Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

le calice des unitariens

chaque communauté unitarienne arbore un blason ou un logo. Voici celui des unitariens qui sont regroupés au sein de l'Assemblée fraternelle des chrétiens unitariens (AFCU). Voir sur son site à la rubrique "le calice des unitariens"
http://afcu.over-blog.org/categorie-1186856.html


 

Rechercher

Archives

Articles RÉCents

18 juin 2014 3 18 /06 /juin /2014 08:08

La carte présente correspond à la "République des deux nations" (en fait une monarchie élective) qui a réuni le grand-duché de Lituanie (qui va alors de la Baltique à la Mer Noire puisqu'elle englobe l'Ukraine) au royaume de Pologne ; il s'agit donc d'une Pologne dans sa plus grande expansion puisqu'elle s'étend vers Moscou ! Elle est publiée dans l'article de l'encyclopédie Wikipedia consacrée à l'histoire de la Pologne ( lien). Elle donne la situation en 1573. Elle est reproduite dans l'article (mais en anglais) de même encyclopédie "Polish Brethren" (lien).

Amorcée en 1386, l'Union de la Pologne-Lituanie est renforcée à partir de 1569 par l'Union de Lublin. Cracovie en est la capitale jusqu'en 1596, date à laquelle le relai est pris par Varsovie. Mais à partir de 1772, ce grand ensemble politique va se trouver progressivement grignoté par les voisins russes, prussiens et la Maison des Habsbourg. 

pologne_1573.png

 

La légende étant en polonais, nous avons un peu de difficulté pour sa lecture. D'ouest en est, nous avons - sauf erreur de notre part - les luthériens (en bleu) avec la présence en leur sein de très nombreux juifs (en rayure orange) - les Juifs constituaient alors de 5 à 10% de la population totale * - et des communautés mennonites (en points rouges) près de la fontière d'avec les Pays-Bas, leur foyer d'origine. Puis deux zones (en violet) où le calvinisme s'est développé, avec en leur sein des communautés anti-trinitaires (en croix noire). A Leszno, il y eut une communauté de Frères de Bohème réfugiés. Enfin, en vert, les pays slaves de religion orthodoxe. En pointillé rouge, le catholicisme polonais, partout présent et très dominant (en blanc).

* À la fin du XVe siècle, la Pologne compte à peu près 10 000 juifs, certains venus d'Italie, beaucoup d'autres d'Allemagne. Le pays leur apparaît comme une sorte de « terre promise » par contraste avec la situation qui leur est imposée dans les autres pays d'Europe où on les expulse comme en Angleterre, en Espagne et en France, où on les enferme dans des ghettos comme en Allemagne et en Italie, et où on les convertit de force comme en Espagne et au Portugal (Wikipedia, Histoire de la Pologne).

 

La Petite Eglise polonaise anti-trinitaire, issue d'une scission au sein du calvinisme polonais, existera  de 1565 à 1658 (décision de la Diète : la convertion des anti-trinitaires au catholicisme ou l'exil). A cette époque, les anti-trinitaires sont traités d'ariens (d'où cette dénomination sur les cartes religieuses de l'époque).

 

Ajout du 27 juin 2014 - commentaire de Michel Jas au sein du groupe "Protestantisme libéral" sur Facebook, même date :

Il faudrait ajouter à cette carte la présence de Karaïms de langue turque (des régions baltes : Birzai, Karaimu-Naujamiestis, Troki, Novogrodek ; et dans la partie méridionale de la Pologne : Loutzk, Zolkiew, Sambor, Kukizow, Brzezmy, Halitch) qui furent peut être les Israelites non-juifs qui ont donné, prêté ou vendu les manuscrits hébraiques aux protestants .. Puis [ndlr - mais pas forcément à la date de la carte ni dans le cadre des Deux Royaumes] les dissidents dualistes ou judaïsants plus à l'Est dans les régions dominées par l'orthodoxie ...

Partager cet article
Repost0
20 juin 2013 4 20 /06 /juin /2013 18:27

Source : Wikipédia en anglais (lien) et en néerlandais (lien).

