Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

le calice des unitariens

chaque communauté unitarienne arbore un blason ou un logo. Voici celui des unitariens qui sont regroupés au sein de l'Assemblée fraternelle des chrétiens unitariens (AFCU). Voir sur son site à la rubrique "le calice des unitariens"
http://afcu.over-blog.org/categorie-1186856.html


 

Rechercher

Archives

Articles RÉCents

24 septembre 2013 2 24 /09 /septembre /2013 18:33

Parmi les protestants libéraux, le positionnement d’André Gounelle vis-à-vis de la Trinité est très largement apprécié. Par exemple, Jean-Pierre Voulgre sur Facebook, en écho à notre article sur ce positionnement (lien) « Je ne suis pas loin de la position de Gounelle. Je suis séduit par sa formule ‘le Dieu de Jésus’ ». Michel Jas, pasteur de l’EPU à Narbonne et ex président de l’association Evangile et Liberté, confirme lui aussi tout à fait cette façon de penser par des propos au sein du groupe « Protestantisme libéral » de Facebook (plusieurs messages spontanés du 23 septembre 2013).

 

Luca_Rossetti_Trinita_Chiesa_San_Gaudenzio_Ivrea.jpg

La Trinité représentée par Luca Rossetti da Orta (1738-1739), fresque de l'église St. Gaudenzio à Ivrea (Turin)

 

« Personnellement je suis dans la position théologique des anciens chrétiens désignés comme ‘ariens’, j'use de la formule ‘Père, Fils et Saint-Esprit’ comme des modes d'action et de révélation dans l'histoire, sans croire à l’éternité de la Trinité, spéculation ontologique insistant sur le ‘trois’ (mystérieusement rassemblé en ‘un’). Comme les ariens, les adoptianistes et les cathares, et avant eux les judéo-chrétiens et après eux les calviniens et les unitariens, je ne prie ni la Trinité, ni le Fils ... seulement Dieu-qui-est-Esprit, notre Père à tous ! ».


« Plus que par les formules liturgiques trinitaires des catholiques ou des orthodoxes (formules patinées par le temps), je suis gêné par les prières évangéliques adressées à ‘Jésus, ô Jésus, mon Jésus’ ... ou aux prières (comme celle du pasteur de l'Eglise presbytérienne francophone de Beyrouth, relayée par la Fédération protestante de France) qui commencent par s'adresser au Père et dire "toi qui a laissé venir à toi les enfants" (sans préciser "en Jésus") ou dire "toi qui est mort pour nous"; ce qui est à la fois trinitaire et comportent une erreur dans les personnes de la Trinité… ».


« Je préfère quand les luthériens, ou les barthiens ou les réformés "haute Eglise" prient "ô Christ" (parce que là on s'approche du concept divin) - mais je préféreraient qu'ils prient directement le Père (au nom du Fils et du Saint-Esprit) - que quand les evangelicals prient "ô Jésus", ou encore quand certains barthiens influencés par la théologie de la libération des années 70 ou 80 priaient : "Jésus" (sans que ce soit toutefois une prière, plutôt une référence littéraire à l'homme Jésus ; le "camarade" Jésus).


« Cela dit, merci à l'unitarisme de nous rappeler la valeur du monothéisme : parce que prier Dieu c'est se tourner vers une altérité-proximité qui échappe à nos dogmatiques (très trinitaires, peu ou pas du tout trinitaires) . Et c'est en cela que l'unitarisme peut nous aider au dialogue inter-religieux ou encore aux prières communes au sein ou à côté du même dialogue ! Shalom/Salam ».

 

ndlr - pour les unitariens, Dieu est simplement Dieu tout court, universel et pour tous, non appropriable ; il n'est ni le Dieu d'Abraham, de Jacob, d'Isaac et de Jésus, et n'a pas de prophète titularisé, incontournable, fut-il Jésus ou Muhammad. Il est présent et parle à chacun dans son intimité, à sa façon ... Bien entendu Jésus et les autres prophètes nous aident par leur façon dont ils ont vécu leur relation à Dieu, comme exemples, mais n'engagent qu'eux-mêmes dans la représentation qu'ils ont eu de Dieu et de son action.

Partager cet article
Repost0
23 septembre 2013 1 23 /09 /septembre /2013 16:37

André Gounelle est professeur de théologie émérite à la Faculté libre de théologie protestante de Montpellier et membre de l’Association Evangile et Liberté.

André Gounelle s’est intéressé dans les années 1990 à l’Eglise unitarienne de Transylvanie et à son fondateur, l’évêque Ferencz David, mais il ne s’est jamais dit unitarien et n’a pas été séduit par le style de ce dernier, meilleur orateur qu’écrivain, ni par la finesse de sa théologie (indépendamment du contenu). Son admiration va à Sébastien Castellion et non à Michel Servet.

Fidèle à la tradition protestante, il s’en tient aux textes du Nouveau Testament lesquels affirment les trois figures que sont le Père (le Dieu créateur, le Notre Père), le Fils (Jésus qui se disait « fils de l’homme » et plus rarement « fils de Dieu ») et l’Esprit. Figures ternaires bien loin (encore) du dogme trinitaire qui, lui, affirment que ces trois figures (tout en restant distinctes !) sont une seule et même personne, Dieu ; théologie que les grands conciles œcuméniques élaboreront à partir de celui de Nicée en 325 non sans rencontrer beaucoup de résistances … et de dissidences ! « En résumant et en simplifiant à l’extrême, ils déclarent que Dieu est une essence ou une substance unique en trois personnes ou instances distinctes. On ne peut ni séparer ni confondre le Père, le Fils et l’Esprit ; ils sont à la fois identiques et différents. » (2).
Pour lui, Jésus n’est pas Dieu. « À cette question, pour ma part, je réponds : « Non ». Je crois que Dieu se rend présent et agit en Jésus de Nazareth, qu’il me rencontre et me parle à travers lui, mais pas que Jésus soit Dieu. Si, pour moi, il y a du divin en Jésus, il n’est pas lui-même divin ; il est uniquement (mais exemplairement) humain.
L’autre et l’intime - On trouve dans le Nouveau Testament deux séries d’affirmations. La première suppose une étroite proximité et une union entre Dieu et Jésus, la seconde une distance et une différence. D’un côté, Jésus dit : « Moi et le Père, nous sommes un » (Jn 10, 30), « qui m’a vu a vu le Père » (Jn 14, 9), « le Père est en moi » (Jn 10, 38). De l’autre, il déclare : « Celui qui croit en moi croit non pas en moi, mais en celui qui m’a envoyé » (Jn 12, 44), « le Père est plus grand que moi » (Jn 14, 28), « pourquoi m’appelles-tu bon ? Personne n’est bon, si ce n’est Dieu seul » (Mc 10, 18).
Jésus parle de Dieu comme d’un être distinct, qui se situe au-dessus de lui, qui l’a envoyé, lui a donné une mission, auquel il obéit (« que ta volonté soit faite, non la mienne », Lc 22, 44) et qu’il prie. Il met ainsi l’accent sur l’altérité et la supériorité de Dieu. Mais Thomas, en présence du Ressuscité, lui dit « mon seigneur et mon Dieu » (Jn 20, 28).
On pourrait sans peine multiplier les citations et il faudrait longuement discuter de la portée de chacune d’elles. Prises en leur ensemble, elles suggèrent une relation entre Dieu et Jésus qui conjoint une profonde intimité avec une altérité irréductible » (4).

