt que tel qu'enseigné, et je suis revenu au christianisme. Certes mon christianisme retrouvé est plus libéral que celui de mon enfance ; cependant il est clair pour moi que, désormais, je suis premièrement - mais pas exclusivement - un suiveur de Jésus. Ceci est survenu près d’un quart de siècle après que j’eusse découvert l’Eglise UU ; pendant les dix dernières années de cette période, j’ai été un pasteur ordonné UU.
Je reconnais que le plus gros du changement a été le mien. Mes croyances ont changé. Ma foi a changé. Ma théologie a changé. Moi, j’ai changé. Mes changements m’ont amené à embrasser des croyances et des pratiques plus larges et pluralistes que celles dont j’ai fait l’expérience dans des communautés UU. Ironiquement, c’est exactement cela que l’UUisme a longtemps prétendu offrir, mais que j’ai rarement trouvé dans la pratique.
* NOTE : la présente profession ou confession de foi, perdue et regagnée, est remplie d’étiquettes. Je trouve ces étiquettes utiles, mais je reconnais que beaucoup de gens ne partagent pas cette opinion. Je comprends aussi que les définitions que je propose ici peuvent différer selon les personnes. Je n’ai pas l’intention de débattre de ces différences, mais d’embrasser toutes les variantes comme des vérités légitimes.
Je ne crois pas que l’UUisme, quant à lui, ait beaucoup changé. Je sens toutefois que beaucoup, sinon la plupart des ministres UU jeunes ou récemment ordonnés sont plus spiritualistes et théistes que leurs prédécesseurs humanistes et naturalistes. Il devrait en résulter du changement au cours de la prochaine décennie ou vingtaine d’années à venir, mais cela rencontrera une forte résistance de la part de ceux qui sont venus à l’UUisme pendant les quelques décennies passées. Des individus et des familles plus jeunes venant à l’UUisme ont en effet des similarités avec notre nouveau et plus jeune clergé.
Les systèmes résistent au changement. Les cultures évoluent lentement. L’Eglise UU est à la fois un système et une culture distincte. La résistance que j’ai rencontrée à travers plus de deux décennies a été une posture anti-chrétienne largement répandue. Je n’ai pas l’intention d’entrer à fond dans la discussion qui existe depuis longtemps d’un langage de révérence ou le débat humaniste et théiste, mais mon parcours s'est traîné - souvent pesamment - au travers des tourbillons et des vagues sur ces sujets. En fait, la seule fois que j’ai laissé voir la croix simple que je porte autour du cou dans une congrégation UU (en tant que pasteur UU !), j’ai été confronté à la méfiance, à la critique et à l’offense de la part de leaders de l’assemblée plutôt que d’un questionnement en vue de comprendre. Je dis cela tout en reconnaissant qu’il y a des chrétiens UU pratiquants et des congrégations qui les acceptent et qui mettent en pratique une foi proche de la foi chrétienne ; mais ces adhérents et ces congrégations constituent une faible minorité.
L’UUisme a été habité par une culture d’humanisme dominante depuis les années 1950 au moins. Moi aussi, je suis venu à l’UUisme comme anti-chrétien, comme athée revendiqué, puis comme humaniste. J’ai conservé mon identité humaniste pendant les premières années de mon ministère, mais j’ai aussi commencé à m’identifier comme panthéiste (c’est-à-dire : Dieu est en tout, tout est en Dieu et la somme est plus grande que les parties) ce qui est le plus souvent synonyme de la théologie du Process (c’est-à-dire, Dieu est l’univers en progrès. Le changement et la RE-création sont une constante).
