Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

le calice des unitariens

chaque communauté unitarienne arbore un blason ou un logo. Voici celui des unitariens qui sont regroupés au sein de l'Assemblée fraternelle des chrétiens unitariens (AFCU). Voir sur son site à la rubrique "le calice des unitariens"
http://afcu.over-blog.org/categorie-1186856.html


 

Rechercher

Archives

Articles RÉCents

26 juillet 2008 6 26 /07 /juillet /2008 07:51

La Franc-maçonnerie est fille du christianisme ; elle n’existerait pas si Jésus n’avait pas existé. Elle a été crée par des chrétiens libres, un protestant et un anglican, dégoûtés des guerres de religion meurtrières, en Grande-Bretagne, entre soi-disant disciples du Christ. Elle proscrit donc en son sein toute controverse ou querelle dogmatique ou d’Eglise, demandant de s’en tenir seulement " à la religion dont tout chrétien convient ", en éloignant du débat toutes les croyances particulières qui divisent. Ainsi, Outre-Manche, s’achemine-t-on vers la paix civile.

Le Rite Ecossais Rectifié (R.E.R.), lui, se veut " christique ", donc ne dépendant d’aucune Eglise chrétienne (mais l’ésotérisme pourrait-il être contrôlé par l’exotérisme ?) ; rite attaché seulement à la personne et à l’enseignement authentique du Nazaréen tel que nous pouvons le retracer. C’est dire pour le Rectifié l’importance du Jésus historique.

Le Maçon de tradition appelle Dieu le G.A.D.L.U (le Grand architecte de l’Univers) ; Jésus, c’est l’Architecte du temple spirituel, jamais terminé. L’Architecte est mort, irrémédiablement, assassiné par des malveillants. Mais, en peu de temps, il aura été relevé en la personne de ses cherchants. Pour eux (c’est-à-dire entre autres les Maçons du R.E.R.), Jésus sera toujours le Frère, l’Ami et le Guide vénérés.

par Albert Blanchard-Gaillard, mai 2008

Libre propos paru dans la Correspondance unitarienne n° 82, août 2008.
Voir les sommaires de ce bulletin sur le site de La Besace des unitariens

Partager cet article
Repost0
2 septembre 2007 7 02 /09 /septembre /2007 19:37
3ème partie - Un unitarien peut-il porter une médaille ?


Les unitariens sont très libéraux sur de nombreux points, car ils refusent les dogmes superflus. Ils sont cependant très stricts sur ce qui les constitue, le monothéisme sans concession, et l’affirmation corollaire de la seule humanité de Jésus. Il y a aussi cette influence protestante qui veut que la Parole, ou le son, soient les interprètes du sacré ; mais que l’image, la vue, soient quelque peu suspectées d’idolâtrie. On se rappelle la querelle, qui finit mal, entre sociniens adorants (rendant un culte à Jésus) et davidiens unitariens non-adorants [ndlr : ceux qui, en Transylvanie, suivirent l’avis de Férencz David] : l’histoire a tranché en faveur de ces derniers.

Serait-il donc être idolâtre et adorant que de porter une médaille à l’effigie de Jésus ? Serait-ce, comme on l’a dit de manière quelque peu agressive, une sorte de pas en arrière vers le catholicisme ? La réponse à cette " fraternelle réprimande " doit être mesurée.

Nombre d’unitariens viennent du protestantisme, d’autres du catholicisme, de l’agnosticisme, voire du judaïsme ou de l’islam : l’unitarisme n’est pas une variante du protestantisme [ndlr : mis en gras par l'auteur dans le texte], et s’oppose à nombre de ses présupposés dogmatiques (prédestination, sola fide, etc.). Il ne se sent donc pas tenu par les habitudes cultuelle du calvinisme, par exemple par son " iconophobie ". Les unitariens anglophones ont dans leurs églises des statues, des peintures représentant des scènes de l’Evangile, des vitraux imagés …

 
A un niveau plus profond, on peut rappeler que l’unitarisme est certes un rationalisme, mais pas seulement : il essaie de garder un équilibre entre l’esprit et le cœur, de faire collaborer la foi et la raison. Dans un de ses sermons, le grand théologien unitarien des USA, James Luther Adams (1901-1994), développe les idées suivantes (très condensées) : 

Etats-Unis--James-Luther-Adams.jpgle théologien américain James Luther Adams

La mémoire d’une communauté, comme celle d’une personne, est un élément très important de sa vie spirituelle. Malheureusement divers facteurs poussent à l’oubli : le stress, l’égocentrisme, la superficialité, fort attirés par la nouveauté, mais surtout ce qu’Adams appelle " la pure spiritualité ", la supposition erronée que les humains sont capables de rechercher ou de comprendre la vérité sans la médiation des sentiments ou des évènements importants du passé … Pourquoi le christianisme a-t-il supplanté tant d’autres religions anciennes ? C’est qu’il n’était pas seulement une philosophie ou une mythologie … Quand nous commémorons aujourd’hui la vie et mort de Jésus, nous reconnaissons implicitement l’importance des PERSONNES, autant que des idées et des principes. Notre Eglise n’est pas seulement un monument à la gloire des idées ou des idéaux. C’est un monument des moments importants pour l’Humanité. Notre Eglise n’est pas vouée à la " pure spiritualité " ; c’est une communauté de personnes. Nous pensons qu’un univers où l’homme étrange de Galilée a été pendu à une croix est différent de ce que serait un univers sans le Nazaréen. Ce sont de tels hommes, et souvent leur sacrifice, qui ont fait naître ce qu’il y a de bien dans notre univers ".

Pour un Occidental d’aujourd’hui, une image n’est pas forcément une idole. Nous n’avons pas à adorer Jésus, ni à le prier ou à attendre de lui des miracles. Nous lui devons la piété due au Précurseur, au fondateur ; l’attachement à sa personne, la fierté d’être ses vrais disciples, le souvenir de ses enseignements.

La médaille est seulement un symbole, celui de la fidélité. Au Galiléen, et à nos autres martyrs, Servet, David et tous les anonymes qui voulurent ressembler à notre Enseigneur. Porter son effigie, c’est affirmer que notre christianisme n’est pas du bout des lèvres, ou une lubie à épisodes récurrents et très espacés. La veille de sa mort, à son dernier repas communautaire, Ieshouah’ a souhaité, et sa supplique nous touche encore : " Faites ceci en mémoire de moi ! ".


Pour commander la médaille : voir le site de l’AFCU (en lien), 
rubrique " la médaille des Frères polonais ".

Partager cet article
Repost0
2 septembre 2007 7 02 /09 /septembre /2007 19:23

U---Pologne--m--daille-des-Fr--res-polonais-les-deux-faces.jpeg photo provenant du site "Livres.mystiques.com"

2ème partie - La médaille dite du Campo dei Fiori


En mars 1897, à Rome, sur la place du " Campo dei Fiori ", non loin du palais Farnese, siège de l’ambassade de France, se tenait comme tous les mercredis un marché à la ferraille, sorte de gigantesque brocante. Un touriste français, A. J. Boyé, dit Boyer d’Agen, " érudit régionaliste ", y dénicha, au milieu d’autres pièces, une médaille très oxydée et sale qu’il paya " deux sous ". 

Nettoyée, elle laissa apparaître un visage – apparemment celui du Christ – et des inscriptions hébraïques. Boyer, séduit, la porte d’abord en breloque, quand des orfèvres parisiens la remarquent et obtiennent le droit de la reproduire. On en vend alors un assez grand nombre d’exemplaires, en or, en argent ou bronze (ce qu’on continue de faire). 

En 1898 et 1899, la presse bien pensante, voire extrémiste (La Libre Parole), s’empare du sujet et lui donne un certain retentissement, puis l’engouement retombe assez vite, devant les exagérations des propagandistes et des exploitants de la médaille. Aujourd’hui, seuls de petits groupes (les Amitiés spirituelles, fondées par l’occultiste Sédir, dont la somptueuse tombe, au cimetière Montparnasse [ndlr. qui a été depuis transférée au cimetière Saint-Vincent, 6 rue Lucien Gaulard, dans le XVIIIème arrondissement] s’orne d’une reproduction de l’avers de la Médaille, et certaines loges marginales) croient encore au caractère mystérieux, et quasi miraculeux, de la pièce du Campo dei Fiori. (...)

[l’auteur Albert Blanchard-Gaillard critique la première interprétation qui fut donnée à cette médaille, qui en faisait une effigie du Christ au 1er siècle, remontant à l’Eglise primitive et frappée en Orient]

Les spécialistes hausseront les épaules ; mais dans le grand public, peu de gens connaissent l’hébreu, la paléographie et l’iconographie chrétienne des premiers siècles. Alors notons quelques données importantes :

1° - Les premiers chrétiens de Palestine (les judéo-chrétiens) sont des juifs observant fidèlement la Torah (Ac, 2, 46 ... ). Toute représentation humaine et animale leur est interdite : il n’y en a pas d’ailleurs d’exemple parmi eux. Il ne peut donc y avoir cohabitation d’une inscription juive ancienne et de la représentation d’un visage.

2° - Même chez les pagano-chrétiens, on ne constate aucune utilisation d’images pendant les deux premiers siècles. Sous l’influence du paganisme, les chrétiens du bas peuple commencent à tourner l’interdiction biblique, en invoquant " symboliquement " le Christ par des images : le Poisson, l’Agneau pascal, le Bon Pasteur, mais ne dessinent jamais de représentation réaliste du Messie.