Cependant, toujours fidèle au protestantisme protestant, il estime que les formules dogmatiques sont élaborées à une époque historique ; elles sont donc à réactualiser, mais n’en restent pas moins porteuses de sens.
« À la différence de beaucoup d’unitariens et de libéraux, je ne vois pas dans la doctrine trinitaire un tissu d’absurdités. Elle ne manque ni d’intérêt ni de valeur.
D’une part, pour faire comprendre ce qu’est ou qui est le Dieu chrétien, elle utilise les catégories de la pensée philosophique du monde hellénistique. Les Conciles ne disent pas la même chose que le néoplatonisme dominant à leur époque, mais ils se servent de son vocabulaire, de ses notions, de ses analyses. Cette tentative d’adaptation à la culture du monde ambiant me semble louable en son principe. Il y a là un exemple à imiter. Au lieu de répéter des formules qui appartiennent à un autre temps (comme celles des anciens conciles), nous devrions nous efforcer, nous aussi, de dire l’Évangile dans le langage de notre époque.
D’autre part, des intuitions justes s’expriment dans cette doctrine. Ainsi, pour le croyant, Dieu est puissance (je ne dis pas « toute-puissance » qui n’est pas un concept biblique), ce qui correspond à la première personne de la Trinité, symbolisée par la figure du Père, créateur et providence. Dieu est également sens, ce qui correspond à la deuxième personne de la Trinité, associée à la sagesse ou au Logos (qui veut dire parole raisonnée) et symbolisée par la figure du Fils. Et surtout Dieu est l’unité de la puissance et du sens ; il n’est pas une puissance dépourvue de sens ni un sens dépourvu de puissance, ce qui correspond à l’Esprit, dont on dit classiquement qu’il est l’union du Père et du Fils.
Comme l’écrit A. Schweitzer, pourtant plutôt critique à l’égard des doctrines classiques, « le dogme de la Trinité touche à des réalités profondes, auxquelles nous restons sensibles.
Ce que je refuse :
Si je discerne dans la doctrine trinitaire des intuitions et des visées que je crois justes, en revanche je trouve ses formulations peu convaincantes, parfois maladroites, et dangereuses. Je lui reproche d’avoir transformé une expérience de foi vécue en une spéculation ontologique alambiquée, vaine et incompréhensible pour le monde moderne.
  Cette doctrine propose une interprétation à mes yeux défectueuse, parmi d’autres également discutables (mais quand même moins), du témoignage du Nouveau Testament. Je ne crois pas que ce soit la meilleure possible, tout en admettant qu’on puisse en juger autrement et y tenir. Je fais mien ce qu’en écrivait un humaniste du XVIe siècle, Castellion, ancêtre du protestantisme libéral, qui n’estimait guère cette doctrine : « Si je pouvais [la] défendre, je le ferais. Mais je dois confesser franchement que je ne puis. Si quelqu’un le peut, je l’approuverai de le faire [...] Si certains possèdent un esprit assez aigu pour saisir ce que moi et ceux qui me ressemblent ne saisissons pas, tant mieux, je n’en suis pas jaloux. »
On ne doit ni rendre obligatoire la doctrine trinitaire ni l’exclure (ce serait tomber dans une intolérance et une rigidité dogmatique à rebours de celles d’une certaine orthodoxie, mais de même nature). Je n’en demande pas la suppression, je souhaite seulement qu’on accepte aussi d’autres options.
Après ce rapide historique, j’en viens à ma position personnelle.
Je respecte, même si je pense qu’ils ont tort, ceux qui voient dans la Trinité une expression ou interprétation convenable du message du Nouveau Testament. En revanche, parler du « Dieu trinitaire » ou de « Dieu Père Fils et Esprit » me paraît une grave erreur. On touche là à l’inacceptable. En effet, on identifie une formulation ecclésiastique et une définition théologique avec la révélation divine. On confond l’être de Dieu avec notre discours sur Dieu, ce qui fait de ce discours une idole. Aucune doctrine ne doit prétendre « enclore » Dieu. Il serait si simple et si juste de parler tout simplement du « Dieu de Jésus » (2).

eglise_lutherienne_de_la_trinite_boulevard_Vincent-Auriol.JPGLa fusion avec les luthériens de France n’est pas sans poser problème à André Gounelle. Alors que l’Eglise réformée de France (ERF) avait, en 1938, adopté une « déclaration de foi » ne mentionne pas expressément la Trinité * et qu’en 1961, lors de l’Assemblée OEcuménique de New-Delhi, avec la Fédération des Églises Protestantes de Suisse, elle avait exprimé leur refus d’obliger pasteurs et fidèles à souscrire à ce dogme, les luthériens en sont au contraire partisans. Plusieurs Eglises locales de la toute jeune Eglise protestante unie de France, dans l’enthousiasme de l’union, ont adopté une formulation pro-trinitaire.
* En 1938, l'Église Réformée de France est née d'un accord entre quatre Églises Protestantes. Cet accord s'est scellé grâce à une Déclaration de Foi qui fait partie des textes constitutifs de l'Église Réformée de France et qui est toujours en vigueur (on la lit au début de chaque Synode régional et national). Cette Déclaration de foi ne mentionne nulle part directement et explicitement la trinité. Toutefois, elle « affirme la perpétuité de la foi chrétienne, à travers ses expressions successives, dans le Symbole des Apôtres, les Symboles œcuméniques, et les Confessions de foi de la Réforme, notamment celle de La Rochelle ». Si le symbole dit des apôtres est plus ternaire que trinitaire, les autres textes mentionnés affirment très nettement la trinité. (1)

photo : temple luthérien "La Trinité", n° 177, boulevard Vincent-Auriol, Paris, XIIIème

 

L’auteur met alors en garde :
« À l’assemblée générale de ma paroisse [Montpellier], lors du vote pour l’Église Protestante Unie, je me suis abstenu. Avec regret et tristesse, car l’union entre luthériens et réformés me paraît une excellente chose. Malheureusement, le texte qui nous était présenté contenait une allusion, à mes yeux équivoque, à la Trinité ; de plus, mais c’est une autre histoire, il insistait sur la soumission non pas à Dieu, mais aux autorités ecclésiastiques, ce qui m’a inquiété. Si dans les textes à venir de l’Église Protestante Unie, il est question du « Dieu trinitaire » ou du « Dieu Père Fils et Esprit » ou encore du « Dieu triun », je n’y adhérerai pas ou j’en sortirai. Pour la première fois de ma vie, je serai « hors Église » – mais pas hors communauté croyante. » (2).

Vers une christologie néo-nestorienne ? Dans son dernier texte sur la Trinité, l’auteur sympathise avec la position suivante, sans pour autant exclure d’autres approches pouvant être elles aussi intéressantes (toujours l’extrême prudence du protestantisme libéral !) : « De même en Jésus Christ, l’humanité et la divinité sont reliées l’une à l’autre, la première conduit à la seconde, mais sans aucun mélange ; il y a des choses qui appartiennent à Dieu et non à Jésus (ainsi la connaissance du jour où aura lieu la fin, Mt 24,36) ; d’autres appartiennent à Jésus et non à Dieu (c’est Jésus et non pas Dieu qui est tenté). Ici, on considère que Marie est mère de l’homme Jésus, pas de Dieu ; que berceau et langes sont ceux du bébé Jésus, pas de Dieu ; et qu’à Golgotha, c’est Jésus qui meurt, pas Dieu. On ne prie pas Jésus (ce serait de la « jésulâtrie », idolâtrie de l’homme Jésus), on prie Dieu au nom de Jésus. Jésus n’est pas Dieu, mais l’homme en qui Dieu se révèle. » (4)

Paradoxalement, nous ne sommes pas loin non plus d’une autre position, cette fois-ci catholique libérale et humaniste : une part de Dieu en Jésus, qu’il y aurait aussi en chaque homme, dans une dynamique d’Incarnation …( lien).

textes d’André Gounelle :
(1) « Trinité et Dieu trinitaire », Évangile et Liberté, juin 1993 (lien).
(2) Evangile et Liberté, n° 269, mai 2013, rubrique « Questionner », À propos de la Trinité (lien) ; et (3) le commentaire de Marc Pernot, pasteur à l’Oratoire du Louvre « D’importantes réserves d’André Gounelle vis à vis des statuts de l’EPUF (Eglise Protestante Unie de France) », 3 mai 2013 (lien).
(4) Jésus est-il Dieu ? article paru dans Évangile et Liberté de septembre 2013 (lien).

Partager cet article
Repost0
24 juillet 2013 3 24 /07 /juillet /2013 19:21

jacques_cecius.jpgJacques Cécius est né à Spa en Belgique en 1940. Et Cécius n'est pas un pseudonyme ! Le nom est d'origine italienne et ce passionné d'histoire assume le fait qu'il descend d'un déserteur belge (du nom de Jehin) des armées napoléoniennes, ayant engrossé une Napolitaine !