Pendant ces années de transformation, les histoires et la sagesse de textes sacrés chrétiens, juifs, bouddhistes et taoïstes ont ainsi davantage résonné en moi que d’autres. J’ai enseigné à partir d’eux le plus souvent, tout en utilisant encore les nombreuses sources de la tradition UU. Lorsque j’ai enseigné à partir des écritures chrétiennes (canoniques ou non) dans des congrégations UU, j’ai toujours reçu des critiques sous les formes suivantes : « votre sermon était trop chrétien », « je ne veux rien entendre (du tout) de Jésus », « je ne veux pas entendre (autant) de Jésus », « nous ne sommes pas chrétiens », « nous avons évolué depuis le christianisme ». « Votre sermon m’est une offense en tant que (juif, païen, humaniste, etc…) » et ainsi de suite. Je reconnais que de tels sentiments ne sont pas généralisable à l'ensemble de l’UUisme et probablement même pas à la majorité, mais ils sont les plus bruyants et les plus stridents. Dans un registre similaire, j’ai entendu des membres de congrégations UU dire à des visiteurs « nous ne sommes pas (ou plus) des chrétiens » ; « même si vous êtes chrétien, vous êtes quand même le bienvenu ici », « pourquoi n’allez-vous pas dans une Eglise chrétienne ? » Et en désignant une troisième personne en disant « ça me fait du souci qu’il/elle soit chrétien(ne) ».
Cette intolérance ou tolérance à minima n’a jamais eu mon accord. En scrutant plus profondément ce phénomène, j’en suis arrivé à répondre par une citation attribuée le plus souvent à l’ancien président de l’Association unitarienne universaliste (UUA), le révérend John Buehrens, et parfois à feu le révérend Forrest Church : « Parlez-moi du Dieu auquel vous ne croyez pas, parce que, probablement, je ne crois pas non plus en ce Dieu-là ». Sur cette base, je me mis à enseigner et à prêcher une remise en question des tendances de rejet qui sont envahissantes dans le cadre des congrégations UU.
Enseigner un rejet du rejectionnisme est une intéressante méta conversation étant donnés les fondements et l’héritage des UU (et unitariens et universalistes) lesquels firent leur chemin à travers une série de rejets et de protestations à commencer par la Réformation protestante. J'ajouterai qu'on retrouve aussi cela entre autres dans les écritures hébraïques et chrétiennes. Néanmoins, c’est ce que je commençai à enseigner, apprenant, chemin faisant, que je n’étais certainement pas le premier à le faire. Le président du conseil d’administration d’une congrégation que je desservais m’a une fois demandé lors d’une conversation de quatre heures (qui se ressentait plutôt comme une inquisition), « Qu’en est-il des transcendentalistes ? » Ma réponse immédiate fut que j’enseignais le même message que les transcendentalistes, dont on admettait qu’ils étaient des chrétiens [Ndlr - Ralph Waldo Emerson, fondateur de ce courant philosophique, quitta à la fois son ministère unitarien et la religion chrétienne et toute religion ! Ceci dit, il ne tint jamais de propos anti-chrétiens, sinon que l'homme moderne doit penser par lui-même, puiser en lui et en contact avec la Nature, sans être prisonnier d'une quelconque tradition, christianisme inclus]. J’utilisai l’exemple d’un ministre unitarien, le révérend Théodore Parker, dans son sermon de 1841 : « Discours sur le périssable (ou transitoire) et le permanent dans le christianisme » qu’il prononça à l’ordination d’un collègue. Dans ce sermon, Parker dit : « Mais si, comme certains chrétiens primitifs ont commencé à le faire, on prend un point de vue païen, et qu’on fasse de lui [de Jésus] un Dieu - le Fils de Dieu dans un sens particulier – alors beaucoup de la signification de son personnage (caractère) est enlevé. »
Les unitariens et les universalistes ont enseigné pendant des siècles que l’interprétation de l’Eglise chrétienne et l’enseignement de Jésus comme « le Fils de Dieu dans un sens particulier et exclusif » était incorrect et pour le moins mal orienté – « une vue païenne » selon les termes de Parker. Des unitariens plus anciens (par la pensée plus que par le nom) comme Michel Servet ont été brûlés vifs trois cents ans seulement avant l’hérésie de Parker. Et une hérésie, cela en était une, même dans une chaire unitarienne de mettre en question la divinité de Jésus [Ndlr - la Réforme unitarienne du XVIème siècle est précisément anti-trinitaire et les unitariens n'adressent pas de culte à Jésus] et de promouvoir son état périssable comme un simple messager tout comme tant d’autres. Parker fut banni de la plupart des chaires de ses collègues dans les années qui ont suivi.