Camphuysen.gifDirk Rafaelsz Camphuysen (ou Rafelsz Kamphuysen), est né en 1586 à Gorinchem (ville à l’est de Dordrecht, appelée aussi Gorkum), d'un chirurgien respecté et d’une mère mennonite dont le père, Hans van Mazeik, avait été décapité pour ses convictions. Sa mère mourut alors qu’il n’avait que 8 ans, et son père peu après. Comme il manifestait du talent artistique, son frère aîné, qui avait repris l’activité de son père, l’envoya apprendre le dessin auprès du peintre Dirck Govertsz. A 18 ans, il commença à étudier les langues. Il est engagé en 1608 comme tuteur  par  la « Heer van Langerak » de Leyde (Leiden en néerlandais) et se retrouve à Nieuport comme tuteur privé et secrétaire de van Gideon van den Boetzelaer. Durant ses temps de libre, il étudie la théologie à l’université de Leyde. En 1613, il épouse Anna van Alendorp. En 1614, il devient professeur à l'Ecole de latin d’Utrecht. Il remplace quelques fois le pasteur Taurinus qui exerce à la cathédrale Saint-Martin d’Utrecht (devenue protestante depuis 1580 et connue sous le nom de Domkerk après l’écroulement de la nef en 1674), puis se retrouve lui-même comme ministre en 1617 à Vleuten, près d’Utrecht. Mais il a le malheur d’adhérer aux idées des Baptistes et des Arminiens, si bien qu’il perd son emploi dès l’année suivante, en 1618.


Un ami, lui aussi peintre et pasteur, Lambert Jacobsz, l’incite à quitter carrément le ministère et à s’adonner de nouveau à la peinture, mais c’est plutôt vers la poésie qu’il se tournera. Il doit s’exiler en 1619, à l’âge de 33 ans, plus au nord, dans les Frisons. Il traduit les psaumes et ses cantiques connaîtront un grand succès. En 1625, il refuse un poste d’enseignement qui lui est proposé par le Collège socinien de Rakow, en Pologne (lequel continuera ses activité jusqu’en 1630) car sa femme ne veut pas s'expatrier. Il meurt à Dokkum comme commerçant de lin en juillet 1627.


Il laisse des peintures (de petit format) selon la mode hollandaise de l’époque : la vie rurale avec ses fermes et ses animaux, des tableaux de coucher de soleil et de clair de lune, des paysages avec le Rhin et autres cours d’eau. Il laisse aussi une œuvre théologique avec entre autres un « Compendium Doctrinae Sociniorum », mais c’est surtout grâce à ses poésies qu’il connaît la célébrité posthume. Une brochure présentant sa vie et son œuvre est publiée à Rotterdam par Barent Bos en 1683, puis à Amsterdam, par Jan Rieuwertsz en 1699 *, le troisième à Amsterdam par Marten Schagen en 1723 et enfin à Amsterdam, par Petrus Conradi en 1775.
* en 1718, Arnold Houbraken, peintre et écrivain vivant à Dordrecht (1660-1719) publie une bibliographie de lui dans De groote schouburgh der Nederlantsche konstschilders en schilderessen.

Partager cet article
Repost0
21 septembre 2012 5 21 /09 /septembre /2012 18:52

par Frédéric S. Eigeldinger (Suisse) *

* l'un des meilleurs spécialistes de Rousseau, il a récemment participé à la réédition complète des oeuvres de ce philosophe. Voir de lui, entre autres, un "Dictionnaire de Jean-Jacques Rousseau" publié en 2006.

 

À lire ses différentes déclarations, Jean-Jacques Rousseau se réclame de la foi Réformée au grand dam de tous ses amis « philosophes » et malgré les foudres des églises catholiques et protestantes du XVIIIe siècle. Il écrit au pasteur de Montmollin le 24 août 1762 : « Je vous déclare, Monsieur, avec respect, que, depuis ma réunion à l’Église dans laquelle je suis né, j’ai toujours fait de la religion chrétienne réformée une profession d’autant moins suspecte, qu’on n’exigeait de moi dans le pays où j’ai vécu que de garder le silence et laisser quelque doute à cet égard, pour jouir des avantages civils dont j’étais exclu par ma religion. Je suis attaché de bonne foi à cette religion véritable et sainte, et je le serai jusqu’à mon dernier soupir. ».