 

Il a effectué des études musicales au Conservatoire de Liège où il obtint même des premiers prix en solfège et percussions ! Il a ensuite été conduit à exercer de nombreux métiers (assureur, brocanteur, fleuriste, vendeur dans une grande surface, jardinier) avant de rejoindre la police municipale où il exerça pendant pas moins de 31 ans (de 1966 à 1997).

 

Anarchiste - Politiquement à Gauche, il a milité au Comité pour la Paix en Algérie qui récoltait des fonds pour les "rebelles", de 1958 jusqu'à l'indépendance de ce pays. Il a également milité au Parti socialiste de 1965 à 1981 et dans les instances syndicales (CGSP). C'est sous le pseudonyme de Jacouille la Flicouille qu'il a collaboré avec la presse libertaire jusqu'à la disparition du principal organe en Belgique, le regretté Alternative libertaire !

 

Franc-Maçon - Il s'intéresse à la franc-maçonnerie depuis l'âge de 20 ans. Il a été initié en 1973 dans un atelier du Grand Orient de Belgique. Après avoir eu la "double appartenance" GOB - Droit Humain de 1988 à 2004, il a été jusqu'au bout membre d'une loge de la Fédération belge du Droit Humain. Trois fois 'Orateur', deux fois 'Second surveillant', il admet avoir refusé - parce que, disait-il, trop paresseux - le Vénéralat à deux reprises.

 

Protestant depuis 1993 au sein d'une paroisse de l'Eglise protestante unie de Belgique (EPUB), mais sans être membre électeur, il a fait le tour de plusieurs Eglises marginales d'origine réformée, toujours dans le cadre de ses recherches en matière d'histoire des mouvements religieux et des sectes. Il a également étudié le développement des communautés ethniques (africaines) dans le protestantisme. Il est membre de la Fraternité protestante des Veilleurs, au sein de laquelle son parrain fut le professeur Théodore Monod. Il a aussi rédigé des articles pour des sites protestants libéraux et des sites unitariens [Ndlr - celui de son ami Pierre Bailleux "Profils de libertés"] comme "L'unitarisme, ses origines", "Des chrétiens radicaux : les Quakers".

 

Des mouvements religieux à l'occultisme : il s'informe sur les petits mouvements religieux peu connus, depuis l'âge de 16 ans. Il avoue en avoir "pénétré" quelques-uns aux fins de parfaire mes connaissances. Il a notamment rédigé divers articles sur les mouvements religieux atypiques qui existent ou ont existé dans sa région (antoinisme, dorisme, spiritisme, Eglise catholique libérale). Il s'est particulièrement penché sur l'occultisme, tout en restant "extérieur" à ces "sciences".

 

Un écrivain - Jacques Cécius est l'auteur des ouvrages suivants L'Anarchisme, une utopie nécessaire (Labor, 2000), Le rêve citoyen d'un franc-maçon (Detrad, 2003, en vente chez Amazon ou à La Cale Sèche ), Occultistes et francs-maçons édité en 2007 par Memogrames et le Blog Maçonnique (diffusion en France : Ivoire Clair). Il a collaboré à l'ouvrage coordonné par Luc Nefontaine, Illustres et francs-maçons (Labor, 2004 ; en vente chez Amazon ou à La Cale Sèche).

 

Il est décédé le 6 juillet 2013 dans la ville où il était né.

 

source : informations prises sur le Blog maçonnique.

Partager cet article
Repost0
13 mai 2013 1 13 /05 /mai /2013 17:28

Confession de foi Remonstrante de 2006 : Voilà ce que nous pensons et croyons.


remonstrants_groningen.jpgNotre paix ne réside pas dans la certitude de nos formulations, mais dans l’émerveillement devant ce qui nous arrive et nous est donné.
Notre destinée ne réside pas dans l’indifférence et l’avidité, mais dans la vigilance et la solidarité à l’égard de tout ce qui vit.
L’accomplissement de notre existence ne vient pas de ce que nous sommes et de ce que nous possédons, mais de ce qui dépasse infiniment nos capacités de compréhension.

 

enclos des remonstrants à Groningen

 

Conduits par ces convictions, nous croyons en l’Esprit de Dieu. Il surmonte ce qui divise les gens, il les attire vers ce qui est saint et bon, pour qu’ils louent et servent Dieu, en chantant et en faisant silence, en priant et en agissant.


Nous croyons en Jésus, un homme empli de l’Esprit. Il est le visage de Dieu qui nous regarde et nous remue. Il a aimé les êtres humains et il a été crucifié. Mais il vit au-delà de sa propre mort et de notre mort. Il est, pour nous, un exemple béni de sagesse et de courage. Il rapproche de nous l’amour éternel de Dieu.


Nous croyons en Dieu, l’Éternel,
Il est amour insondable, le fondement de notre existence.
Il nous montre le chemin de la liberté et de la justice, et nous appelle à un avenir de paix.
Bien que faibles et vulnérables, nous nous croyons appelés, solidairement avec le Christ et avec tous ceux qui croient, à former une Église qui soit signe d’espérance.


Car nous croyons dans l’avenir de Dieu et du monde,
La patience divine nous offre du temps pour vivre, pour mourir
et pour ressusciter dans le royaume qui est et qui vient.
Dieu y sera pour l’éternité tout en tous.
À Dieu soit la louange et l’honneur, Dans le temps et dans l’éternité.
Amen.

Partager cet article
Repost0
27 août 2012 1 27 /08 /août /2012 09:56

Ernest Renan, Biographie par Jean-Pierre van Deth, Arthème Fayard, 2012, 608 pages, compte-rendu de Maurice Causse.

L'hebdomadaire Réforme a déjà publié un compte-rendu de ce livre sous la plume du pasteur Leplay ; celui de Maurice Causse, dont nous publions ici l'intégralité, sera repris dans une version écourtée par la revue Evangile et Liberté dans l'un de ses procains numéros.


renan_biographie.jpgOn ne lit pas sans émotion cette importante biographie, qui est aussi une oeuvre de justice historique. Ernest Renan est, après Victor Hugo, le plus grand écrivain français du XIX° siècle, et il en est sans conteste le plus grand érudit. Elu à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres en 1856, âgé de 33 ans et jeune marié, avec les suffrages de savants collègues qui se posaient en adversaires idéologiques, il poursuit une carrière unique à laquelle il met pratiquement le point final, avec les tomes IV et V de l'Histoire du peuple d'Israël, à la veille de sa mort en octobre 1892. Il manque encore quelques corrections. Elles seront apportées par sa femme, Cornélie Scheffer, en avril 1893 pour le tome IV et décembre 1893 pour le tome V ; après quoi elle meurt en mai 1894. Le titre du dernier chapitre: Finito libro, sit laus et gloria Christo (1).


M.v.D. rend bien compte de cette double unité de Renan, intellectuelle et affective. Sa carrière est celle d'un grand théologien réformateur. Enfance religieuse précocement vouée au ministère sacerdotal, dons intellectuels et assiduité hors de pair, qui n'évitent pas les doutes sur la dogmatique et finalement la rupture. Renan fut livré à l'Enfer, et passe encore largement pour y rester. Une fidélité affective absolue, y compris à la foi religieuse de son enfance. Il eut trois femmes dans sa vie, sa mère, Manon Renan, sa soeur aînée Henriette, et Cornélie, brillante, jolie, musicienne, dévouée, dont il ne cessera jamais d'être amoureux.


Là se trouve peut-être son secret profond : ce n'est pas sans angoisse et sans larmes qu'Ernest se décide à écrire à sa mère ses doutes théologiques, et finalement son abandon de la vocation sacerdotale. Mais il fera baptiser son fils aîné catholique par affection pour elle.