3° - C’est seulement au IVème siècle, après les conciles, qu’apparaissent les premiers visages du Christ, dans le style byzantin bien connu. Mais il y a bien longtemps que les chrétiens, qui détestent maintenant les juifs, ne comprennent plus et n’utilisent plus l’hébreu. Depuis Paul, TOUS les écrits chrétiens ont été rédigés en grec. Donc, là encore, impossible cohabitation d’un portrait du Christ et de l’hébreu, et ce pendant les quinze premiers siècles.

4° - Les chrétiens (et les papes) ne recommenceront à s’intéresser à l’hébreu qu’à la Renaissance, pour vérifier les traductions, l’Ancien testament et lire les textes kabbalistiques et talmudiques.

5° - Le (ou les) auteur(s) de la brochure précitée affirment l’ancienneté des caractères hébraïques de la Médaille au prétexte qu’ils sont analogues, disent-il, " à ceux des manuscrits bibliques ". Or, avant la découverte des manuscrits bibliques de Qumrâm, en écriture quasi cursive, le plus ancien manuscrit biblique connu, en hébreu, ne remonte qu’au Xème siècle de notre ère (Codex d’Alep, Maison du livre, Jérusalem). Encore ces caractères diffèrent-ils légèrement des nôtres, dont on peut penser qu’ils sont plutôt de style ashkénaze (Europe de l’Est, à partir des XIVème, Xvème siècles). 

La cause est suffisamment entendu : il y a toute chance que la médaille d’origine date bien du XVIème siècle. Le visage a sans doute été copié sur celui de la médaille du sculpteur milanais G. Antonio Rossi, commandée par Pie V vers 1570, dont un exemplaire est à la Bibliothèque nationale. Le graveur anonyme a simplement supprimé le nimbe crucifère et les inscriptions latines " Ego sum lux mundi ", etc., donnant au portrait un caractère exclusivement humain, selon la théologie unitarienne. Adôn Ieshouah est Jésus le Maître, le Chef (Dux et Princeps selon les expressions sociniennes).

Les inscriptions du revers sont plus complexes à interpréter, ce qui s’explique d’ailleurs par des raisons de prudence. Médaille de reconnaissance, elle doit être vue, mais pas compromettante. De là, d’abord, l’usage de l’hébreu, peu accessible au commun, et qui a l’avantage de référer au christianisme primitif, dont les sociniens affirment depuis toujours qu’ils n’étaient pas trinitaire.

Le début (les trois première lignes) prête peu à controverse : "Un Messie, un Roi est venu dans la Paix ". Il s’adresse aux juifs, ou plutôt cherche à distinguer les sociniens unitariens des juifs, puisque leurs ennemis les traitaient de " judaïsants ". Le Messie est déjà venu (contrairement à ce qu’affirment les juifs), ce n’est pas un messie guerrier qui a pour tâche de rétablir le royaume d’Israël. Du point de vue chrétien, ces affirmations sont orthodoxes, et donc non dangereuses. 

Il faut pourtant bien, quoique d’une façon voilée, que ces anti-trinitaires disent leur foi particulière (peut-être dans un mauvais hébreu !). Alors on écrit littéralement : " Il a été fait vivant parmi les hommes ", ce qui, en cas d’inquisition, peut à la rigueur passer pour une allusion à l’Incarnation, mais qui signifie, dans l’esprit des concepteurs de la médaille, compte tenu du contexte, du dit et surtout du non-dit (aucune allusion à ,la divinité, à la gloire, à la puissance, etc.). " Il a été choisi (Dieu l’a choisi, selon l’usage hébreu) parmi les hommes " ; Dieu a choisi un homme parmi tous pour être son Oint (l’Onction d’ailleurs peut-elle être pratiquée sur autre qu’un homme ?).

La médaille que nous connaissons, de Rome ou de Jendrzejov, de Cork ou de Rostock, peut être portée par tout le monde, par tous ceux qui, sans superstition, aiment Jésus et le tiennent pour leur maître. Les bijoutiers ont encore de beaux jours ! Cependant, il faut savoir qu’elle a été conçue pour exprimer un christianisme particulier, hétérodoxe pour certains, une christologie de la seule humanité de Jésus, un christianisme strictement monothéiste, qui est celui des unitariens, qui sont encore nombreux de par le monde.

Partager cet article
Repost0
2 septembre 2007 7 02 /09 /septembre /2007 19:12

u_-_pologne__m_daille_des_fr_res_polonais_recto.jpeg

Albert Blanchard-GaillardLa médaille de reconnaissance des frères polonais, dite improprement médaille du Campo dei Fiori ", Revue Regard, n° 2, été 1997, Institut d’études et de recherches sur l’histoire, les traditions, la nature et les sciences (revue disparue après le n° 3, 1998), pp. 30-34

la photo jointe provient du site "Livres.mystiques.com"


1ère partie - La médaille des frères polonais


Au début de la seconde moitié du XVIème siècle, le protestantisme, majoritairement calviniste, s’implanta fortement en Pologne. En 1572, on célébrait le culte dans 650 temples, soit presque 20% des paroisses catholiques. Mais, dès 1562, en Petite Pologne (région Sud du pays, autour de Cracovie), se produisit une scission entre protestants calvinistes (on disait alors de la Confession helvétique) et anti-trinitaires   ces derniers formèrent alors une Eglise appelée " Ecclesia Minor ", puisque de moindre taille. Les fidèles de cette Eglise d’appelaient eux-mêmes simplement Frères ou chrétiens ; à l’étranger, on les nomma Frères polonais, plus tard sociniens ou ariens.

Le nombre d’églises des Frères polonais s’éleva à plus de 200, avec environ 40 000 fidèles, membres surtout des classes moyennes et de la noblesse fortunée et cultivée. " Les sociniens, nous dit Ambroise Jobert, formaient en Pologne une minorité négligeable par le nombre, mais remarquable par sa culture ... ". Lors de la Contre-Réforme, et par décision de la Diète de 1658, les Frères polonais furent interdits sous peine de mort, et contraints à la conversion forcée ou à l’exil.

Cependant, dès la fin du XVIème siècle, de jeunes Frères polonais d’origine noble avaient entrepris de fréquenter les université étrangères, principalement hollandaises et allemandes, sous la conduite d’un ministre ou d’un théologien anti-trinitaire, tout en gardant la plus grande discrétion sur leurs convictions religieuses, alors passibles un peu partout en Europe de la peine de mort. Or l’un de ces théologiens, André Wojdowski, un des premiers disciples de Fauste Socin, " convertit à Leyde (en 1597) un étudiant originaire de Nuremberg, Ernest Soner, qui devint en 1605 professeur de médecine à l’Académie d’Altdorf, proche de sa ville natale. Soner réunissait des étudiants chez lui, en grand secret, pour les gagner aux doctrines de la secte. Ils se dispersaient ensuite dans toutes les universités d’Allemagne, portant, en signe de reconnaissance, une médaille frappée à Nuremberg, qui portait à l’avers l’effigie du Christ et l’inscription en caractères hébraïques : Le Seigneur Jésus. Au revers : dans la paix est venu un roi, un messie, en vérité dans la grâce, il a été tiré de l’humanité. (traduction Claude Orrieux, de l’université de Lyon) ".

Citation tirée de " De Luther à Mohila, la Pologne dans la crise de la chrétienté, 1517-1648 " d’Ambroise Jobert, professeur de l’université de Grenoble, spécialiste de l’histoire polonaise, Institut d’études slaves, Paris, 1974, p. 237 et reproduction de la médaille pp. 216-217.

Le célèbre slavisant n’affirmait pas à la légère car la médaille avait été portée à sa connaissance dans la collection de a famille Przypkowski, à Jendrzejov, Voïévodie de Kielce, avant la deuxième guerre mondiale, et il avait pu en prendre photo. Or, la famille Przypkowski la détenait dès les origines, connaissant les circonstances de sa création, puisqu’elle avait été portée par un de ses ancêtres, Samuel Przypkowsli, mort en 1670, guerrier, poète, noble et théologien unitarien dont les écrits furent publiés dans la Bibliotheca fratrum polonorum. Nous avons là, outre la médaille dans un excellent état de conservation, un témoignage (plus exactement une tradition familiale) de première main.

Nous ne savons rien, par contre, sur le graveur, sur le choix de la figuration de Jésus, sur celui des inscriptions du revers : ce qui n’a rien d’étonnant vu le caractère clandestin, " hérétique ", de l’entreprise. Cette médaille avait l’obligation d’être un signe de reconnaissance pouvant être arboré, donc discret et peu compromettant : d’où l’avers avec un profil de Christ, mais avec une inscription hébraïque, ce qui pouvait intriguer, et être une proclamation de foi, claire pour les initiés, mais peu lisible pour le commun, ce à quoi correspondent les " phrases " du revers. Au demeurant en présence d’un questionnement inquisiteur, on pourra toujours argumenter en faveur de l’apparente innocence des inscriptions. Nous aurons à examiner en détail image et inscriptions, pour en fournir une critique interne. 

Admettons d’ores et déjà que le profil du Christ est soit une création originale, soit une copie ou une adaptation de médaillon déjà existant (ce qui nous paraît le plus probable) : quant à l’inscription du revers, elle n’a d’équivalent nulle part ; elle a donc été faite à dessein. Tout cela n’aurait rien de bien compliqué à interpréter si, à la fin du XIXème siècle, des amateurs ignorants, dont des continuateurs existent encore, n’étaient tombés par hasard sur un exemplaire de la médaille et n’en avaient donné des commentaires défiant le bon sens et l’honnêteté. [à suivre]

Partager cet article
Repost0
24 avril 2007 2 24 /04 /avril /2007 08:20

 "La coupe et la flamme, emblème de l'unitarisme" (en anglais, the Flaming Chalice, le calice ardent), par Albert Blanchard-Gaillard, Approches unitariennes, n° 4, octobre-décembre 1987

Historique :

Cet emblème a été dessiné dans les années quarante par un réfugié autrichien qui avait fui le nazisme, le musicien * et dessinateur Hans Deutsch. Cet emblème lui avait été demandé par le directeur de l’Unitarian Service Committee, le très actif et efficace service d’entraide de la dénomination.