On sait que toutes les misères suscitées à Rousseau viennent de sa fameuse « Profession de foi du vicaire savoyard » publiée dans l’Émile en 1762. Il s’est mis à dos les Diderot ou Voltaire, convaincu par son éducation genevoise calviniste que l’athéisme du premier ou le déisme du second n’étaient ni l’un ni l’autre siens, mais jusqu’à la fin de sa vie il a été tourmenté par les arguments des matérialistes. « Je me dis enfin : me laisserai-je éternellement ballotter par les sophismes des mieux disants, dont je ne suis pas même sûr que les opinions qu’ils prêchent et qu’ils ont tant d’ardeur à faire adopter aux autres soient bien les leurs à eux-mêmes ? Leurs passions, qui gouvernent leur doctrine, leurs intérêts de faire croire ceci ou cela, rendent impossible à pénétrer ce qu’ils croient eux-mêmes. Peut-on chercher de la bonne foi dans des chefs de parti ? Leur philosophie est pour les autres ; il m’en faudrait une pour moi. Cherchons-la de toutes mes forces tandis qu’il est temps encore afin d’avoir une règle fixe de conduite pour le reste de mes jours. […] Après les recherches les plus ardentes et les plus sincères qui jamais peut-être aient été faites par aucun mortel, je me décidai pour toute ma vie sur tous les sentiments qu’il m’importait d’avoir, et si j’ai pu me tromper dans mes résultats, je suis sûr au moins que mon erreur ne peut m’être imputée à crime, car j’ai fait tous mes efforts pour m’en garantir. »


Pour qui a fréquenté les cultes du Désert à Mialet, il se convainc aisément que cette cérémonie annuelle eût convaincu Rousseau par son authenticité et sa simplicité. Sous les chênes, on assiste encore aujourd’hui à ce qu’il aspirait, à savoir une réunion de frères au-delà de toute divergence d’exégèse, parce qu’imprégnée de la persécution dont elle a été l’objet. Le fondement de sa pensée reste bien la lecture personnelle des saintes Écritures, en dehors de tout dogmatisme : il a lu la Bible en entier « au moins cinq ou six fois de suite » dans sa vie et toutes ses réflexions sont appuyées sur les textes tels qu’il les entendait. On ne peut être plus Réformé que lui sur ce plan.

 
Converti malgré lui au catholicisme en 1728, il réintègre la religion de ses pères en 1754 et n’en démordra plus. Et pourtant il avait écrit, outre la lettre au pasteur de Montmollin, deux autres professions de foi (dans La Nouvelle Héloïse et dans l’Émile). À ceux qui lui demandent si ces déclarations sont les siennes, il répond inlassablement qu’il transcrit ce qu’il a entendu, mais au pasteur Moultou il avoue : « vous concevrez aisément que la profession de foi du vicaire savoyard est la mienne. »


En fait ce qui peut frapper tout chrétien dans la réflexion de Rousseau, c’est, outre sa négation des peines de l’enfer (donc du péché originel), la remise en cause des miracles du Christ. Jésus n’est pas pour lui le « fils » de Dieu, mais un homme conçu par un couple, et élu par Dieu – parmi ses fils que chaque être humain est censé être – pour révéler son message, non pas comme un autre prophète, mais pour délivrer une nouvelle essentielle de fraternité : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ! » Le mot « frère » est fondamental dans sa pensée morale et religieuse.

 

Les miracles sont pour les faibles dans la foi ou les superstitieux. « Il reste toujours prouvé par le témoignage de Jésus même, que, s’il a fait des miracles durant sa vie, il n’en a point fait en signe de sa mission. » Ou encore : « Et tant s’en faut que l’objet réel des miracles de Jésus fût d’établir la foi, qu’au contraire il commençait par exiger la foi avant que de faire le miracle. Rien n’est si fréquent dans l’Évangile. C’est précisément pour cela, c’est parce qu’un prophète n’est sans honneur que dans son pays, qu’il fit dans le sien très peu de miracles ; il est dit même qu’il n’en put faire à cause de leur incrédulité. Comment ? C’était à cause de leur incrédulité qu’il en fallait faire pour les convaincre, si ses miracles avaient eu cet objet ; mais ils ne l’avaient pas. C’étaient simplement des actes de bonté, de charité, de bienfaisance, qu’il faisait en faveur de ses amis, et de ceux qui croyaient en lui. »