Enfin c'est un écrivain engagé politiquement. M.v.D. rend ici bien compte du manque d'unité de Renan. Il a passé par toutes les couleurs de l'arc-en-ciel politique, sauf l'infrarouge et l'ultraviolet. Suivant nos sympathies personnelles, nous y trouverons tous de quoi l'approuver ou non. Voire, pour lui trouver un esprit prophétique. Allons-y, avec la dernière page du dernier tome de l'Histoire du peuple d'Israël :
« Le judaïsme et le christianisme représentent dans l'Antiquité ce qu'est le socialisme dans les temps modernes. Le socialisme ne l'emportera pas définitivement ; la liberté, avec ses conséquences, restera la loi du monde ; mais la liberté de chacun s'achètera par de fortes concessions faites aux dépens de tous ; les questions sociales ne seront plus supprimées ; elles prendront de plus en plus le pas sur les questions politiques et nationales.
 Israël ne sera vaincu que si la force militaire s'empare encore une fois du monde, y fonde à nouveau le servage, le travail forcé, la féodalité. Cela n'est guère probable. Après des siècles de luttes entretenues par les rivalités nationales, l'Humanité s'organisera pacifiquement ; la somme de mal sera fort diminuée ; sauf de très rares exceptions, tout être sera content d'exister. Avec d'inévitables réserves, le programme juif sera accompli : sans ciel compensateur, la justice existera réellement sur la terre. »


Si nous voulons classer théologiquement cet inclassable avec nos catégories inadaptées, on peut donc le dire juif. L'essentiel est acquis par les prophètes au temps de la captivité de Babylone : Dieu peut être adoré de loin, Jérusalem porté dans le coeur, une vie conforme à la Loi vécue dans le pays où l'on se trouve, et sous cette forme Israël devenir un modèle pour les nations. Mais, comme il n'est pas donné d'être juif, et pas question de trahir la religion de sa mère, ses sympathies vont au protestantisme libéral d'où vient sa femme d'origine hollandaise. Notons en particulier le savant pasteur de Rotterdam Albert Réville, dont il admire le commentaire sur l'Evangile de saint Matthieu. Son immense bibliothèque contient l'édition 1820 des écrits de Samuel Vincent sur l'Etat du protestantisme en France, ainsi que ses rééditions. Il ne devient pas protestant pour autant, et l'on pourrait se tromper en le qualifiant de libéral, même pas de moderniste. Ses batailles décisives n'ont pas porté sur une quelconque liberté idéologique, mais sur la rigueur de l'exégèse. A cet égard, nous attirons spécialement l'attention du lecteur sur les pages 233 et 234, où ce problème fondamental apparaît à ses deux niveaux.


Le premier de ces niveaux est accessible à tout lecteur exigeant, même non érudit. Il concerne la traduction du livre de Job en 1858. Job 19, 25 : L'un des versets les plus célèbres de la Bible, à cause d'un contresens de la Vulgate latine : In novissimo die de terra resurrecturus sum (2). C'est en effet Dieu, et non Job, qui ressurgira. Luther a gardé le contresens : er wird mich hernach aus der Erde aufwecken. Notre lecteur exigeant vérifiera, sur les versions anciennes de la Bible à lui accessibles, celles qui ont gardé le contresens et celles qui l'ont corrigé. Il ne lui sera pas demandé de renoncer à l'une des grandes vérités de la foi chrétienne, telle que saint Paul l'explique dans 1 Corinthiens 15. Mais il pourra se convaincre qu'elle a pu lui être inculquée par des procédés dignes d'un gouvernement bien ordinaire. Le 11 avril 1859, la traduction de Job par Ernest Renan fut mise à l'Index. Cette condamnation en entraîna une autre, p. 234. « L'administrateur général de la Bibliothèque impériale et bon catholique profite de la polémique pour décider de le transférer du département des manuscrits orientaux à celui des imprimés ! Renan peut bien faire valoir qu'il ne manque pas de personnes capables de lire des imprimés en hébreu ou en arabe alors qu'il est pratiquement le seul à savoir traiter des originaux aussi précieux qu'anciens, rien n'y fait ! Monsieur l'administrateur général se dit trop occupé et met brutalement fin à l'entretien. C'est alors que Renan sait montrer qu'il n'est pas homme à refuser le combat. Puisque son supérieur ne daigne pas l'écouter, il lui écrit et, sans craindre de le placer devant ses propres contradictions. Il ose brandir la menace de sa démission. Le moment est bien mal choisi pourtant ! Cornélie est enceinte de six mois et, si modeste que soit sa rémunération, ce poste assure, pour l'heure, le seul revenu fixe du ménage... ».


La menace réussit. La situation matérielle de Renan est modeste, mais il est académicien. Nous sommes ici en pleine actualité. Lecteur exigeant et cultivé, tu as raison de remonter au texte grec ou hébreu pour vérifier le sens d'un verset. Mais il en faut davantage pour faire la critique du texte original lui-même. Ils ne sont pas nombreux, les lecteurs capables de préférer une variante indiquée dans l'apparatus critique, encore moins ceux qui ont eu la familiarité des manuscrits. Tu es obligé de leur faire confiance. Dans le cas des manuscrits arabes, Renan est en avance de 150 ans. Pas un seul des six manuscrits connus du Coran, antérieurs au IX° siècle n'en offre le texte complet, et les ambiguïtés de lecture y sont nombreuses. Du fait que sa langue maternelle était le breton, Renan eut une exceptionnelle facilité pour les langues, et il est l'un des maîtres fondateurs de la philologie, sémitique en particulier. A notre époque où l'islam est entré dans notre actualité sur tous les plans de la vie et de la pensée, le citoyen cultivé doit savoir que Renan reste une référence, non pas incontestable certes, mais nécessaire.

Il est enfin un sujet qui n'est pas abordé par M.v.D. Sur le témoignage de Paul Sabatier , nous pouvions croire que saint François d'Assise était un des centres d'intérêt de Renan. Nombre d'érudits font même de Sabatier le disciple que Renan aurait destiné à réaliser un projet qu'il n'aurait pas le temps lui-même de traiter. J'ai dit ce que je pense de cette thèse (3). Mais j'ai tout de même eu la surprise de voir que le thème d'Assise était à peine mentionné lors d'un retour de voyage en Italie (1850), et encore seulement par référence à l'héritage artistique de l'Ombrie. Quant à Paul Sabatier, nulle mention. Pour en avoir le coeur net, ayant un accès privilégié à la Bibliothèque de Paul Sabatier, je me suis plongé dans ce qui concerne Renan. L'intérêt pour saint François a existé. Mais il n'a pris corps qu'en 1864 avec le résumé par Charles Berthoud du François d'Assise de Karl Hase. La dévotion, cette fois, pouvait s'appuyer sur l'Histoire. C'est ce qui apparaît dans son compte-rendu du Journal des Débats (20-21 août 1866), repris dans les Nouvelles Etudes d'Histoire Religieuse en 1884, où il pose d'emblée ce qui va devenir la célèbre Question franciscaine : d'où viennent les tragiques tensions qui ont déchiré l'Ordre de saint François au cours de l'Histoire. Nous avons cherché trace de Paul Sabatier dans les écrits sur Renan de Jean Pommier, collègue de P. Sabatier à l'Université de Strasbourg : seuls rapports indiqués, ceux qui concernent la Didachè publiée par Paul Sabatier en 1885. Sondage non sans fruit malgré tout. On peut voir un parallélisme réel entre les deux carrières de Renan et Sabatier, une jeunesse pauvre, studieuse, douée, légitimant de hautes ambitions pour une vocation religieuse à caractère universel, soutenue par une femme de grand talent et de grand coeur. Quand Sabatier raconte leur premier contact à la sortie d'un cours d'hébreu, où Renan, célèbre, le raccompagne à sa petite chambre d'étudiant, il me paraît aujourd'hui évident qu'ils eurent l'un et l'autre conscience d'un tel parallélisme.
 
(1) Le livre est fini, louange et gloire soient à Christ.
(2) Au dernier jour, je ressurgirai de la terre.
(3) Sur le pasteur Paul Sabatier, refondateur des Etudes franciscaines, voir : Cahier Evangile et Liberté, n°122, 1993, p.4-8. Etudes théologiques et religieuses 1991, 3 fasc. p. 207-215; p.383-395; p.505-521.