* ndlr. l’auteur s’inspire ici d’une documentation de l’Américain Dans D. Hochkiss, ors ce dernier n’évoque pas cette qualité de musicien.

Par la suite, de nombreuses Eglises unitariennes aux USA l’utilisèrent et, depuis 1962, il est le symbole officiel de l’UUA. Il est adopté maintenant par la plupart des organisations unitariennes dans le monde, par exemple par la General Assembly of Unitarian and Free Christian Churches de Grande Bretagne (et il figure dans les statuts officiels de l’Association unitarienne française comme emblème).

Interprétations possibles :

le logo de l'Unitarian Universalist Association (UUA) of Congrégations (Etas-Unis)

Voici celles de nos amis américains :

" Le calice, symbole sacré de mainte religion, évoque la vertu de partage avec toute la communauté du contenu de la coupe, ce commun contenant. L’huile, par laquelle la flamme apparaît au-dessus du calice, est souvent, parmi les éléments organiques, celui qui soigne et qui guérit. La flamme signifie la transcendance et le triomphe de la vérité sur la superstition et la peur. C’est aussi une invitation silencieuse à communier dans la chaleur de la communauté. De plus, la flamme planant au-dessus du calice suggère la forme d’une croix nous rappelant nos racines chrétiennes. Le cercle qui les entoure aux USA déclare de manière poignante que la terre et tous ses habitants ne font qu’un ".

Nos amis de l’UUA aiment souvent ajouter : " Ce qui est nécessaire, ce n’est pas d’avoir un symbole, c’est d’être un symbole ".

Je me permettrai, pour ma part, d’ajouter les notes suivantes :

Vers 1420, le calice était, sur leur drapeau, l’emblème des hussites révoltés à la fois contre la papauté et contre le Saint-Empire, du moins des plus modérés d’entre eux, appelés justement " calixtins ". Ceux-ci demandaient entre autres points, le droit à la libre prédication de la Parole de Dieu et la communion des fidèles sous les deux espèces : première revendication, en Europe centrale du Sacerdoce universel (ou de tous les croyants), revendication qui sera reprise, mais jamais vraiment appliquée, par tous les protestantismes *

* ndlr : à la suite des hussites, les luthériens, calvinistes et unitariens pratiquent la communion sous les deux espèces. L’auteur fait allusion à la libre prédication de la Parole qui, elle, est bien souvent monopolisée par les seuls pasteurs.

Plus profondément sûrement, la coupe (potêrion : coupe, vase à boire) a toujours symbolisé dans l’Ancien et le Nouveau Testaments la part de destin que Dieu réserve à l’homme : coupe des victoires (Ps. 116, 13), coupe de tourments (Ps. 75,9), coupe de désolation (Ez 23, 33), etc. De même Jésus, lors de sa dernière Pâque, prend une seconde fois la coupe en disant : " Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang … " (Luc 22, 20), mettant, en cette recension de ses paroles, plus l’accent sur le symbolisme de la coupe que sur celui de son contenu.

On peut à bon droit soutenir, me semble-t-il, que pour le fidèle et véritable chrétien selon l’enseignement du Maître, la coupe symbolise l’espérance spirituelle, la foi en une parole, par delà toute croyance mythologique, sacramentelle, en l’efficacité d’un rite. Vient conforter cette interprétation, le surgissement, au-dessus de la coupe, la survie, l’éternelle résurrection de la flamme, un des symboles bien connus de l’effusion permanente, dans le cœur de l’homme, de l’Esprit.

Partager cet article
Repost0
6 avril 2007 5 06 /04 /avril /2007 04:53

Historien français, ayant enseigné à Marseille et résident depuis sa retraite à Digne, Albert Blanchard-Gaillard fut le maître d’œuvre de l’unitarisme en France. Il fut cofondateur en 1986, secrétaire générale (1986-1990), puis président (1990-1996) de l’Association unitarienne française AUF (francophone  à partir de 1992). Puis, à la suite de l’éclatement de l’AUF en septembre 1996, cofondateur, président (janvier 1997-octobre 1998) et président d’honneur de l’Assemblée fraternelle des chrétiens unitariens AFCU (depuis octobre 1998).

Théodore Monod, président d’honneur de l’AUF puis de l’AFCU, le soutint constamment dans ses efforts.

Il fut rédacteur des 26 premiers bulletins internes à l’AUF " Approches unitariennes ", puis publia plusieurs articles dans le bulletin de l’AFCU " Recherches unitariennes ", faisant notamment connaître des travaux qu’il coordonna au sein du groupe unitarien de Digne. Aux articles déjà mis en ligne par le site Profils de libertés (sur l’histoire de l’Eglise des frères polonais, Michel Servet, Albert Schweitzer), La Besace des unitariens http://labesacedesunitariens.over-blog.com ajoute pas moins de 8 articles qui ont été publiés dans les " Recherches unitariennes " et qui avait été mis sur l’ancien site de l’AFCU.

Nous remercions Jean-Marie Godillot, président de l’AFCU d’octobre 2004 à octobre 2005, et sa compagne Geneviève Prouvost d’avoir saisi plusieurs de ces textes.

Ces documents, jusqu’à présent peu diffusés, sont accompagnés d’une " bibliographie unitarienne " exhaustive des publications de l’auteur. Veuillez cliquer sur la catégorie " BLANCHARD-GAILLARD Albert ". Nous vous en souhaitons une bonne lecture.

A suivre dans les prochaines semaines, des textes de Roger Sauter, Pierre Bailleux, Jean-Claude Barbier, etc.

Partager cet article
Repost0
6 avril 2007 5 06 /04 /avril /2007 04:19

"Léon Tolstoï (1828 - 1910), chrétien libre … et excommunié", par Albert Blanchard-Gaillard, Recherches unitariennes, n° 13, 1er trimestre 2004 et n° 14, automne 2004.

Le 4ème fils du comte Nicolas Iliitch Tolstoï et de la princesse Marie Volkonski est né le 28 août 1828 à Iasnaïa Poliana (la Clairière aux frênes), à 200 km au sud de Moscou. PLus tard, cette propriété, célèbre dans le monde entier, sera sa base et son refuge.

Après quelques années d’études de philologie et de droit à Kazan, il suit son frère à l’Armée, dans la région du Caucase. Ensuite, il est envoyé surs sa demande à la guerre de Crimée (1854-1855), où il fait preuve d’une très grande bravoure.

En congé de la vie militaire à la fin de 1855, c’est à la création littéraire qu’il va consacrer une grande partie de ses forces : de la trilogie " Enfance - Adolescence - Jeunesse " (1852-1857) aux grands romans que sont " Guerre et Paix " (1869), " Anna Karénine (1877), jusqu’à " Résurrection " (1899), sans compter les nombreux récits, contes, journaux et ouvrages théoriques. Léon Tolstoï va devenir le phare de la littérature universelle que tout le monde connaît. Aussi bien n’est-ce pas ce versant bien défriché de son activité à laquelle nous allons nous intéresser ici, mais plutôt à sa pensée et plus particulièrement à sa pensée religieuse et aux tourments qu’il a endurés à cause d’elle. Sous-tendant le travail romanesque, qui est pour l’auteur auto-analyse et progression intérieure, une vie spirituelle intense va animer toute l’existence adulte de L. Tolstoï. Cette spiritualité se manifestera essentiellement à partir de deux préoccupations : la sympathie agissante pour les serfs et moujiks considérés comme l’âme de la nation à l’inverse de la noblesse futile et parasitaire, une recherche religieuse permanente (qui n’a pas toujours été prise en considération par certains biographes superficiels).

Toltoï a bien du mal à achever " Anna Karénine ", dont la rédaction lui prend quatre ans. La publication de " ce roman âprement pessimiste " (Henri Troyat) va coïncider avec une profonde dépression chez l’auteur, avec même la tentation du suicide : " Après avoir atteint ce sommet [l’auteur évoque sa cinquantaine et sa célébrité] d’où l’on découvre l’existence en entier, je me trouvais debout, tel un imbécile, comprenant enfin qu’il n’y avait rien, qu’il n’y aurait jamais rien dans la vie ".

Voulant échapper au vertige du néant, il pense trouver la solution dans la foi simple des gens du peuple. Pas de vie possible sans une foi profonde. Le Comte, lecteur de Pascal, va se rappeler les lignes célèbres de la Pensée 233 : " Suivez la manière par où ils [" les gens guéris de l’infidélité "] ont commencé : c’est en faisant tout comme s’ils croyaient, en prenant de l’eau bénite, en faisant dire des messes, etc. Naturellement, même cela vous fait croire et vous abêtira … ". Il va alors s’astreindre, avec une totale sincérité, à deux ans de pratique de la religion populaire, la plus simpliste et la plus mortifiante pour l’intelligence. " Même si, dira Troyat, certains rites de la religion lui paraissent absurdes, injustifiables, même si le comportement des fidèles lui rappelait les plus obscures superstitions … avec la même ardeur qu’il apportait jadis à critiquer les dogmes de l’Eglise orthodoxe, Léon Toltoï se jeta dans la piété ". Il récitait longuement ses prières quotidiennes, faisait maigre le mercredi et le vendredi, assistait aux offices matinaux du dimanche … Même, à deux reprises, habillé en moujik, des sandales en écorce aux pieds, la besace du vagabond sur le dos, il se rendit en pèlerinage dans le célèbre couvent d’Optina-Poustyne, à quelques centaines de verstes de chez lui. Mais, à chaque fois, la rencontre avec le staretz Ambroise le déçut. C’est que Toltoï, même avant sa " conversion ", n’était pas un vulgaire agnostique. Il croyait en Dieu, en les leçons de l’Evangile, et il était très attaché à la personne de l’homme de Galilée. Quand il dit un jour à l’évêque de Toula qu’il envisageait de distribuer tous ses biens aux pauvres (comme par exemple dans Actes 2, 45), le dignitaire le regarda avec pitié, lui disant que c’était une " voie dangereuse ".

