Joshua Snyder est un pasteur unitarien, sermon du 9 décembre 2001 à la Second Unitarian Church of Omaha Traduit de l’anglais et reproduit dans la Tribune libre unitarienne, vol. II, n° 2, 2006.
http://www.uuqc.ca/Tribune%20Libre/tribune1_1_0.html
Demain, c’est la première soirée de Hanoucca. Hanoucca, en réalité, est une fête mineure dans le calendrier juif, passant au second plan après les grandes solennités comme la Pâque, Rosh Hashana et Yom Kippou. Hanoucca, en raison de sa proximité de Noël et d’autres jours fériés anciens, a ravi la vedette plus qu’autrement. Cela est une bonne chose, je pense. Hanoucca peut nous donner nombre de leçons instructives, à nous les unitariens universalistes. C'est pourquoi, ce matin, durant cette saison des fêtes, je propose d’offrir "un droit de réponse", pour ainsi dire, à la tradition hébraïque.
D’où vient la tradition de Hanoucca ? On vous a tous, certes, raconté la petite histoire que voici. Une fois, dans le temple, on ne trouva qu’une petite fiole, contenant juste assez d’huile d’olives pour alimenter le chandelier pendant une journée, et pourtant, celui-ci resta allumé pendant huit jours. C’est pour commémorer ce miracle que les Juifs fêtent Hanoucca, en allumant, pendant huit nuits, une bougie sur la menora. Mais ceci n’est qu’une partie de l’histoire. L’enjeu véritable de ce miracle est la révolte maccabéenne, objet de notre sermon d’aujourd’hui. Le livre des Maccabées fait partie des "Apocryphes"; il est reconnu comme canonique par les catholiques et les orthodoxes, non par les juifs et les protestants, étant écrit en grec et non en hébreux. Malgré tout, les juifs considèrent, pas seulement la Bible , mais le livre des Maccabées comme une partie de leur tradition d’ensemble.
Le livre des Maccabées décrit l’histoire hébraïque, un peu après l’époque d’Alexandre le Grand. Durant cette période, les Grecs avaient pris le contrôle d’Israël et s’évertuaient à y instituer leur religion, leur culture et leur mode de vie, aux dépens de la loi judaïque et de la convention. Certains Juifs du temps s'accommodaient de cette assimilation, mais d’autres non. Judas, le fils de Mattahias, devint le chef de la rébellion d'Israël contre le dirigeant hellénique et ses lois oppressives. Judas Maccabée, dénommé le marteau, ressentait cette dépendance comme une injustice, voire une malédiction. Dieu n’avait-il pas conclu une alliance avec Israël ? Pour le peuple hébreu, renoncer à la foi de leurs aïeux et de leurs mères était impensable. Cela voulait dire perdre son identité. Donc Judas donna le coup d’envoi à ce que d’aucuns pourraient baptiser la première révolution pour la liberté religieuse et politique. Mais ne vous y trompez pas ; c’était une guerre, au demeurant très vilaine. Au bout du compte, Judas finit vainqueur, et les juifs ont pu se consacrer à leur religion en restant fidèle à la Torah. C’est de cela dont nous allons parler ce matin: Judas qui purifie et reconstruit le temple pour en faire un lieu propice au culte.
Cette histoire de Judas Maccabée et sa lutte triomphante pour la liberté religieuse touchent une corde sensible chez l’unitarien universaliste, je crois. Ceci me fait penser à la soi-disant trinité unitarienne de la liberté, la raison, et la tolérance. Il y a presque un siècle, le grand historien unitarien Earl Morse Wilbur écrivit que la liberté, la raison, et la tolérance, ou ces trois thèmes, sont, à son avis, sans cesse présents dans l’histoire unitarienne depuis la Réforme. Depuis qu’il étala cette théorie dans ses deux volumes intitulés " History of Unitarianism ", la liberté, la raison et la tolérance sont devenues un lieu commun dans les cercles unitariens universalistes. Aussi, je pense que l’histoire de Judas Maccabée concernant Hanoucca illustre ces thèmes très bien. […].
La liberté, la raison et la tolérance sont des idées révolutionnaires, mais avec tout le respect que je dois à Earl Morse Wilbur, je pense qu’elles ont leurs limites, pour notre époque. Peut-être que ces idées étaient à propos pour l’universalisme à l’aube du siècle dernier, mais au tournant de ce siècle, je pense que les unitariens universalistes ont besoin de quelque chose de plus. "Liberté, raison, tolérance" est une belle phrase, mais il y a quelque chose qui manque, quelque chose de très important. Il lui manque le sens de la communauté et de la responsabilité sociale. La liberté, la raison et la tolérance, en tant que le cœur de la pensée unitarienne universaliste, aboutissent dans une forme d’individualisme, qui isole, et avec laquelle nous ne nous sentons plus aussi à l’aise maintenant que par le passé. La liberté, sans entrave, devient le laisser faire, qui isole. Je peux choisir d’être avec les autres, mais rien ne m’y oblige. De plus, la tolérance laisse entendre que je vais seulement vous tolérer. Je peux être en désaccord avec ce que vous dites, mais cela est votre affaire. Je n’ai pas à m’en soucier. Dans un sens, la tolérance banalise la croyance religieuse des autres. La raison, qui caractérise l’unitarianisme, au moins depuis Channing, a aussi besoin d’être associée à la compassion et à la finesse de l’intelligence de notre vie intérieure.
Alors que la liberté, la raison et la tolérance sont de bonnes idées en soi, il faut y joindre une quelconque forme de compréhension et de communauté pour contrebalancer l’individualisme qu’elles sous-entendent. Il faut chercher, autant que possible, à se situer dans un contexte qui s’efforce de comprendre la vie comme un tout social et organique, et non comme des actes isolés. Au lieu de la tolérance, par exemple, en tant qu’unitariens universalistes, nous aurions beaucoup plus besoin de pratiquer le pluralisme. Le pluralisme ressemble à la tolérance par son aspect où chaque personne peut dire et être ce qu’elle est vraiment, mais il s’y ajoute une interaction avec les autres. Dans une communauté pluraliste, les bouddhistes ne tolèrent pas seulement les chrétiens, mais parlent avec eux. Les bouddhistes les écoutent, et ce que les chrétiens ont à dire leur importent ; et, plus important encore, ils apprennent d’eux. Mon rapport avec l’autre est un principe fondamental du pluralisme. Le pluralisme m’oblige de demeurer à l’écoute d’autrui, et je dois m’attendre à être, peut-être, transformé dans mes interactions avec mon vis-à-vis. La liberté de la croyance religieuse, sans égard à la responsabilité réciproque, est insuffisante. Ma liberté individuelle ne m’affranchit pas de ma responsabilité sociale. Pour faire court, disons que, de mon point de vue, le sens donné aux mots, liberté, raison et tolérance par Earl Morse Wilbur, doit être enrichi d’une bonne dose de compréhension et d’amour pour la communauté. [...].
Hanoucca nous enseigne, à nous unitariens universalistes, de voir les aspects importants de notre propre religion. Que nous ne pouvons pas être tolérants comme des individus isolés, mais seulement en tant que sujets insérés dans un réseau de relations sociales. Ce réseau est sacré parce qu’il reflète la nature interconnectée et organique de la vie elle-même.
Puissions-nous nous éveiller à la transformation qui découle de notre relation avec les autres. Que la liberté, la raison, et la tolérance soient pratiquées entre nous et pas seulement envers nous. Et que le monde tienne compte des leçons de Hanoucca, pendant le temps sacré de l’année. Amen. Allez en paix.