Tout cela pour dire que je crois fermement que les interprétations bibliques littérales ou absolutistes, que les athées, les agnostiques, les humanistes, les chrétiens libéraux et d’autres ont rejetées, n’étaient pas nécessairement le message transmis par ces anciens rédacteurs. Je crois qu’ils étaient beaucoup plus intelligents, pourvus de nombreuses facettes, habiles et métaphoriques comme penseurs et auteurs. Il existe clairement des comptes-rendus historiques, des conventions sociales et des conseils de bon sens dans tous les textes sacrés qui peuvent être pris à la lettre. Des chercheurs bibliques modernes comme Elaine Pagels considèrent certains des évangiles (canoniques ou non) comme étant des débats au cours des premiers siècles après la mort de Jésus. Au cours des siècles suivants, certains écrits étaient des histoires sur Jésus qui s’étendaient au-delà des premiers comptes-rendus sur sa vie et son enseignement pour transmettre différentes affirmations pour ces temps particuliers. Ces écrits plus tardifs pourraient être considérés comme des volumes dans la série intitulée « que ferait Jésus ? » (WWJD = abréviation anglaise du titre) . D’autres furent effectivement rédigés comme des arguments persuasifs pour établir la divinité de Jésus, parmi ceux-ci : l’évangile de Jean et plusieurs des épitres [Ndlr - pas tout à fait !].
Au cours des 500 dernières années, depuis la Réforme protestante, il y a eu de longues histoires parallèles et des cycles comportant souvent des pics apparents de foi et d’absence de foi, de pensée progressiste ou fondamentaliste aussi bien que d’acceptation et de rejet d’interprétations littérales et figuratives ou métaphoriques. La religion opère des mouvements pendulaires. Il est important de se souvenir que les pendules reviennent toujours s’arrêter à leur point d’équilibre même quand ils continuent leur fonctionnement.
Et ainsi mon enseignement et mon apprentissage partent d’un point autre que l’arc d’un pendule. J’affirme que ce que tant de gens ont rejeté soit n’est pas ce que les auteurs originaux ont essayé de dire, soit que des interprétations multiples sont valides. J’ai appris à dépasser mon propre rejet du christianisme dans la diversité des manières. Le plus récent et le plus profond fut en réponse à des chrétiens fondamentalistes qui remirent en question mon interprétation libérale de la Bible au moyen de leurs interprétations littérales. Celles-ci me furent dites le plus souvent au cours des années 2005- 2010 durant lesquelle j'ai tenu un blog public très populaire pour le Houston Chronicle. Comme le savent ceux qui naviguent dans la blogosphère, les commentaires et discussions peuvent y être véhémentes, de niveau bas et sans considération pour le sacré vécu par d'autres. Elles sont remplies d’attaques personnelles et d’allégations qui sont brutales au point de se réduire à « vous avez tort et j’ai raison ». Dans mon cas, avoir tort voulait dire que je brûlerais éternellement en enfer. Face à cette haine et à cette propre justice, j’appris à expliquer que je ne rejetais aucune écriture particulière, mais que j’en avais probablement une interprétation différente. Ainsi j’appris, par contrecoup, ce qu’étaient mes propres interprétations.
Ceci fut le début de mon retour au christianisme. Je réalisai que les écritures chrétiennes, plus que d’autres, me parlaient de façon profonde. Je découvris que je pouvais bien vivre ma vie en essayant de suivre les enseignements de Jésus. J’appris à trouver un sens plus profond dans ces enseignements en creusant et en plongeant sous les sens superficiels de façon à me retrouver face à des valeurs. Je commençai à enseigner que le président américain Thomas Jefferson avait manqué son but lorsqu’il procéda littéralement à l’ablation de tous les miracles de la Bible, aboutissant à un volume intitulé : « La vie et la morale de Jésus de Nazareth ». Ces miracles n’ont pas besoin d’être pris littéralement pour recevoir un message de rédemption, de renouveau et de naissance nouvelle. J’enseignai que l’humanisme séculier et religieux qui prit racine dans les manifestes humanistes de 1933 et les suivants étaient hors sujet en rejetant le surnaturalisme comme plateforme primaire, alors qu’ils eussent pu simplement embrasser le naturalisme et voir sa présence dans les textes sacrés, comme l’ont fait beaucoup de naturalistes.