Sa rupture avec l’Eglise établie :

Vers le milieu de 1878, ses doutes revinrent. Il ne put plus se plier aux sottes dévotions et à l’abandon de tout esprit critique qu’il s’était forcé d’accepter. Dans son journal de 1878, il note : " La prière pour la victoire sur les ennemis est un sacrilège. Le chrétien doit prier pour ses ennemis et non contre eux ".

A quelque temps de là, s’apprêtant par habitude à communier, il entendit le prêtre lui demander de répéter après lui que le corps et le sang de Jésus étaient réellement présents sous les apparences du pain et du vin. Cette phrase, entendue pourtant des centaines de fois, lui occasionna un sursaut de révolte et de dégoût, et il ne fréquenta plus jamais l’Eglise. Il réagissait non à la façon d’un sceptique, mais, nous dit encore H. Troyat, " à la façon d’un chrétien des premiers âges, encore illuminé par la proximité historique du Seigneur ". Dans son carnet, il note, le 3 septembre 1899 : " L’Eglise, du troisième siècle à nos jours, n’est que mensonge, cruauté et tromperie. Au troisième siècle, quelque chose de grand s’y cachait encore. Mais qu’est-ce que c’est ? (…) Examinons l’Evangile ". Il ne croyait ni à la résurrection de Jésus, impensable, ni à sa divinité, rejetant comme flatus vocis le dogme de la Trinité.

Il est donc, disait-il, indispensable de repartir de l’Evangile et de repenser la religion en séparant le vrai du faux. Dans une lettre du début de 1890, il affirme : " Dès qu’on a voulu dire [de Jésus] qu’il était Dieu, la seconde personne de la Trinité, il en est résulté un sacrilège, un mensonge et une sottise (…Jésus) nous a offert le salut. Comment ? En nous apprenant à donner à notre vie un sens qui ne se détruit pas à la mort (…) Pour moi, le fond de cet enseignement, c’est qu’il faut, pour se sauver, chaque, à chaque heure, penser à Dieu, à son âme et, par conséquent, placer l’amour du prochain au-dessus de la vie bestiale ".

Il ressent la nécessité de faire partager sa foi. Il rédigea alors plusieurs livres, dont la diffusion fut d’ailleurs rendue difficile ou impossible. C’est d’abord une " Confession " (1879), puis une " Critique de la théologie dogmatique " (1880), une " Concordance et traduction des quatre évangiles " (1882), enfin, ce travail acharné de quatre ans s’achève par " Quelle est ma foi ? " de 1883. On essaya de tirer trente exemplaires de cette brochure, ce qui était possible sans l’autorisation de la Censure. Mais la Police les saisit quand même.

Voici les principes, tirés de l’Evangile, qui résumaient ce texte " subversif " : " Ne te mets pas en colère, ne commets pas l’adultère, ne prête pas de serment, ne résiste pas au mal par le mal, ne sois l’ennemie de personne, aime Dieu et ton prochain comme toi-même ". Le sage d’Iasnaïa Poliana, âgé de 55 ans, ajoutait : " Si étrange que cela puisse paraître, j’ai dû, après dix-huit siècles, découvrir ces règles comme une nouveauté ".

La police tsariste et les autorités de l’Eglise orthodoxe officielle étaient furieuses d’être contestées par un personnage aussi éminent - le " deuxième tsar de Russie " disait-on dans un écrit satirique intitulé " Le Lion (= Léon en russe) et l’Âne ". Elles purent censurer tous les écrits religieux du Maître, qui furent cependant traduits à l’étranger, mais ne purent, pour le moment, s’en prendre à sa personne trop célèbre et respectée dans le monde entier.

Le soutien aux minorités religieuses

Un courant religieux ancien, datant du XVIIème mais organisé au XVIIIème, surnommé les Doukhobors (en russe, les " lutteurs de l’Esprit "), de leur nom original " chrétiens de la fraternité universelle ", furent de nouveau persécutés à l’occasion de l’avènement du nouveau tsar, Nicolas II, influençable, borné et très réactionnaire. Déjà déportés dans le Caucase, ces " libertaires chrétiens " qui refusaient tout ce qui venait de l’Etat et de l’Eglise officielle (dont la servilité envers le pouvoir n’avait / n’a d’égale que sa cruauté envers les dissidents), furent brutalement réprimés par les Cosaques, qui firent de nombreuses victimes. Ces dragonnades avaient été déclenchées par l’administration civile / religieuse en juillet 1895. Le prétexte : leur refus du service militaire, du serment, de l’école. Leur non résistance à la violence, doctrine qui était aussi celle de Tolstoï, ne les protégea pas d’être sabrés ou défigurés à coup de fouet. Leurs maisons et leurs maigres biens furent confisqués ; quatre cent d’entre eux moururent.

Tolstoï fit immédiatement paraître, dans le Times de Londres, un reportage d’un de ses disciples sur la sanguinaire répression, sous le titre " the persecutions of Christians in Russi in 1895 ". Comme beaucoup de Doukhobors mouraient encore de privations. Tolstoï fit paraître, avec deux disciples, Birioukov et Tchertkov, un manifeste qui connut une certaine diffusion dactylographiée, intitulé : " Au secours ! ". Le tsar, qui en avait reçu un exemplaire, fit exiler Tchertkov, fils de général, et déporter Birioukov ; mais on n’osa pas toucher au grand écrivain. Ce dernier ne se découragea pas, malgré les nombreuses menaces de mort reçues par lettres anonymes. Il serait exécuté " parce qu’il offensait Notre Seigneur Jésus-Christ et se conduisait en adversaire du tsar et de la patrie ". Léon nota dans son journal en 1897 : " Je regrette qu’il y ait des gens qui me détestent, mais cela ne m’intéresse guère et ne me trouble en aucune façon ".

A Londres, Serge son fils avait réussi à intéresser les quakers, proches religieusement des doukhobors, à leur cause. D’autre part le gouvernement russe était très ennuyé de l’émotion soulevée par ces persécutions tant dans les milieux libéraux de Russie qu’à l’étranger. Il autorisa donc les "Chrétiens de la fraternité universelle " à émigrer au Canada ou des terres vierges en quantité suffisante étaient mises à leur disposition. Cependant il fallait financer le voyage et l’installation. Des familles nobles souscrivirent, mais de manière insuffisante. Le grand écrivain se remit alors au travail, achevant une nouvelle, Le Père Serge, et surtout un long roman, Résurrection, dont il décida d’effectuer les droits d’auteurs aux besoins de ces chrétiens en danger : ainsi une bonne partie des doukhobors put trouver la liberté au Canada, où leurs descendants résident toujours.

Tolstoï et sa famille vinrent aussi au secours d’autres dissidents religieux : Les molokhanes (ou buveurs de lait). Ces malheureux commettaient cet attentat à la religion du Christ (ou plutôt à sa version étatique russe) de boire du lait pendant le carême plutôt que de se nourrir de poissons et d’œufs comme tout le monde. En vertu de quoi le premier ministre Pobiédonostzev décida de leur faire retirer la garde de leurs enfants. Il fallut deux libelles du Comte et une démarche de sa fille Tania à Saint-Pétersbourg pour qu’une situation normal fut rétablie.

L’excommunication de Léon Tolstoï :

La publication de " Résurrection ", à partir de mars 1899, n’avait pas seulement pour but de lever des fonds pour les courants religieux opprimés. L’écrivain y attaquait de grandes institutions de l’Empire, comme la magistrature de l’Eglise orthodoxe d’Etat. Voici quelques phrases tirées d’une description d’un service religieux :

" La messe consistait en ceci : le pope s’étant affublé d’un costume spécial en brocart, bizarre et très incommode, découpait du pain en petits morceaux et les disposait sur une assiette pour les tremper ensuite dans une coupe de vin en prononçant des noms divers et des prières. (Pendant ce temps, le sacristain chantait diverses oraisons en slavon, incompréhensibles pour tous.) Le prêtre trempa un morceau de pain dans le vin, puis le mit dans la bouche. " Il était censé manger un morceau du corps de Dieu et boire une gorgées de son sang " Quand les fidèles eurent fait de même, " il remporta la coupe derrière la cloison où il mangea tous les petits morceaux du corps de Dieu, et but tout le sang qui restait, suça avec soin sa moustache, essuya sa bouche,…. Et, tout guilleret, faisant craquer les minces semelles de ses bottes en cuir de veau, sortit à pas décidés.". Ailleurs, Tolstoï écrivait que ce qui se déroule à l’église est " monstrueux et sacrilège ", et que c’est " une farce aux dépens du Christ ".