Partager cet article
Repost0
27 juin 2012 3 27 /06 /juin /2012 11:22

article à la Une de la Correspondance unitarienne n° 117, juillet 2012


« Le premier qui dit la vérité, il doit être exécuté » (Guy Béart)


Quand on écoute, quand on lit, quand on fréquente Roger Parmentier, on est obligé de réfléchir, de se poser des questions, voire de se remettre en question ; on l’aime ou on ne l’aime pas, mais il ne peut nous rester indifférent.


Je l’ai connu dans la région parisienne où nous oeuvrions tous les deux comme pasteur. Je savais qu’il avait soutenu les Juifs sous l’occupation allemande, et de même que, pendant son séjour en Algérie, il avait appris à respecter et aimer les musulmans. Au-delà des religions établies, des Eglises et des mouvements, il y a des hommes et des femmes qui veulent vivre un idéal de tolérance, de pacifisme, de justice et de fraternité. Tel est R. Parmentier.


Certains collègues se méfiaient de lui – et c’est encore vrai aujourd’hui - ; il « dérangeait » et, pour eux, mettait en danger « l’Institution ». Pourquoi ? C’est que R. Parmentier n’a jamais « digéré » le Symbole des apôtres » : « Je ne peux plus croire que Jésus soit le Kurios Christos, qu’il soit né d’une vierge, qu’il ait été livré par son « Père » à une mort horrible, qu’il soit descendu aux enfers, ni qu’il soit ressuscité ou qu’il règne à la droite de Dieu en tant que deuxième personne de la Trinité ». Telles sont les paroles mêmes de notre contestataire et l’on comprend que beaucoup de protestants – sans parler des catholiques et orthodoxes – qui sont encore attachés à tous ces dogmes n’admettent pas ses opinions.


parmentier_ivention_du_christianisme.jpgComme il n’existe pas chez les protestants réformés d’interdits ou d’excommunication, le suspect ou l’hérétique considéré comme tel est « mis au piquet », c’est-à-dire qu’on ne l’invite plus prêcher et qu’on ne parle surtout pas de ses ouvrages. Il faut dire que R. Parmentier est l’auteur d’une trentaine de livres dont le dernier – en quelque sorte son chant du cygne – est intitulé « L’Invention du christianisme », avec comme sous-titre « qui aurait horrifié et scandalisé Jésus ».


Face à un tel homme qui parle aussi clairement que franchement, sans l’ombre d’un compromis, certains contradicteurs (je n’ose pas dire ses ennemis) peuvent se braquer – mais, lui, il est toujours resté vis-à-vis d’eux dans la bienveillance, dans la compréhension, j’allais dire dans l’amour si l’on peut employer ce terme de pasteur qui veut rester à l’écoute des contradicteurs. Il les a toujours respectés, et si parfois il les a appelés « Frères », ce n’est pas du chiqué. Il les a aimés tels qu’ils étaient, même lorsqu’ils lui ont manifesté une attitude hostile, malveillante, voire vindicative. Il accepte, mieux il recherche la discussion, tient compte des arguments ou des sensibilités différentes tout en défendant vigoureusement son point de vue. Il a été « Fait Play », mais il a demandé à juste titre qu’on soit de même avec lui.


Pour lui, Jésus, le prophète par excellence, s’est battu courageusement sur tous les fronts des possessions diaboliques, des misères, des détresses pour voler au secours des plus pauvres, des plus démunis et de quiconque l’appelait à l’aide. Il s’est heurté aux faux prophètes, au clergé hypocrite et rapace ; à l’idolâtrie de l’argent et du Pouvoir : il a été l’inspirateur d’un monde renversé où règnera la justice et la fraternité. Son témoignage, il l’a signé de son sang et comme l’écrivait Pascal : « Je crois volontiers les témoins qui se font égorger … ».


Dans ton Mas d’Azil, Roger, tu m’as fait songer aux vieux sages hindous dans leur retraite ou aux prophètes d’Israël dans le style d’Amos qui savent crier à temps et contre temps face aux puissants de l’époque, à leur risque et péril. Avec toi, je dis « Vive le christianisme de Jésus ». Je te salue et te redis mon amitié.


Pour en savoir plus sur R. Parmentier, consulter son site « Guetteurs rebelles, proclamateurs d’une proposition grandiose, actualisateurs de l’Evangile » (lien). Vous y trouverez sa biographie « Pour commencer » (sur la page d’accueil), et bien sûr ses nombreuses publications. Ses livres, pour la plupart, ont été présentés dans nos Actualités unitariennes (mettre son nom dans le moteur de recherche qu'il y a dans la colonne latérale) (lien).

 

Cet article a été reproduit par le pasteur Gilles Castelnau sur son site Protestants dans la ville en date du 29 juin 2012 (lien).

Partager cet article
Repost0
23 juin 2012 6 23 /06 /juin /2012 17:52

suite de l'article publiée le 31 janvier 2012 dans notre rubrique "Sur le protestantisme libéral" ( lien).


En tant que théologien et historien des sciences Victor Monod note les temps de retard dans les mises à jour des compréhensions du monde chez les croyants. A l’époque newtonienne beaucoup croyaient encore dans le cadre aristotélicien ! Et aujourd’hui beaucoup s’attardent dans une vision mécaniste périmée !

 

L'effort fait par Newton pour superposer le Dieu manifesté dans le temps au Dieu manifesté dans l'espace ne fut pas heureux. Ces deux Dieu semblaient de taille trop inégale. C'est que Newton avait, par son œuvre même, porté au maximum l'antithèse séculaire entre le Dieu de la nature et le Dieu de la grâce. Jamais le Dieu Créateur n'avait paru plus majestueux, plus simple en ses gestes, plus économe d'interventions inutiles que dans les Principes mathématiques de la nature. Jusqu'aux plus lointaines étoiles s'étendait une même force, rayonnait une même lumière. L'action de la seule et unique gravité expliquait la chute des corps terrestres, les orbites elliptiques des planètes, les irrégularités de l'orbite lunaire, les marées océaniques, la précession des équinoxes, bref, mille phénomènes qui avaient paru jusque-là inextricablement complexes. L'écheveau de la nature semblait débrouillé par le magicien Newton. Jamais l'unité physique de l'Univers, jamais le principe de la simplicité et de l'immutabilité des lois de la nature n'avait reçu une aussi éclatante démonstration. Comment ce Dieu, si sobre en moyens, pourrait-il s'abaisser ensuite à des interventions temporelles spéciales, écouter les prières des hommes, réparer leurs folies alors qu'il semblait déjà plaisant aux philosophes de lui attribuer le soin de réparer les orbites planétaires endommagées par les comètes ? Le cadre newtonien de la nature s'était brusquement élargi jusqu'aux étoiles : en son milieu, le Dieu éthique, le Dieu qui s'intéresse aux hommes avait gardé sa taille et il semblait un nain imperceptible.” (Victor Monod, Dieu dans l’Univers, 1933, p. 174).


1- La Révélation pour Wilfred Monod : « S’il était la cause unique, si l’état du monde était son œuvre, alors, en nous consolant de la souffrance, Dieu nous consolerait de … Dieu. La chrétienté actuelle entrevoit, elle aussi, le drame : Dieu (non celui du Cosmos, mais celui de l'Evangile) essayant de parler, s'efforçant d'agir, s'incarnant pour délivrer, se révélant, au prix d'une énigmatique agonie. La révélation naît dans les dou­leurs de l'enfantement. Le « Père » apporte la lumière, comme la mère « donne le jour » : dans la souffrance et dans le sourire, dans l'extase d'une vic­toire : « Tout est accompli ! ».