 

Ainsi justifie-t-il sa conviction avec force, s’appuyant pas à pas sur les Écritures dans les Lettres écrites de la montagne (1764) qui lui vaudront les foudres de la Compagnie des pasteurs de Genève et par ricochet celle de la Vénérable Classe de Neuchâtel manipulée par celle-là. Le pasteur Sarasin de Genève a tout fait pour influencer son collègue de Môtiers qui s’était déjà montré intolérant à l’égard de F.-O. Petitpierre à propos de la « non-éternité » des peines de l’enfer prêchée par ce dernier (1758-1760). Ainsi mis sous pression malgré sa naturalité neuchâteloise acquise par la grâce de Frédéric II et sa bourgeoisie de Couvet, il devra quitter sous la menace sa terre d’asile en septembre 1765 et ne reverra jamais sa patrie suisse.

 

Illustration : « Jean-Jacques Rousseau, en Suisse, persécuté et sans asile » Gravure de Louis François Charon d'après Bouchot (Musée Carnavalet,Paris.)


jean_jacques_rousseau_en_suisse.jpgOui, Rousseau est un vrai Réformé, victime de clergés qui se croient encore omnipotents dans le dogme ; ses écrits sont d’un lecteur attentif et raisonné des écrits bibliques. Il s’adresse d’ailleurs au Consistoire le Môtiers le 9 mars 1765 en ces termes : « Messieurs, je vous supplie de considérer que, vivant depuis longtemps dans le sein de l’Église, et n’étant ni pasteur, ni professeur, ni chargé d’aucune partie de l’instruction publique, je ne dois être soumis, moi particulier, moi simple fidèle, à aucune interrogation ni inquisition sur la foi : de telles inquisitions, inouïes dans ce pays, sapant tous les fondements de la Réformation, et blessant à la fois la liberté évangélique, la charité chrétienne, l’autorité du prince, et les droits des sujets, soit comme membres de l’Église, soit comme citoyens de l’État. Je dois toujours compte de mes actions et de ma conduite aux lois et aux hommes, mais puisqu’on n’admet point parmi nous d’Église infaillible qui ait droit de prescrire à ses membres ce qu’ils doivent croire, donc, une fois reçu dans l’Église, je ne dois plus qu’à Dieu seul compte de ma foi. » Il demeure en ce sens un exemple moderne de foi indépendante de tout dogmatisme ou de considérations théologiques ; en un mot il était théiste (comme les pasteurs de Genève étaient sociniens selon D’Alembert) : « J’ai haï le despotisme en républicain et l’intolérance en théiste. »


« Conscience ! conscience ! instinct divin, immortelle et céleste voix, guide assuré d’un être ignorant et borné, mais intelligent et libre ; juge infaillible du bien et du mal, qui rends l’homme semblable à Dieu, c’est toi qui fais l’excellence de sa nature et la moralité de ses actions ; sans toi je ne sens rien en moi qui m’élève au-dessus des bêtes, que le triste privilège de m’égarer d’erreurs en erreurs à l’aide d’un entendement sans règle et d’une raison sans principe. »

 

Ndlr - en doutant de l'existence de l'enfer et donc du péché originel, de la filiation divine de Jésus et par sa position adoptionniste (Jésus a été adopté par Dieu après sa naissance), par sa relecture moins littérale des miracles (qui fera place carrément au doute avec l'exégèse protestante allemande des années 1830), enfin par sa réflexion philosophique misant sur la raison, Jean-Jacques Rousseau est apparaît finalement très proche des thèses sociniennes bien qu'il n'en ait semble-t-il jamais parlées.  Nous nous permettons en conséquence de le placer dans notre rubrique consacrée au socinianisme car ses positions s'avèrent déjà très éloignées de la Réforme calviniste, celle-ci restant - à cette époque - dogmatique et attachée à une lecture littérale de la Bible.