Depuis des années, les dignitaires orthodoxes, fonctionnaires de l’Etat, tonnaient en chaire contre " ce maître hérétique nouveau venu ", cet " impie et incroyant ". En 1896, Pobiédonostzev avait essayé d’obtenir du tsar son incarcération ad vitam dans un monastère sibérien. Enfin, en avril 1900, sur les ordres du premier ministre, le métropolite Antoine, chef du Saint-synode, se décida- t- il à prononcer l’excommunication du chrétien trop indépendant et donc scandaleux. Un décret officiel fut affiché, en février 1901 à la porte de toutes les églises. On y relevait parmi d’autres, les expressions suivantes :

" Dieu a permis qu’apparaisse un nouveau faux docteur, le comte Léon Tolstoï (…) Abusé par son esprit d’orgueil, il s’est élevé avec insolence et audace contre Dieu, contre le Christ, et contre son saint héritage, (…) l’Eglise par laquelle la Sainte Russie s’est maintenue forte jusqu’à présent (…) Il prêche, avec l’ardeur d’un fanatique, l’abolition de tous les dogmes (qui sont) l’essence même de la foi chrétienne ; il nie " la Sainte Trinité, Jésus-Christ Dieu-Homme, l’Immaculée Conception, la virginité avant et après la conception de Marie, mère de Dieu (…) Il n’a pas craint de se moquer du plus grand des mystères, la Sainte Eucharistie (…) ". C’est pourquoi il est retranché de l’Eglise, et qu’il n’est plus loisible à personne d’avoir de relations avec lui.

En fait, les marques de sympathie des écrivains, des étudiants et des classes éclairées, et même ceux des paysans qui étaient au courant et pouvaient s’exprimer, affluèrent en nombre malgré leur interdiction. Sonia, la femme de l’écrivain, pourtant une dévote habituellement peu ouverte, écrivit au métropolite Antoine les lignes suivantes (reproduites à l’étranger) : " Les coupables du péché de trahison ne sont pas ceux qui s’égarent en cherchant la vérité, mais ceux qui orgueilleusement se tiennent à la tête de l’Eglise et qui, au lieu de pratiquer (…). Le pardon, se transforment en bourreaux religieux. Dieu pardonnera plus facilement à ceux qui, en dehors de l’Eglise, renoncent aux biens terrestres et mènent une vie de charité qu’aux porteurs de mitres brillantes et de décorations, qui condamnent et excommunient… ".

Le 4 avril 1901, Tolstoï écrivit une lettre publique tant pour se démarquer des orthodoxes intolérants que des matérialistes agnostiques qui voulaient le présenter comme un des leurs. Tout en récusant une nouvelle fois les "dogmes incompréhensibles " de la Trinité et de l’Immaculée Conception, et les sacrements " vils et grossiers ", il formulait positivement sa foi :

" Je crois en Dieu que je conçois comme l’Esprit, l’Amour et le Principe de tout. Je crois qu’Il est en moi comme je suis en Lui. Je crois que la volonté de Dieu n’a jamais été mieux exprimée que dans la doctrine du Christ homme. Mais on ne peut considérer le Christ comme Dieu et lui adresser des prières sans commettre le plus grand des sacrilèges. Je crois que le sens de la vie, pour chacun de nous, est d’accroître l’amour de Lui… et que pour cela, il n’y a qu’un moyen, la prière, non celle dans les temples, réprouvée par Jésus, mais la prière solitaire, celle de l’union du cœur avec Dieu. "

Tolstoï avait 73 ans. A sa mort, neuf ans après, sa foi n’avait pas changé.

Partager cet article
Repost0
5 avril 2007 4 05 /04 /avril /2007 20:07

"Les catéchismes peuvent-ils être non conformistes ? Celui de Rakow (1605)", par Albert Blanchard-Gaillard, texte inédit, 2003

Un catéchisme est d’abord un outil pédagogique, mais pas seulement. Son étymologie dérive du verbe grec " katechéô ", qui signifie retentir, et en second, enseigner de vive voix.

Dans l’univers religieux socinien, c’est le rabbi Ieschoua’, Jésus, qui a été notre premier instructeur. En effet, si l’on excepte sa mort, qui n’a pas forcément vertu d’exemple, toute l’activité publique du Maître est faite d’éducation. On n’en finirait pas de citer les péricopes des évangiles (unités de discours renfermant une scène ou un enseignement) qui commencent par une question, souvent une énigme dont seul l’auditeur a la clé ; bref l’invitation à une sorte de recherche dont la réponse n’est pas donnée d’avance.

Jésus n’assène pas de certitudes dogmatiques qu’il faudrait admettre sans réfléchir, qu’il faudrait apprendre par cœur. Certes, " il parlait avec autorité, et non pas comme les scribes " (Mc, 1,22 et //), mais il s’agit d’une autorité personnelle, de type charismatique, et non l’autorité conférée par une fonction. " Et il leur posait cette interrogation : ‘Mais vous, qui dites-vous que je suis ?’ " et, quelles qu’aient été les réponses, il leur enjoignit d’un ton sévère de ne rien dire de lui " (Mc, 8, 29-30 et //). " Qui est le plus grand ? " (Lc, 22,27) ; " Qui est ma mère et qui sont mes frères ? " (Mt, 13,48) ; " Pourquoi cette génération cherche-t-elle un signe ? " (Mc, 8,12) ; " N’avez-vous pas encore réfléchi ni compris ? Avez-vous le cœur endurci ? " (Mc, 8, 17) ; " Comment les scribes disent-ils que le christ est le fils de David ? " (Mc, 12, 35), etc.

En bref, la parole de Jésus est éducation, souvent : " Ne faites pas…ne dites pas … ". Elle est aussi fréquemment questionnement, dont la réponse est à chercher en soi, donc remise en question personnelle, appel à la conversion. Elle est enfin contestation, c’est-à-dire d’un autre côté attestation, proclamation : " On vous a dit…mais moi je vous dis… ".

Les catéchumènes sont des postulants chrétiens ; mais, simples auditeurs comme leur nom l’indique, ils ne deviendront de vrais fidèles qu’après avoir été instruits. Le baptême est le couronnement et le symbole de leur accession à une foi maîtrisée et comprise.

Tout cela est du temps de la tradition orale, puis vint celui de l’imprimerie. Le catéchisme tel que nous le concevons, ouvrage imprimé exposant la foi par demande et réponses, est l’œuvre de la Réforme, et cela se comprend. Grand et petit catéchisme de Luther dès 1529, catéchisme de Calvin en 1545 - intitulé " Formulaire d’instruire les enfants en la chrestienté, faict en manière de dialogue ou le ministre interroge et l’enfant respond " -, ces exposés, étant ceux de nouvelles Eglises, ont avant tout une fonction protestataire dans les deux sens d’attestation de foi et de contestation des erreurs de l’Eglise antérieure. Dans un milieu au départ peu encadré, ils servent aussi de référence et d’aliment pour les isolés.

Bien entendu, l’Eglise romaine, ébranlée dans son autorité, va répondre et se mettre, elle aussi, à la confection d’un catéchisme ; ce sera celui du concile de Trente, publié en 1566. On voit combien la " Grande Eglise " est totalitaire, car elle veut avoir réponse à tout, y compris ce qui n’a été ni observé, ni connu, ni même révélé par les Ecritures, comme par exemple ce qu’il en serait de la nature profonde de Dieu en ses " processions " et ses " relations internes ". Aussi ce genre de catéchisme, finalement très rhétorique, est-il fort long. Le Nouveau catéchisme de l’Eglise catholique, promulgué par Jean-Paul II en 1992, ne comporte pas moins de 2 865 propositions, cette fois-ci sans questions, en 676 ou 800 pages suivant l’édition. Aussi ne doit-il pas être compris comme un outil d’instruction des enfants ou un compendium de foi, mais comme une sorte de dictionnaire dogmatique de référence ; ce qui explique son succès de vente (sa possession est un brevet de conformisme)…et sa faible influence sur les croyances des fidèles.

La problématique principale à laquelle doit répondre cette présentation est la suivante : les responsables cléricaux sont généralement très pénétrés, par leur formation et leur état, du bien fondé de leur activité catéchétique ; or, pour la plupart des gens il n’en est pas de même et le mot catéchisme évoque plutôt l’endoctrinement des jeunes enfants, avec tout ce que cela comporte d’argument d’autorité et de démarche persuasive habile pour faire tenir comme évidentes des affirmations plus qu’hypothétiques. Les grands dictionnaires de langue gardent la trace de cette connotation très péjorative du processus de catéchisation. Ainsi le " Robert ", à l’article catéchiser, donne les deux sens

1°) d’instruire de la religion chrétienne, et 2°) d’endoctriner, avec la citation suivante de M. van der Meersch (écrivain catholique) dans " L’élu " : " Ces superstitieuses épouvantes qui vous restent du catéchisme… " ; et, à l’article endoctriner : " Chercher à gagner quelqu’un à une opinion, un point de vue ", avec des renvois à circonvenir " agir sur quelqu’un avec ruse pour parvenir à ses fins" et à entortiller " envelopper quelqu’un de ruses et de séduction ". On parle aussi de bourrage de crâne, qui est " une action insistante et persévérante pour en faire accroire ", c’est-à-dire abuser de la crédulité de quelqu’un, faire croire ce qui n’est pas. On voit que le catéchisme n’a pas forcément bonne presse aujourd’hui.

Or les courants religieux minoritaires, qui sont nés par réaction à des abus de positions dominantes institutionnelle et/ou théologique des grandes Eglises, sont censés être tolérants, critiques et amoureux de la liberté spirituelle ; " dans la véritable Eglise du Christ, disaient les sociniens, nul ne peut commander à d’autres en matière de foi ". Cette manière très libérale est-elle compatible avec l’élaboration de catéchismes ? La question que nous voulions amener est la suivante : les non-conformistes peuvent-ils produire et utiliser ce qui est le symbole du conformisme, un catéchisme ?