Malgré l'Histoire et la préhistoire, malgré la Na­ture et la tragédie de l'Evolution, malgré l'Univers et le silence des nébuleuses, avoir le droit, et le moyen, et le pouvoir, enfin, de croire, avec Jésus-Christ, et par lui, que « Dieu est Amour » — voilà qui nous arrache des larmes trop longtemps contenues, des « pleurs de joie ». Là est le cœur de la Révélation. Dans une minute glorieuse — qui déchira, comme une pointe de dia­mant, le Voile — notre Sauveur tressaillit d'un fris­son d'allégresse à la pensée qu'il « connaissait le Père » ; et il entonna soudain, comme s'il a parlait en langues », un hymne passionné : « Je te loue, ô Père ! je te loue, Seigneur du ciel et de la terre, car tu as celé un pareil secret aux sages et aux intelligents, mais tu l'as dévoilé aux enfants. Oui, ô Père ! je te loue pour l'avoir voulu ainsi ! » (Wilfred Monod, Viens et vois, Paris 1928 § sur Dieu).


Einstein_dans_la_ville_d-Ulm_-Wikipedia-.jpg2- La Raison chez Victor Monod, et après lui : un peu à la manière de Whitehad (qu’il était un des premiers théologiens français à citer), Victor Monod disait que le Dieu cherché dans le temps est celui qui se manifeste comme un jaillissement d’imprévu, comme une Conscience sans cesse en activité (p. 330) ! Il cherchait, pour cela, à réconcilier « Durée et simultanéité » de Bergson avec la gravitation et la relativité selon Eddington ou Einstein.

 

Statue d'Albert Einstein à Ulm, la ville où il est né en 1879


Il s’est, en fait, en cela, lourdement trompé alors que sa perspective était a priori géniale. Le temps n’est pas une valeur objective et solide qui remplacerait l’espace dans la recherche d’un lieu ou d’une dimension pour l’« habitation » divine .. Monod (avec Bergson) voulait s’y appuyer ; il s’est trompé ! Monod déconsidérait l’espace matériel, vide, immuable, l’espace euclidien, pour espérer dans un « devenir » (ce qui correspondait à sa sensibilité de chrétien-social proche de Wilfred Monod). En fait l’espace n’est pas euclidien et le temps n’est pas indemne ! Temps et espace sont liés. On parle de courbure de l’espace temps..


Certains scientifiques pensent que la notion, toute subjective et anthropomorphique, du temps doit être abandonnée au profit d’un espace repensé (à la fois fini et sans limites, à la fois matière et Esprit)… Faut-il penser à « Dieu » aujourd’hui comme à de la matière noire ou comme de l’énergie du même nom ?

 

Depuis le barthisme l’apologétique chrétienne a été déconsidérée. Saint Augustin avait mis, de même, un frein aux spéculations philosophiques de certains chrétiens de son époque ; il avait en cela favorisé la vision d’un monde plat et d’une verticalité céleste (ce que les scientifiques de son époque n’avaient plus !) .. Ne pas faire d’apologétique c’est comme ne pas faire de politique : ceux qui disent ne pas en faire, en font !


Car chacun de nous, consciemment ou inconsciemment, porte en soi une justification de ses croyances et de ses doutes. Le barthisme portait la satisfaction d’avoir résisté contre le nazisme et de redécouvrir la vocation prophétique de l’Eglise (c’était quand la sociabilité protestante était encore forte). Certains, comme des trapézistes sans filet, se créent un discours apologétique par la raison (irraison) justement de ne pas en avoir (la folie de la foi ? sens du paradoxe psy ? ou simple orgueil bien protestant ?). Ne faudrait-il pas reprendre le chantier d’une apologétique révisable ou pluraliste (croire de façon post-moderne avec des tiroirs). Et dans le domaine de l’univers Dieu dans l’univers reprendre et actualiser Victor Monod, avec et après, C. Hartshorne ...

Partager cet article
Repost0
19 avril 2012 4 19 /04 /avril /2012 19:50

Neuchâtel, ville suisse située au bord du lac de même nom, sur le flanc sud du massif du Jura, est citée pour la première fois en 1011. Elle fut gérée par des comtes jusqu'en 1458, qui y construisirent un château qui donna le nom à la ville « Nouveau château » , puis elle passa sous l'autorité de la famille française d'Orléans-Longueville. La Réforme du XVIe siècle, y fut introduite en 1530 par Guillaume Farel, et imposée à la comtesse catholique de Jehanne de Hochberg avec l’appui de Berne. La Vénérable Classe ou Compagnie des pasteurs fondée en 1535, demeura quasiment autonome, tant au point de vue doctrinal qu’au point de vue administratif et financier. En 1707, la ville passa sous l'autorité des rois de Prusse. En 1814, elle adhère à la Suisse en formant le canton de Neuchâtel. Le 1er mars 1848, c’est la Révolution et le canton devient une république.


Les premiers pasteurs réformés furent d'anciens curés, puis, dans la seconde moitié du XVIe siècle, des maîtres d'école que la Compagnie des pasteurs consacrait par imposition des mains. La Classe procurait en privé des leçons théologiques de base; ceux qui se proposaient pour le "saint ministère" (les "proposants") complétaient leur formation dans une Académie "étrangère" (Bâle, Strasbourg, puis Lausanne, Genève, Saumur entre autres et plus tard, quand Neuchâtel sera devenue principauté du roi de Prusse, Berlin, Marbourg, Tübingen, Greifswald, etc.). Cette double voie de formation, privée, ecclésiale et neuchâteloise d'une part, publique, académique et étrangère d'autre part, deviendra courante; même quand Neuchâtel disposera de sa propre Faculté de théologie (voire de deux facultés !), les étudiants iront fréquemment parfaire leur formation dans une faculté extérieure.


La Prusse, pour faire pencher en sa faveur le choix des Neuchâtelois, en 1707, promit une académie (= une université), celle ci se fera attendre jusqu’en 1838 et la première Académie de Neuchâtel est, enfin, inaugurée en 1841. Elle ne formait toutefois pas les futurs pasteurs car, jalouse de son monopole et de son indépendance, la Classe des pasteurs avait repoussé en 1838 les offres du Gouvernement désireux d'intégrer l'enseignement de la théologie et la formation des pasteurs dans la première Académie !


A une bourgeoisie enrichie par le commerce international au XIIIIè siècle, ce sont ajoutés, au siècle suivant, des milieux ouvriers avec l’horlogerie, la chocolaterie Suchard, les forges et scieries Martenet, la fabrication d'indiennes, puis l’arrivée du chemin de fer. Lorsque Ferdinand Buisson arrive en 1866, ces milieux sont déjà fortement déchristianisés et commencent à voter socialistes.


Avec l’institution de la République, une nouvelle loi ecclésiastique faisait passer l’administration suprême de l’Eglise de la Vénérable Classe à l’autorité civile, donc à l’Etat. Un synode formé de laïcs et d’ecclésiastiques est désormais chargé de s’occuper du domaine spirituel et remplace donc la Compagnie des Pasteurs. C’est ce synode qui continue la charge de former des pasteurs. La fondation de la seconde Académie en 1866 (elle deviendra l'Université de Neuchâtel en 1909) ne change pas la donne. C’est elle qui recrute Ferdinand Buisson.


Durant le séjour de ce dernier à Neuchâtel (1866-1870), l’idée de séparer Eglise et Etat semble avoir gagner du terrain. Félix Pécaut, un ami de F. Buisson, est installé comme premier pasteur libéral le 5 décembre 1869 à la Chaux-de-Fonds ; il rentre en France lui aussi l’année suivante après la défaite de Napoléon III à Sedan.


Une proposition est adoptée le 19 décembre 1872 par le Grand Conseil pour permettre à la minorité libérale d’avoir sa part dans les affaires de l’Eglise et pour abolir la consécration pastorale. Mais la situation se complique l’année suivante, en septembre 1873, avec la « Loi Numa Droz ». Celle-ci, proposée par Numa Droz  (1844-1899), un graveur puis instituteur, devenu conseiller d’Etat (et qui finalement sera conseiller fédéral de 1876 à 1892), vise à affirmer la laïcité de l’Etat … mais aussi à contrôler l’Eglise ! * Le même Numa Droz réforma également l'école primaire et rendit facultatif l'enseignement de la religion. L’initiative ne fait pas l’unanimité et la loi passe de justesse; l’Eglise se scinde alors en deux, une « Nationale » (l’Eglise nationale du canton de Neuchâtel) dont les ministres et les lieux de culte sont à la charge de l’Etat, et une « indépendante » (l'Eglise évangélique neuchâteloise indépendante de l'Etat)qui refuse cette collusion.