Partager cet article
Repost0
26 janvier 2012 4 26 /01 /janvier /2012 18:18

LELIO ET FAUST SOCIN : FONDATEURS DU SOCINIANISME, LEURS VIES ET LEUR THEOLOGIE, par Marian Hillar, publication initiale dans "The Journal from the Radical Reformation. A Testimony to Biblical Unitarianism." (part. I, vol. 10, n° 2, 2002 ; part. II, vol. 10, n° 3, 2002). Pour en savoir plus sur l’auteur, voir son site ( lien)
Article traduit en français par Christian Collas. Le découpage de l’article en pages est de la rédaction de La Besace des unitariens.

Introduction

On considère que Lelio Socin (Laelius Socinus) est le fondateur du mouvement intellectuel anti-trinitaire et Faust Socin (Faustus Socinus) le théoricien principal de l'Eglise unitarienne (socinienne) en Pologne. Ils appartiennent, respectivement, à la première et à la deuxième génération des réformateurs italiens (1).


Faust Socin était issu de la deuxième génération des réfugiés religieux italiens qui, au contraire de la première génération, était composée d'individus isolés du reste des émigrants italiens à la recherche d'un endroit sûr pour vivre et affirmer leurs convictions religieuses. Ils ont trouvé cet endroit en Pologne et en Transylvanie. Ils ont réussi à trouver des communautés accueillantes et à y gagner une certaine reconnaissance. De toute façon, ils ont toujours refusé d'être considérés comme des hérésiarques ou comme des leaders de groupe ; ils préféraient se considérer comme enseignant d'une méthode d'enquête destinée à comprendre les Ecritures.


(1) Delio Cantimori, Eretici italiani del Cinquecento. Ricerche storiche (Firenze: Sansoni, 1967).

La Réforme contre la Réforme radicale

La Réforme, initiée par Martin Luther en 1517, avait des objectifs très limités, il s'agissait de s'opposer au pouvoir du pape - aussi bien son pouvoir politique que son pouvoir discrétionnaire dans l'Eglise -, et de redresser la corruption morale de l'Eglise. Corriger les standards moraux de l'Eglise signifiait : abolir tous les schémas religieux destinés à faire de l'argent (comme le système des indulgences), abolir la persécution de la pensée libre en matière religieuse (les hérétiques), et abolir beaucoup de décrets qui étaient clairement prévus pour contrôler la société et les individus.
 
Malheureusement, au fur et à mesure que les Eglises réformées gagnaient en puissance, les nouveaux leaders oublièrent leurs buts initiaux et, ayant goûté avec délectation au pouvoir, ont suivi le même chemin que ceux qu'ils avaient condamnés initialement. Ils ont rapidement aboli la liberté de pensée religieuse, introduit leur propres méthodes d'inquisition, et persécutés tous ceux qu'ils considéraient comme n'étant pas conformes à leurs propres dogmes et à leurs pensées religieuse et politique.

Mais, à l'intérieur de la Réforme, il existait un autre courant que l'on a appelé la Réforme radicale qui était le produit de beaucoup d'intellectuels, quoique que cette pensée n'ait pas atteint chez tous le même degré de sophistication et d'avancement. Ce mouvement comportait deux variantes : a) le mouvement anabaptiste qui mettait l'accent sur la conduite morale, le combat contre l'injustice sociale et le retour au mode de vie communautaire qui était celui de l'Eglise chrétienne à ses origines ; b) le mouvement anti-trinitaire ou unitarien qui était issu des tendances évangéliques et rationalistes et se donnait comme objectif l'analyse de la doctrine chrétienne dans son entièreté ainsi que la recherche de sa signification originale dans l'Ecriture.

Le terme Réforme radicale a été introduit par George Huntston Williams (2) pour décrire les mouvements qui sont allés au delà des réformateurs de Wittenberg et ont tendu à la restauration de l'Eglise apostolique primitive. Les tenants de ce mouvement radical reprochaient aux principaux réformateurs leur immobilisme en tenant séparée la réforme religieuse et la réforme politique. Ils voulaient étendre la Réforme théologiquement et sociologiquement jusqu'à la transformation de l'Homme et du monde. Dans l'atmosphère de tensions eschatologiques de l'époque, leurs espoirs s'exprimaient souvent dans l'attente imminente du royaume de Dieu.