Les courants contestataires chrétiens ont tous produits des catéchismes, comme celui que nous allons vous présenter sommairement. N’y a-t-il pas là une contradiction ? Il nous semble que non pour les raisons suivantes :

1°) Il faut rappeler dans quelles conditions sont apparus et ont essayé de se faire une place les courants chrétiens " radicaux ", toujours très minoritaires, même au sein de la Réforme. On a voulu immédiatement les détruire, méthodiquement, par le fer et par le feu, pour qu’ils ne puissent pas se faire entendre et ainsi menacer des situations acquises. Dans ce but, les catholiques ont rivalisé de cruauté avec les luthériens, les réformés et les orthodoxes.

Il fallait, à ces protestants non trinitaires de la première heure, être bien informés des conséquences théologiques et ecclésiologiques qui découlaient de leur ardente foi en un Dieu Un, strictement un, et en l’humanité de Jésus. Il leur fallait être sûrs, en raison et par l’histoire, que le bricolage rhétorique du dogme trinitaire n’était pas constitutif du christianisme, comme l’affirmaient les clercs, mais datait seulement de l’époque constantinienne. Ces sociniens, chassés de leurs terres par la persécution tridentine et l’exil, étaient souvent des individus ou des familles isolés, soumis à la terrible pression des Eglises installées. Ce catéchisme des périodes difficiles fut d’abord le viatique des Frères sans congrégation.

2°) Leurs adversaires soutenaient que les contestataires chrétiens étaient seulement des " anti ", des destructeurs des dogmes traditionnels (les intéressés n’aimaient pas, à cause de cela, l’appellation d’antitrinitaires). Aussi la diffusion d’un document aussi important que le Catéchisme de Rakow fit connaître à un très marge public européen leur véritable prédication.

3°) Les premiers propagateurs du christianisme non trinitaire (ou unitarien) sont des hommes de la Renaissance ayant un certaine notoriété ; l’Espagnol Michel Servet, les Italiens Lelio et Fausto Sozzini, Biandrata et bien d’autres, sont savants, des médecins, des juristes, en tout cas des lettrés de haut niveau, bons exégètes, lisant le latin, le grec et l’hébreu, et maniant aisément les procédures rationnelles. Avant Descartes et son Discours de la Méthode, ils en mettent en œuvre les démarches que permet un catéchisme par demandes et réponses : la démarche analytique, qui décompose un tout en ses plus petites parties, pour en mieux résoudre les difficultés ; la démarche déductive, qui infère d’un principe découvert par l’intuition ou par la foi toutes les conséquences.

Ainsi, tous les grands catéchismes de cette époque sont les fils légitimes de la Renaissance (érasmienne particulièrement) et de la Réforme, aidés par les prémices du rationalisme qui allait triompher au XVIIème siècle De plus, les chrétiens non trinitaires, qu’ils soient unitariens ou sociniens, ont la conviction de revenir au " vrai " christianisme des origines, celui d’avant les dogmes et les hiérarchies, que la majorité des protestants n’a pas eu, d’après eux, l’audace de rejoindre, et qui est le seul enseignement de Jésus le Nazôréen, débarrassé de toutes les adjonctions ultérieures qui l’auraient défiguré et perverti.

Avant l’officiel Catéchisme de Rakow des Frères polonais, il y en eut d’autres. Les historiens signalent une première tentative de Grégoire Paul (1525-1591), un des leaders des Frères. La Contre-Réforme l’a détruit, ne nous en laissant que le souvenir. Vers 1574, un certain George Schormann établit une Confessio Fidei, sans doute fort courte. Fauste Socin lui-même avait composé deux traités inachevés, donc à l’époque restés manuscrits : une Christianae Religio brevissima Institutio per Interrogationes et Responsiones, quam Catechismus vulgo vocant, et un Fragmentum Catechismi Prioris.

Une lettre de F. Socin, en date du 23 novembre 1603, nous indique que le synode des Frères de l’Ecclesia Minor lui confia, avec l’aide de Pierre Statorius junior, la tâche de présenter une édition plus aboutie sinon définitive du Catéchisme. Mais F. Socin mourut trois mois plus tard et Statorius disparut début 1605. Le soin d’achever cette mission fut alors confié à trois éminents théologiens non trinitaires : Valentin Smalcius (Schmalz, 1572-1622), Jéröme Moscorovius (Moskorzowski) et Johannes Völkel. Ces trois hommes menèrent à bien le travail de révision des premières ébauches sociniennes et publièrent la première édition en polonais du Catéchisme à la fin de 1605 (une seconde édition paraîtra en 1619). Il y aura, à partir de 1609, six éditions en latin, langue internationale de l’époque, trois en néerlandais, deux en allemand et deux en anglais.

Le titre exact (traduit par nous) du Catéchisme de Rakow était : " Le Catéchisme des Eglises qui, dans le Royaume de Pologne, le grand Duché de Lituanie et autres Provinces royales, affirment que personne d’autre que le Père de notre seigneur Jésus-Christ n’est le seul Dieu Un d’Israël ; et reconnaissent et confessent qu’un Homme, Jésus de Nazareth, né d’une Vierge, est le fils unique engendré par Dieu, et personne d’autre en plus ou avant lui ". Déjà presque tout est annoncé dans ce titre, à la manière feutrée des Sociniens qui, on le sait, croient en la naissance miraculeuse de Jésus, en sa résurrection et en son ministère triple de Prophète (principalement), de Roi et de Prêtre, tout en n’étant, par nature, qu’un homme exactement comme nous ; l’Esprit saint (ou Souffle de Dieu) étant la communication de sa force vivifiante et éclairante.

Ce catéchisme, en ses diverses éditions, fut imprimé d’abord sur les presses des imprimeurs amis de Rakow, d’où son nom courant. Quand la cité des Frères fut vidée par ordre des Jésuites, l’impression se fit, sous de fausses indications de lieu (et parfois de date) à Amsterdam avec l’aide des Collégiants (les amis de Spinoza - celui-ci lut le Catéchisme et s’en inspira) ou des Remonstrants, l’aile libérale du calvinisme.

Il était de format réduit (in-12), ce qui permit de le transporter et de le diffuser plus facilement dans toute l’Europe, malgré les interdictions et les risques. Une édition anglaise, imprimée par des sociniens anglais, fut, audacieusement, dédiée au roi Jacques Ier (de la Maison des Stuart), lequel prit très mal cet hommage, déclara l’ouvrage satanique et le fit brûler en 1614 par ordre du Parlement. N’empêche que des exemplaires furent lus par les évêques latitudinaires anglicans vers 1640. Cela ne fit que renforcer leur recherche d’une théologie rationnelle et leur volonté d’œuvrer pour une Eglise " large " (Broad Church), tendance qui existe toujours dans l’Eglise d’Angleterre.

Le catéchisme  socinien en effet, s’il était de petit format, n’en comportait pas moins de 400 pages, ce qui en faisait non pas un court manuel à l’usage des enfants mais un ouvrage de référence pour théologiens et fidèles instruits. On en fit des réfutations jusqu’à la fin du XVIIIème siècle ; ce qui accrut encore sa notoriété (par exemple auprès de J. J. Rousseau et des rédacteurs de l’Encyclopédie). Cependant, la Révolution et les guerres européennes le firent oublier et il ne fut réimprimé qu’en Angleterre au début du XIXème siècle, à l’usage des pasteurs unitariens, cette tendance du protestantisme étant enfin autorisée dans le Royaume-Uni en 1813.

Les thèses du Catéchisme ne seront pas analysées ici, étant résumées dans d’autres articles. On me permettra cependant, du moins je l’espère, d’affirmer ma sympathie pour leurs auteurs, ces hommes courageux et obstinés, malgré les persécutions, qui déclaraient dans l’introduction de leur traité :

" En rédigeant ce catéchisme, nous ne prescrivons rien à personne. En exprimant nos sentiments, nous n’opprimons personne. Que chacun soit libre de manifester son jugement en matière de religion, pourvu qu’à nous aussi il soit permis de faire connaître nos opinions sur les choses divines sans injures ni invectives. Telle est en effet cette belle liberté de prophétiser […] dont l’Eglise primitive des Apôtres nous donne un lumineux exemple […] quant à nous, nous sommes tous frères, aucun pouvoir, aucune domination ne nous a été accordée sur la conscience d’autrui". Tels étaient les Frères polonais, des chrétiens libres qui furent pour cela haïs et persécutés.

Partager cet article
Repost0
5 avril 2007 4 05 /04 /avril /2007 19:53

"Le nom de Jésus", Recherches unitarienne, n° 7, début 2000 et n° 8, mi 2000, étude coordonnée en 1999 par Albert Blanchard-Gaillard au sein du groupe unitarien de Digne

Les chrétiens libres sont au courant de l'exégèse contemporaine (et critique) la plus sophistiquée: par exemple celle qui est recensée dans Daniel Marguerat et al. : Jésus de Nazareth, Nouvelles approches d'une énigme, Genève, 1998 ; ou celle qui est issue des travaux du Jesus Seminar. II n'en reste pas moins que l'exégèse rationnelle et indépendante commence avec Érasme (1536) et se poursuit avec les chrétiens non-trinitaires Servet (1553), Socin (1604) et ses disciples, et surtout Francis Dávid (1579), dont les oeuvres (en hongrois ou latin) restent manuscrites. Tous ces chrétiens engagés n'avaient pas attendu Richard Simon (1712) ou Reimarus (1765) pour rechercher adogmatiquement la vérité dans l'Écriture.