* par le salariat car, au niveau des principes, la loi affirme «  La liberté de conscience de l’ecclésiastique est inviolable ; elle ne peut être restreinte ni par des règlements, ni par des vœux ou engagements, ni par des formules ou un credo, ni par aucune mesure quelconque ».


Paradoxalement par rapport au manifeste de Ferdinand Buisson et de ses amis, la séparation de l’Etat et de l’Eglise qu’il demandait se fait ici contre l’Etat laïc et est à l’actif des éléments les plus conservateurs !


neuchatel_eglise_reforme_evangelique_du_canton.jpgOn se retrouve donc avec deux Eglises, deux écoles pastorales pour former les ministres du culte, mais ce n’est pas la guerre pour autant ! L’Eglise « nationale » s’avèrera plus ouverte (c'est la Faculté "nationale" qui accueillit en 1912 la première étudiante ; elle venait de... Pologne ! et s'appelait Lucie Schmidt), mais il n’y aura pas de différence de théologie (là aussi un désaveu du manifeste de F. Buisson), et une réunification (envisagée dès 1920) s’effectuera le 3 juin 1943 au sein de l’Eglise réformée évangélique du canton de Neuchâtel (EREN).


Séparée de l'Etat, mais "reconnue d'intérêt public", l’EREN signa avec l'Etat un concordat dans lequel fut fixé le statut de la Faculté de théologie. Celle-ci fit désormais partie de l'Université; une commission des études, nommée par le Synode, assurait le lien entre elle et l'Eglise. Nommés par le Synode, les professeurs, agrégés au corps pastoral de l'EREN et donc pasteurs, faisaient partie du Sénat de l'Université. Leur traitement était à la charge de l'Eglise.


En 1980, la Faculté de théologie intègre juridiquement l'Université et retrouve un statut d'Etat. Le corps enseignant est nommé par le Conseil d'Etat, sur proposition du Conseil des Professeurs. La Faculté doit, au préalable, requérir l'avis du Conseil synodal. La Faculté peut assumer en toute indépendance sa tâche académique et l'Eglise reconnaît en elle l'instance universitaire dont elle a besoin pour la formation de ses futurs ministres.


Sources :
- message de Charles-Henri Matile du 2 avril 2012 faisant référence à des brochures éditées par le Canton pour célébrer, en 1948, le centenaire de la Révolution de 1848 (et où Ferdinand Buisson est cité). Voir aussi le témoignage de Charles-Henri Matile sur l'après Ferdinand Buisson (lien).
- article dans l’encyclopédie Wikipedia (lien).
- site de la Faculté de théologie de l’université de Neuchâtel (lien)
- site de l’Eglise réformée évangélique du canton de Neuchâtel (EREN) lien.

Partager cet article
Repost0
19 avril 2012 4 19 /04 /avril /2012 11:59

Charles-Henri Matile, Neuchâtel (Suisse), message du 29 mars 2012 :


Merci de m’avoir permis de faire connaissance avec cet extraordinaire Ferdinand Buisson dont j’ai lu le manifeste de 1969 avec attention (lien), ainsi que divers événements de sa vie sur le site de La besace unitarienne.


Il a donc enseigné, très jeune, à l’académie de Neuchâtel, à 10 km de chez nous, de 1866 à 1870. Son manifeste est un modèle de clarté et de bon sens et, ce qui m’a le plus frappé, c’est qu’il contient tous les ingrédients de l’unitarisme, mais si le terme même n’y apparaît jamais !


Le site de la Faculté de théologie de l’université de Neuchâtel (unine.ch) fournit quelques éléments des péripéties de l’Eglise protestante neuchâteloise (lien). Séparation donc peu après 1870 en une Eglise dite nationale avec des pasteurs payés par l’Eglise/Etat et une Eglise dite indépendante avec des pasteurs payés par les paroissiens. Chacune ayant sa propre faculté de théologie à l’Université (Académie). Je pense que l’activité déployée par F. Buisson et autres a nécessairement joué un rôle dans cette séparation.


Ce qui me surprend davantage, c’est que la nouvelle Eglise indépendante n’était, déjà à ses débuts, pas si libérale qu’on pourrait le croire. Pourquoi ? Probablement parce que les idées de Buisson ont mieux convaincu sur le plan socio-politique que sur le plan théologique. Peut-être que les gens n’osaient pas souscrire à une telle verve, si louable fut-elle ! Il faut aujourd’hui prendre la relève pour sauver ce qu’il reste du christianisme.


charles-henri_matile_et_ses_petits_enfants.JPGJe n’en sais pas assez pour savoir quelles franges de la population se partageaient les deux églises. Ma mère venait d’une famille ouvrière rattachée à l’Eglise nationale, mon père, maître boucher-charcutier de son état, venait d’une famille d’indépendants rattachée à l’Eglise indépendante ! Un milieu certes respectable, mais pas suffisamment intellectuel pour parler théologie à la maison. C’est d’ailleurs pour cela que je me sens, en dépit de quelques études, plus près de ma terre que de l’intellectualisme. C’est aussi pour cela que je n’aime pas voir mes petits-enfants, que j’aime beaucoup, avoir peur de se salir les mains. Je leur explique parfois que les mains sont quelque chose qui se lave très bien !


Au temps de ma jeunesse, nous allions plutôt régulièrement au culte parce que la majorité en faisait autant, sans se poser trop de questions. De même que tous les enfants allaient aux leçons de religions. J’ai  retrouvé mon acte de baptême : le 16 mai 1943, quelques semaines avant la fusion, en la chapelle indépendante de Cernier, le village voisin, alors que la paroisse de Fontainemelon, paroisse nationale, avait un temple offert en 1902 à la commune par une riche famille d’horlogers. Au bas de l’acte, dans un coin, le pasteur de Fontainemelon a ajouté : « Baptême inscrit sur le registre de Fontainemelon : Borel, pasteur ».
Et juste après eut lieu la fusion et la victoire de l’orthodoxie, barthiste notamment. Pourquoi ? Sans doute parce que les gros poissons finissent par manger les plus petits.


Cependant, si on ne parlait pas de théologie, mes oreilles se souviennent fort bien avoir entendu mon père pester contre les pasteurs de l’Eglise nationale, avec des remarques du genre : de notre temps, on payait le pasteur et il travaillait, il faisait des visites régulièrement, mais maintenant, etc.


C’est dommage que ce petit canton de 800 km2 et de 170 000 habitants actuellement n’ait pas mieux écouté Ferdinand Buisson. ! Mais bon, le bas du canton, avec Neuchâtel, bourgeoise et un peu guindée comme souvent les chefs-lieux, préféra s’en tenir aux vérités de la « vénérable classe » des pasteurs, tandis que le Haut, avec la Chaux-de-Fonds horlogère et populaire, avec des socialistes trop mécréants pour apprécier même le discours d’une Eglise libérale. Contexte très compliqué.

Partager cet article
Repost0
18 février 2012 6 18 /02 /février /2012 18:27

suite de l'article précédent


Ferdinand-BUISSON.jpgFerdinand Buisson (1841-1932), naît à Paris dans une famille huguenote orthodoxe mais non contraignante. Sa santé ne lui permet pas de se présenter à l'Ecole normale supérieure, mais il obtient néanmoins, à l'âge de vingt-sept ans, l'agrégation de philosophie. Républicain, il refuse de prêter serment au Second Empire, renonçant ipso facto à occuper tout poste universitaire en France, et s'exile en Suisse en 1866 sur le conseil de Jules Barni. Il obtient au concours une chaire de philosophie et littérature comparée à l'Académie (Université) de Neuchâtel, qu'il quittera en 1870 (source : « Le parcours intellectuel et politique de Ferdinand Buisson », par Samuel Tomeï, lien)


Jules Barni (1818-1878), ex professeur au Lycée de Rouen, est alors exilé à Genève où il fut appelé, en 1861, par le régime radical à enseigner l'histoire et la philosophie à l'académie de cette ville, où il remplaça un autre exilé, Victor Chauffour. Il occupa cette situation jusqu'en 1870. Plusieurs de ses ouvrages, Les Martyrs de la libre-pensée, Napoléon Ier et son historien M. Thiers, Histoire des idées morales et politiques en France, La Morale dans la démocratie ne sont que le résumé de ses idées exposées par lui dans ses cours de Genève. En 1867, fortement influencé par les principes de Kant, il organisa et présida le premier congrès de La Paix et de la Liberté à Genève. À l'issue de ces assises, il devint l'un des fondateurs et dirigeants de la Ligue internationale de la paix et de la liberté, qui avait pour objet la substitution de l'arbitrage à la guerre (source : Wikipedia, article à son nom, lien).