(2) Williams, George Huntston, Radical Reformation (Philadelphia : Westminster Press, 1962).

 

Ces deux mouvements internes à la Réforme radicale n'étaient pas clairement séparés et ils se sont recouverts de manière significative. Ils ne pensaient pas tous d'une manière uniforme mais avaient au moins une caractéristique commune : une tendance à séparer l'Eglise du pouvoir temporel. Le mouvement anabaptiste ne dérivait pas tant de différences théologiques avec les réformateurs de Wittenberg que de désaccords sur la politique sociale. Quoique initialement, dans ses écrits, Luther ait visé la réforme de la société séculière et de son ordre, il était confronté d'un côté à la foi profonde et aux exigences des anabaptistes qui dérivaient de l'Evangile authentique, et de l'autre avec les paysans révolutionnaires. Il trouva un secours dans l'autorité de l'Ancien testament et appela les dirigeants du temps à mettre en œuvre le pouvoir qui leur avait été donné par la volonté divine. Thomas Münzer (né autour de 1490 à Stolberg-sur-le-Harz, mort exécuté après le massacre de Frankenhausen le 27 mai 1520) et ses partisans, ainsi qu'une grande variété de groupes qui se sont développés plus tard, ont représenté la tendance anabaptiste qui mettaient l'accent sur l'application des doctrines chrétiennes à la vie sociale. Il est décrit comme "théologien et révolutionnaire, un tout" (3).


(3) Goertz, Hans-Jürgen, “Thomas Müntzer. Revolutionary in a Mystical Spirit.” p. 43 ; dans Goertz, Hans-Jürgen, ed., Klaassen, Walter, Profiles of Radical Reformers. Biographical Sketches from Thomas Müntzer to Paracelsus. (Kitchener, Ontario, Scottdale, Pennsylvania : Herald Press, 1982).

Le mouvement anti-trinitaire a résulté d'un conflit théologique plus grand sur l'interprétation et la signification de l'Ecriture. Ce mouvement a trouvé ses formes les plus avancées dans l'Eglise unitarienne qui s'est développée en Transylvanie et en Pologne, appelés unitariens, Eglise mineure, Frères polonais, ariens, et sociniens. Ce dernier nom dérive du nom de Faust Socin (Fausto Sozzini), le théologien italien et universitaire qui a systématisé la doctrine des Frères polonais. Ses écrits ont été compilés en une édition de neuf volumes publiée à Amsterdam en 1656 comme les volumes 1-2 de la Bibliotheca Fratrum Polonorum (Bibliothèque des Frères polonais). Beaucoup de ses autres œuvres ont été publiées à  Raków ou à Cracovie (Kraków).

à suivre ...

Partager cet article
Repost0
26 janvier 2012 4 26 /01 /janvier /2012 17:41

suite de la page précédente


Michel Servet (1511-1553) est considéré, comme le principal défenseur de l'anti-trinitarisme. Mais il est aussi une figure centrale de l'histoire occidentale car il a marqué le grand tournant et la remise en cause, dans les mentalités, des règles ecclésiastiques totalitaires qui s'imposaient sur la société (4). Il n'était ni le seul tenant ni le seul initiateur du mouvement anti-trinitaire. Quatre noms sont avancés à cet égard : Martin Cellarius (Borrhaus), Ludwig Haetzer, Hans Denck et Jacob Kautz (5).


(4) Marian Hillar, The Case of Michael Servetus (1511-1553) – The Turning Point in the Struggle for Freedom of Conscience, (Lewiston, N.Y., Queenston, Ont., Lampeter, UK : The Edwin Mellen Press, 1997).
(5) Harnack, Adolf von, Lehrbuch des Dogmengeschichte, (Tübingen : J.C.B. Mohr, 1890). T. III, pp. 658 ff.
 

Martin Cellarius (Borrhaus, 1499-1564) était originaire de Stuttgart. Il avait étudié les langues classiques : hébreu, chaldéen et syriaque à Wittenberg où il avait embrassé le luthéranisme. Pendant le débat avec les anabaptistes, il a changé de camp et même plus tard a développé des vues anti-trinitaires. Aussi en 1536, il eut à fuir à Bâle où il prit le nom de Borrhaus (ce qui est une traduction grecque de son nom), devint professeur de rhétorique et de philosophie. Il noua des amitiés avec Lelio Socin et Michel Servet (6). 