C'est dans cette ligne que nous nous situons. Nous savons bien que les "récits de la naissance", qui ne figurent que dans Luc 1, 26-38 et 2, 1-7, et allusivement dans Matthieu, 1, 18-25, les plus tardifs (80-90 ?) des Synoptiques, sont considérés comme "rédactionnels" par les exégètes sérieux (rédactionnel veut dire inventé par les auteurs, autrement dit passablement mythique, ou du moins romancé). Les Églises reconnaissent - en privé - cette caractéristique, mais ne se privent pas d'utiliser tous ces "récits de l'enfance" pour attiser la piété populaire. Quant à nous, nous rechercherons, au-delà de l'utilisation d'un surnaturel très daté (attendrissant, mais plus vraiment croyable), s'il ne se serait pas glissé, au milieu des proclamations théologiques, les fameux "thèologoumènes"*, quelques détails factuels utilisables.

* l'héologoumène est un texte ou récit des Ecritures rédigé pour prouver une affirmation théologique.

II en est ainsi, pour nous, de l'imposition du nom de Jésus. C'est le tout premier épisode de sa carrière future, avant même qu'il soit conçu (ce qui n'est pas habituel, car les enfants juifs étaient prénommés, nous allions dire baptisés, les garçons lors de la circoncision, les filles à la synagogue, lorsque l'on lit pour la première fois devant elles la Torah). Cette imposition du nom est même une faveur quasi divine; ainsi dans "Pirké de Rabbi Elezier" : "Six personnages ont reçu leur nom avant leur naissance : ce sont Isaac, Ismaël, Moise notre législateur, Salomon, Josias, et le nom du Messie). Or l'imposition d'un nom n'est pas chose sans importance, car dans la culture juive, "le nom d'une personne agit sur sa vie" (Talmud, Ber. 7b). Le nom, quand il a un sens précis, détermine le destin d'une personne. Et ce sera le cas ici.

Dans Luc, un messager vient dire à Marie que, sous peu, elle sera enceinte et qu'elle devra appeler son fils Jésus (transcription du grec Ièsous, lui-même rendant l'hébreu Iéchouah ou Iéhochouah - autre transcription Josué -, dont la signification est : Iah(vé) sauve. Le fait sera rappelé par le même évangéliste en 2, 21 : "Huit jours plus tard, quand vint le moment de circoncire l'enfant, on l'appela du nom de jésus, comme le messager l'avait demandé avant sa conception.". Dans Matthieu, Joseph, dans un rêve, s'entend dire : "Marie, ton épouse, enfantera un fils, et tu l'appelleras du nom de Jésus, "car c'est lui qui sauvera son peuple".

Ce nom est donc programmatique : il dit que celui qui le recevra sera l'intermédiaire de Dieu dans l'ouvre de salut. Dieu sauvera par lui. Peut-on aller jusqu'à dire que jésus, dès avant sa conception, a été programmé ? Programmé par qui ? Par Dieu qui, selon l'espérance juive, devait envoyer un messie pour libérer son peuple? Par des hommes à coup sûr, puisque Dieu a besoin d'eux pour se faire entendre et agir.

Ces militants, qui attendent avec impatience le Messie annoncé et qui seront ses hommes (Gabriel = homme fort de Dieu) quand il viendra, ce sont tous ceux qui refusent l'ordre établi, la situation politico-religieuse d'alors : les partisans de la mouvance messianiste, "esséniens, zélotes, baptistes, Nazôréens" (les noms de groupes ont en ce temps-là peu d'importance). De nombreux textes décrivent leurs espoirs : les écrits de certains prophètes comme Isaïe, pratiquement tous les écrits "inter testamentaires", Daniel, Hénoch, tous les textes trouvés près de Qumrân. Ils précisent peu à peu le portrait-robot du futur oint de Dieu. Celui-ci sera un descendant de David et d'Aaron, c'est-à-dire qu'il cumulera les lignées royale et sacerdotale; les textes pensent savoir où (vraisemblablement à Bethléem, cité davidique), et quand (au moment où la Judée sera au plus bas, souillée par la présence dominante des païens) il naîtra. Pour plus de sûreté, des horoscopes tenus secrets calculent la date précise de la naissance du messie. Ce dernier est plus qu'attendu, il est imminent. II sera soit l'agent de la libération, son chef, soit le catalyseur qui fera advenir le jour de colère de Dieu.

C'est dans ce climat, manifesté par l'attribution à un enfant à venir du nom, que baignent les rares textes évangéliques de la première enfance du Sauveur. Ils sont non pas miraculeux et divins, mais massivement messianiques

- Les parents choisis sont censés être descendants de David (Joseph) et d'Aaron (Marie).

- Le nom du messager, nous l'avons vu, équivaut à "soldat, militant de Dieu", qui pouvait bien convenir à un essénien ou à un zélote.

- Le "Magnificat", mis fort artificiellement dans la bouche de la toute jeune Marie est un virulent hymne messianiste : "II (Dieu) a renversé les puissants de leurs trônes, et a élevé les humbles (annawim, les futurs partisans de Jésus). Les affamés, il les a comblés de biens, les riches, il les a renvoyés les mains vides."

- Le voyage périlleux et exténuant à Bethléem, avec une très jeune (en principe, 13 ans) femme sur le point d'accoucher. Ce voyage est destiné à faire naître Jésus dans "la" cité messianique, celle de David. Hérode demande où devait naître le messie ( (Mt. 2, 3.). On lui répondit : "A Bethléem de Judée, car ainsi est-il écrit par le prophète (Michée 5, 1-2)"

- La présence et le concours des bergers, considérés par les pharisiens comme des bandits et des hommes particulièrement impurs, en fait hommes turbulents et peu orthodoxes.

- L'allusion horoscopique dans Mt. 2, 1-2 : les mages - ici des astrologues, non des rois - ont vu non pas "une" étoile, mais "son étoile" (celle du roi des juifs), c'est-à-dire son thème astrologique.

- Le moment vraisemblable de la naissance : le temps de la Pâque, car les bergers sont de nuit dans les collines ; l'encombrement de l'hostellerie indique une date de grandes migrations, de pèlerinage obligatoire (à Jérusalem, distante d'une dizaine de km) : Pâque commence par le repas de Séder, où on lit Ex. 6, 6-7: "Je vous délivrerai de la servitude, je vous rachèterai ....".

- Tout cela ne fait pas preuve : c'est une convergence significative du dessein messianiste du texte.

L'attitude qui nous paraît la plus raisonnable, l'histoire étant la science des plus fortes probabilités, est de dire que Jésus n'est pas une sorte de météore, surgi par miracle et prétendant par lui-même à la dignité de messie (messie "prétendant"), mais un homme choisi par un courant religieux puissant et fervent, pour être l'oint attendu (messie "prétendu").

Sa famille, comme on le voit à toutes les notations messianistes citées plus haut, n'est pas d'appartenance majoritaire (pharisienne, surtout répandue dans la population aisée des villes de Judée), mais, galiléenne et pauvre, ancrée dans le courant protestataire messianiste, ce que donne à entendre une minuscule notation de Matthieu (1, 25 ), qui pourrait sembler déplacée : "et il ne la connut plus jusqu'au jour où elle enfanta un fils", à rapprocher du comportement essénien signalé par Flavius Josèphe dans sa "Guerre des juifs", §161 : "et quand elles sont enceintes (les femmes esséniennes), ils (leurs maris) n'ont pas de commerce avec elles", pratique tout à fait inhabituelle chez des juifs.

Jésus, pour nous, est donc né et instruit dans l'ambiance eschatologique, celle de la venue imminente du jour de Iahveh, inaugurant un renversement du "monde" habituel. II a été choisi par son camp malgré de nombreuses réticences familiales au moment décisif pour tenir le rôle du messie attendu. C'est tout cela que suggèrent pour nous les nombreuses notations messianiques dans le récit "prénatal", et en particulier l'imposition, avant même la conception, d'un nom-programme messianique. II est évident aussi que tout cela n'a pas de sens si Jésus est Dieu ( le messie est un homme missionné par Dieu, et non un dieu), ou s'il est le fils d'une banale famille de campagne, qui vit dans l'isolement et l'ignorance des enjeux de l'époque.

Partager cet article
Repost0
5 avril 2007 4 05 /04 /avril /2007 19:48

"Lectures des évangiles et contresens", Recherches unitarienne, n° 8, mi 2000, étude coordonnée en 1999 par Albert Blanchard-Gaillard au sein du groupe unitarien de Digne

Un chrétien est quelqu'un qui lit fréquemment les évangiles pour y trouver des exemples et des enseignements. Cependant, il ne suffit pas d'ouvrir n'importe quelle traduction du Nouveau Testament pour le faire. Ce serait en pratiquer une "lecture naïve", une lecture qui croirait qu'il n'y a qu'un seul texte bien établi, et qu'un seul sens possible aux mots et aux phrases lues.

Ce n'est pas le cas ; les manuscrits grecs les plus anciens du N. T. datent au plus tôt du IVe siècle (Vaticanus et Sinaiticus) : environ 250 s'étagent entre le Ve et le VIIIe s. ; ils sont écrits en majuscules ou "onciales"; ils sont suivis à partir du IXe siècle par plusieurs milliers de manuscrits en minuscules : au total environ 5 000 manuscrits "authentiques" en grec : mais ce ne sont que des "copies de copies".

Tous ces manuscrits les plus anciens sont écrits sans aucun espacement entre les mots, les phrases, les paragraphes, ce qui en rend l'interprétation difficile. II n'y a pas de division en versets ou en chapitres, qui sont des inventions ultérieures. Aucune lettre plus grande ne vient accorder d'importance théologique à des mots comme "père", "christ", "esprit" (pneuma = souffle), "vierge", etc. D'autre part, il existe entre les manuscrits les plus anciens plusieurs dizaines de milliers de variantes, dont plusieurs centaines peuvent avoir une importance théologique, comme nous le montrerons par des exemples.