Ferdinand Buisson en Suisse (1866-1870), son activité protestante libérale


a) une série de conférences


Ferdinand Buisson est une des grandes figures historiques du protestantisme libéral. Il fit sa thèse sur Sébastien Castellion, en qui il voit un "protestant libéral" à son image. Il mène à partir de décembre 1868 dans ce canton de Neuchâtel une activité dense et iconoclaste en misant sur une contagion des cantons allemands où les thèses libérales connaissent déjà un vif succès. Il donne une série de conférences dans les temples ou dans les cercles (par exemple le cercle de l’Union républicaine tenu par ses amis radicaux), lesquelles sont relayées par la presse locale, par exemple Le Progrès tenu par les socialistes – et il lancera aussi un hebdomadaire : L'émancipation. Il avance des idées nouvelles :


- l'abandon de l'Ancien Testament comme livre de lecture à l'école primaire car il s’agit d’une histoire nationale particulière et non celle de l’Humanité. Il donne notamment une conférence sur l’Histoire sainte où il rejette l’idée de révélation divine : il n’y a pas d’autres fondements à la morale que la conscience humaine.
- le scepticisme scientifique vis-à-vis des miracles relatés dans la Bible (son ami, le pasteur Félix Pécaut, dans un temple de Neuchâtel, donnera une conférence intitulée « La religion du miracle et le religion de la libre conscience »)
- la séparation de l’Eglise et de l’Etat
- la liberté de conscience.


Il s’agit d’une rupture totale par rapport au calvinisme qui sévit en Suisse depuis le XVIème siècle. S’adressant aux protestants orthodoxes, il prône le choix d’autres prédécesseurs « Apprenez, Messieurs, si vous l’ignorez, que nous aussi nous avons nos aïeux qui sont contemporains des vôtres. Les vôtres, quand vous en évoquez le souvenir, vous les trouverez au seizième siècle dans les chaires, dans les consistoires, dans les conseils publics de Genève, par exemple, puisqu’il s’agit de la Suisse. Les nôtres, nous les trouvons dans les prisons, dans les cachots, dans les tortures et sur les bûchers où les envoyaient les Farel, les Bullinger et les Calvin. Savez-vous de quel jour date la séparation du protestantisme orthodoxe et du protestantisme libéral ? Ils se séparent au pied du bûcher de Michel Servet … Calvin a vaincu, c’est vrai. Il a eu les bourreaux pour lui. Nous avons pour nous ses victimes. Nos ancêtres, ce sont ces vaincus du 16ème siècle ; ce sont un Michel Servet, un Castellion, un Gruet - qui, pour avoir protesté devant l’Etat et devant l’Eglise contre l’autorité dogmatique de Calvin, a eu la tête tranchée - , un Valentin Gentilis exécuté pour hérésie. Nos ancêtres, ce sont les anti-trinitaires, les sociniens, les libertins de Genève, les remonstrants et les mennonites de Hollande, les dissidents suisses, qui ont nié les premiers le droit de punir l’hérésie, et tous ces obscurs hérétiques du XVIème contre qui sévirent impitoyablement l’orthodoxie catholique et l’orthodoxie protestante. Les voilà nos propres ancêtres, et nous ne rougissons pas plus de leurs hérésies que de leur martyre » (« Profession de foi du protestantisme libéral », conférence donnée en février 1869, relatée dans James Guillaume, L’Internationale, Paris, 1905, p. 122).


b) le projet d’une Eglise libérale


Très rapidement, ces conférences débouchent sur un « manifeste du christianisme libéral », rédigé le 3 février 1869 et publié les 8-9 février à Neuchâtel à l’imprimerie G. Guillaume fils, soit un opuscule de 16 pages (op. cité, p. 124)


Cette Eglise garde « la substance morale du christianisme », mais « sans dogmes obligatoires, sans miracles, sans livre infaillible, et sans activité sacerdotale ». Elle s’inscrit résolument dans une vision universelle de l’Humanité si bien que, au-delà des seuls chrétiens, elle lance un appel aux théistes et aux athées : « S’il se trouvait des hommes qui prétendissent être athées et qui néanmoins prissent comme les autres le sérieux engagement de participer de toutes leurs forces à cet effort moral que supposent les mots « culte du bien » et « amour de l’humanité », l’Eglise libérale devrait les recevoir au même rang que tous leurs frères, non comme athées, mais comme hommes » ; Cette Eglise s’engage à recevoir en son sein tous ceux qui veulent travailler à leur commune amélioration spirituelle « sans s’informer s’ils professent le théisme, le panthéisme, le supra-naturalisme, le positivisme, le matérialisme ou tout autre système » ; (op. cité, p. 124).


Ses opposants crient tout de suite au manque de transcendance : c’est une religion des hommes qui s’identifie à la science. Toutefois, le manifeste mentionne explicitement Dieu et considère que la religion s’adresse à tous et pas seulement à des intellectuels théistes. Il trouve précisément dans le christianisme cette densité humaine qui s’appuie sur un Jésus simplement homme et fraternelle, et dont les enseignements constituent une bonne base pour une morale effectivement universelle.


Il est donc erroné de présenter ce projet comme simplement rationaliste et théiste, seulement lié aux idées du Siècle des lumières. Il s’agit plutôt d’un christianisme ouvert à l’universel et qui, dépouillé de ses oripeaux, fidèle aux évangiles et à Jésus, sert précisément de base à un universel vécu dans les mœurs et la morale. Utopie ? Là aussi, les commentaires sont souvent à côté de la plaque puisque ce modèle d’Eglise apparaîtra concrètement à la fin du XIXème siècle aux Etats-Unis à partir des congrégations unitariennes (sans d’ailleurs qu’il y ait eu connivence entre les deux courants, le protestantisme libéral en Europe et l’évolution de ces congrégations américaines).


Ce manifeste prévoit la constitution d’une Union du christianisme libéral  « sans distinction de nationalité, de culte ou d’opinion publique », mais veut laisser le temps de la réflexion à ses lecteurs avant de d’ouvrir un lieu de culte. F. Buisson compte sur ses amis pasteurs Félix Pécaut et Jules Steeg pour animer cette Eglise ; mais la défaite de Napoléon III à Sedan et la fin de l’Empire entraînent le retour en France des émigrés français en Suisse, dont en premier Fernand Buisson. Ils sont appelés à servir la République française que leurs amis radicaux mettent sur pied.


Jules Steeg (1836-1898) a fait des études théologiques à Bâle, Strasbourg et Montauban. Il est le premier pasteur de la paroisse protestante de Libourne (en Gironde) en 1859, rôle qu'il conservera jusqu'à sa démission en 1877. Félix Pécaut (1828-1898) fut voué à la religion protestante et fit ses études à la faculté de théologie de Montauban, mais refusa le pastorat à Salies, et préféra, grâce à son amitié avec Ferdinand Buisson (il vient au début de 1869 à Neuchâtel faire des conférences « libérales »), se consacrer à l'éducation. Voir son livre réédité par Théolib : « Le Christ et la Conscience. Lettres à un pasteur sur l’autorité de la Bible et celle de Jésus-Christ » (collection Libres pensées protestantes).

 

Ce projet d'Eglise sera mis en discussion lors d'un colloque organisé par Théolib et la Fédération française de la Libre Pensée, à Paris, le 3 mars 2012 (lien).

à suivre ...

Partager cet article
Repost0