Je pourrais continuer, mais la pointe et la conclusion de mon histoire, c’est que j’ai laissé tomber mes propres rejets pour embrasser une foi, une espérance et un amour qui me parle et s’adresse à moi au travers des écritures chrétiennes. Je ne veux pas parler d’un embrassement dans quelque « sens particulier ou exclusif » que ce soit, et je ne m’attends pas davantage à convertir d’autres personnes à mon point de vue. Je suis retourné vers un christianisme qui probablement s’appelle de façon plus appropriée : l’état de disciple.
Je serai toujours un pasteur UU parce que l’ordination n’a lieu qu’une seule fois. Cependant, j’ai quitté la chaire UU à plein temps pour une raison inverse mais avec le même sentiment que Ralph Waldo Emerson le fit en 1832. Emerson ne pouvait plus, en conscience administrer la communion ou conduire la prière publique. Je me languis après la communion et la prière publique parmi d’autres rituels, rites et sacrements que je ne peux trouver dans aucune congrégation UU à de très rares exceptions près. Cependant, je partage le sentiment d’Emerson que « J’ai parfois pensé que, pour être un bon pasteur, il était nécessaire de quitter le ministère ».
Je continuerai à assister à des assemblées UU à l’occasion et à y prêcher en invité une fois ou l’autre. Mais maintenant je trouve ma maison spirituelle sur le banc chrétien libéral. Ironie du sort, je trouve un unitarisme et un universalisme riche à travers les enseignements de Jésus. Les versets qui, pour moi, incarnent cela se trouvent en Matthieu 22, 37–39 : il lui dit, « tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, et de toute ton âme et de toute ta pensée », tel est le premier et le plus grand commandement. et voici le second qui lui est semblable : « tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Le premier verset, qui invite à embrasser un seul Dieu, est un enseignement très riche pour un unitarien et le dernier, qui recommande l’amour pour tous les humains, est riche d'universalisme.
Voilà mon voyage du christianisme vers l’unitarisme-universalsime et mon retour. Je trouve que beaucoup des enseignements de l’UUisme sont importants, qu’ils peuvent élever et transformer [l'être] tout comme je le fais avec le christianisme. Cependant je crois que les pratiquants UU ont perdu leur chemin, aveuglés par un exclusivisme et un manque d’identité qu’ils semblent ne pas pouvoir résoudre. Ils sont trop souvent réticents à entendre le message plus profond du christianisme que leurs prédécesseurs avaient enseigné durant des siècles. Bien sûr, la même chose peut être dite à propos de nombreuses pratiques du christianisme. Un plus grand pourcentage de chrétiens quittent leurs congrégations que ne le font les UU. Eux aussi sont en train de perdre leur foi, comme je l’ai fait.
Dans ce cheminement, je me sens comme un homme sans patrie. J’imagine que l’hérésie que j’ai proférée ici me rendra encore moins bienvenu et pas seulement dans quelques chaires des UU. Comme cela a toujours été le cas, il existe très peu de chaires chrétiennes d’où je pourrais délivrer ce message. Mais je suis accoutumé à voyager sur ce sentier particulier. Mes voyages ne sont pas les plus évidents, les plus sûrs, ni même les plus souvent entrepris. Ce sont cependant les miens. J’imagine que je ne suis pas le seul – que des compagnons voyageurs désaffectés issus tant du clergé que du laïcat de toutes les croyances sont sur ce chemin avec moi. J’espère que ces mots pourraient leur parler, peut-être en apportant sur leur propre chemin une lumière ; même si elle est tamisée.