Quand vous avez entre les mains un évangile en français, sa traduction résulte de milliers de choix théologiques, de jugements qui ont été faits à votre place, en général dans le sens le plus conformiste, puisque ce sont les grandes Églises qui établissent et publient les textes. Il n'est pas innocent, par exemple, de traduire systématiquement par Saint-Esprit, au lieu de souffle de Dieu, ou par Christ (nom propre ou titre), au lieu de messie ou encore mieux oint (adjectifs). Autrement dit, sous prétexte de ne pas vous laisser lire naïvement le texte, on vous a arraché le livre des mains pour vous en faire une lecture déjà très orientée.

Pour toutes les raisons évoquées, remaniements nombreux et tardifs, difficultés de lecture des manuscrits, interprétations traditionnellement conformistes de certains versets, il se produit, lors d'une lecture non critique des textes, de nombreux contresens (dont certains sont déjà induits par les rédacteurs ou les retoucheurs des textes). Nous allons essayer d'en étudier un certain nombre, dont le texte reçu est présenté par "l'orthodoxie" comme une évidence, et qui pourtant effectuent un important gauchissement du texte, qui a des répercussions théologiques.

La " voix qui crie dans le désert "

Nous voulons commencer par un exemple simple, où le contresens, voulu ou non, semble de peu de portée. Il s'agit de la fameuse "voix qui crie dans le désert", devenue une véritable expression courante, désignant quelqu'un qui prêche sans être entendu.

Nous sommes lors de la première apparition publique de Iohanan (Jean, en grec des évangiles),fils de Zacharie. Les trois synoptiques font application à Jean de cette citation détournée et faussée d'Isaïe, 40, 3.

Mt. dit : "Car c'est de lui que l'oracle d'Isaïe dit...";

Mc. combine deux citations : la première de Malachie, 3, 1, "Voici que j'envoie mon messager devant ta face pour préparer la route", citée incorrectement, le texte exact étant : "Voici que j'envoie mon ange devant moi. II déblaiera la route.", ce qui ne signifie pas la même chose, et : "Voix de celui qui crie dans le désert : préparez le chemin du seigneur, rendez droits ses sentiers."

Lc. entame l'épisode semblablement (3, 3-4) : "Il (Jean) vint dans toute la région du Jourdain ... comme il est écrit au Livre des paroles d'Isaïe le prophète."

Tout cela est bel et bon, mais si l'on veut faire l'application d'une "prophétie", encore faut-il la citer textuellement. Or, si l'on se reporte au texte autorisé (quelles que soient les traductions) d'Isaïe, 40, 3, on lit : "Une voix clame : Frayez dans le désert la route de Iahvé! / Tracez dans la steppe une chaussée pour notre Dieu ! / Que toute montagne et toute colline soient abaissées, Que le saillant devienne uni / Et que les mamelons deviennent une vallée !

La gloire de Iahvé se révèlera, / Et toute chair à la fois verra, / Car LA BOUCHE DE IAHVÉ a parlé." (traduction J. Kœnig, La Bible, t. 2, La Pléïade, 1959.). Commentaire en note 3 de l'ouvrage : le Prophète entend une voie pendant une extase, comparer Ézéchiel, 1, 26 : c'était la vision de l'image de gloire de IAHVÉ, je vis et je tombai sur ma face, puis j'entendis une voix (celle de IAHVÉ) qui parlait. Autrement dit, UNE VOIX est toujours celle de Dieu. La route est celle qui permettra aux exilés (à Babylone) de rentrer en Judée, par des routes faciles. Cela résultera d'un miracle, tout comme le passage à travers les eaux, lors de la sortie d'Égypte.

On dira que l'on chipote, qu'il y a peu de différence entre : "Une voix crie dans le désert : Préparez..." et "Une voix crie : Dans le désert préparez...", et d'ailleurs que la première formulation est tirée de la Septante* par les rédacteurs des évangiles. Ce dernier fait est signalé par des exégètes autorisés comme les dominicains P. Benoît et M. E. Boismard dans leur "Synopse", t. II, p. 69 (1972). Ils ajoutent, pp. 72, 73 et 74, que les textes les plus anciens des synoptiques (Mc intermédiaire, Proto-Luc et Mt. intermédiaire) devaient se lire ainsi : "Or, en ces jours-là, vint un nommé Jean, baptisant un baptême de repentir dans le fleuve Jourdain, et tous venaient vers lui." C'est tout, jusqu'à Mc, I , 7.

* la Septante est une traduction en grec de la Torah (bible) hébraïque. Elle fut faite sur ordre du souverain hellénistique Ptolémée II, sans doute pour mettre par écrit les lois de l'importante communauté juive d'Égypte, à Alexandrie au milieu du IIIème s. avant notre ère. La légende veut que furent convoqués soixante-douze traducteurs (d'où le nom de Septante) et qu'ils remirent aux commanditaires un travail parfait. En fuit, la Septante est une adaptation du texte sacré qui modifie considérablement le sens de nombreux passages. Aussi les juifs de la Synagogue, après la chute de Jérusalem, considérèrent-ils cette traduction comme aussi néfaste et impie que l'adoration du Veau d'or. La Septante fut surtout lue par des juifs de la Diaspora ou des pagano-chrétiens (ou "hellénistes") extérieurs à la Palestine.

Donc, les citations "bibliques" et la description de Jean proviennent d'une étape tardive de la rédaction. Ces constatations et propositions amènent à réfléchir, et à tirer quelques conclusions.

1°) Les citations "vétéro-testamentaires" faites d'après la Septante (celles-là et toutes les autres) prouvent non seulement que les évangiles ont été rédigés en grec (ce qui est une évidence), mais qu'ils l'ont été par des juifs de la diaspora hellénistique ou des pagano-chrétiens, loin des lieux (la Palestine) et de l'époque de Jésus. Ce ne sont pas des témoins des événements, même s'ils peuvent s'appuyer sur des traditions plus anciennes.

2°) Ces rédacteurs sont des apologistes, c'est-à-dire qu'ils défendent une thèse. Ils ne se gênent pas pour utiliser comme il leur convient des citations bibliques tronquées, altérées ou détournées de leur contexte. A l'inverse des juifs observants que furent les premiers chrétiens, qui considèrent le Texte comme sacré, ce sont des propagandistes sans états d'âme : donc des membres de communautés à l'esprit et à la pratique très éloignés du judéo-christianisme originel. Ils sont très influencés par la pensée grecque (païenne).

3°) L'utilisation qu'ils font des citations "sacrées" influence sans doute le lecteur ou l'auditeur non-instruit. Il reste qu'elles sont incohérentes avec la situation historique qu'elles prétendent décrire. Ainsi Jean immerge (= plonger), plus qu'il ne prêche, sur les bords fertiles du Jourdain, au milieu d'un grand concours de peuple. Il ne tracera à Jésus, après son baptême, aucune route facile. Pour le rabbi galiléen, les chemins raboteux ne deviendront pas des routes unies, sa prédication ne sera pas rendue plus aisée et ne rencontrera aucun assentiment général.

4°) On peut se demander, dès lors, quel est le rôle de ces citations falsifiées. A notre avis, le texte composite de Mc, l , I - 6 et // répond à deux enjeux polémiques :

a) le plus banal est de démontrer aux pharisiens ou à leurs successeurs, par des citations même approximatives, que Jésus est bien le Messie annoncé par les Prophètes et espéré par Israël. On sait aujourd'hui que cet argumentaire, en direction des seuls juifs majoritaires, n'aura que peu de succès et ne convaincra pas. II est essentiel cependant de signaler qu'une telle tentative n'a pu avoir de sens qu'entre 80-90, date de l'assemblée de Yabneh, où les judéo-chrétiens commencent à devenir suspects aux orthodoxes maintenant univoques (Voir S.C. Mimouni, "Le judéo-christianisme ancien", Paris, 1998, pp. 177-I85) et 135 (révolte de Bar Kosiba), date à laquelle les judéo-chrétiens sont définitivement exclus du judaïsme. L'essentiel des évangiles sous leur forme actuelle est d'ailleurs rédigé entre ces deux dates.

b) comme, au début de l'action publique de Jésus, Jean le baptiste est le leader charismatique le plus important et le plus célèbre des messianistes de tout bord. On sait qu'il gardera nombre de ses partisans longtemps après son exécution. La manœuvre pour les "chrétiens" est de produire citations et descriptions qui le marginalisent. On le présente comme un excentrique (à la fois géographiquement et socialement), qui vit dans les sables habillé comme les anciens prophètes, Il est une voix isolée qui "crie dans le désert" (alors qu'il attire des foules nombreuses et intervient à la cour d'Hérode Antipas, qui devra l'exécuter à cause de son influence. Des versets tardifs des synoptiques lui font dire : "Celui qui vient derrière moi (Jésus) est plus fort que moi, lui dont je ne suis pas digne de délacer les sandales..." Toutes ces péricopes* "rédactionnelles" ne rendent pas compte (elles n'ont pas ce but) de la réalité historique.

* une péricope est, au sens figuré, un groupe de versets de l'Écriture formant un ensemble narratif ou théologique.

Les réflexions que nous pouvons faire à la constatation d'une minime altération de texte nous prouvent qu'on ne peut pratiquer qu'une lecture très minutieuse et très critique des textes reçus, même "sacrés".

Partager cet article
Repost0