 

(6) Thomas Rees,  "Introduction historique", dans The Racovian Catechism traduit du latin par Thomas Rees, Londres, 1818, réimpression par "Christian Educational" Services, Indianapolis, IN., 1994. V.

Ludwig Hatzer (né vers 1490) était un ancien prêtre de Zurich, il connaissait les langues bibliques et a travaillé de concert avec Denck à Worms sur la traduction des Prophètes (1527). Selon Sandius (7), c'était un arien et il écrivit un manuscrit contre la déité du Christ qui tomba entre les mains de Zwingli et ne fut jamais publié. Il fut condamné à mort par décapitation par le magistrat de Constance en 1529.


(7) Christopher Sandius, Bibliotheca antitrinitariorum, (Freistadii, 1684), p. 16, cité par Thomas Rees, Introduction historique dans op. cit.,  pp. V-VI.

Hans Denck était né vers 1500 en Haute-Bavière et a étudié à l'Université d'Ingolstadt de 1517 à 1520 où il a étudié le latin, le grec et l'hébreu. Il réagit positivement au mouvement de la Réforme qui fut déclenché par Luther en 1517. En 1522 il arriva à Bâle où il était correcteur d'imprimerie et fut en relation pendant quelques temps avec Oecolampadius, un réformateur distingué qui était le leader du clergé. Nous le retrouvons en 1523 à Nuremberg enseignant à l'école Saint-Sébastien. Denck a lentement développé des idées qui étaient en conflit avec celles du camp luthérien et, après une Inquisition présidée par Andreas Osiander, il fut exilé de la cité. Ses déplacements après son exil de Nuremberg ne sont pas clairs. Il fut probablement invité à Müllhausen (Mulhouse) et après l'échec de la rébellion, il se trouvait dans le canton de Schwyz où il fut emprisonné pour ses vues négatives sur le pédobaptisme. Plus tard il a contacté les anabaptistes de Saint-Gall, mais ils l'expulsèrent pour son universalisme – la doctrine qui enseigne qu'à la fin tous les hommes seront sauvés. En 1525 nous le retrouvons à Augsbourg où il rencontre Balthasar Hubmaier et devient un anabaptiste pratiquant. Ici il baptisa Hans Hut et eut une confrontation avec les ministres luthériens. En 1526 il vivait à Strasbourg d'où il fut expulsé après un débat avec Martin Bucer. Alors il partit pour Worms où il rejoignit Ludwig Haetzer qui traduisait les prophètes de l'Ancien testament ; ils contactèrent les factions radicales de la ville et convertirent Jacob Kautz à leur anabaptisme en 1527. L'influence de Denck était visible dans les thèses qui étaient défendues publiquement par Kautz. Comme d'habitude, les interdictions plurent et Denck déménagea à Augsbourg où il participa au synode de 1527 qui fut très animé par les enseignements apocalyptiques de Hans Hut. Denck demanda à Oecolampadius la permission de s'installer à Bâle, mais avant d'avoir pu déménager, il mourut victime de la peste. Ces trois réformateurs radicaux représentent un lien entre l'unitarisme et l'anabaptisme.

Denck fut le pionnier de l'unitarisme et le champion d'un christianisme non-dogmatique et éthique. Son œuvre principale fut "Sur la Loi de Dieu". Les principaux arguments de sa doctrine étaient que la loi de Dieu peut et doit être accomplie ; si Christ le pouvait alors nous le pouvons ; Christ a accompli la loi en montrant le chemin ; l'homme peut accomplir la loi quand il détient la vérité. Denck, de toutes manières, sous estimait la chute de l'homme et rejetait la vision globale du péché de l'Homme que professait Luther et il portait l'accent sur la puissance de l'homme. La connexion divine intérieure lui rend possible de participer au royaume spirituel. Le Jésus humain est un grand maître mais la différence entre lui et un autre homme n'est qu'une différence de degré. On attend que ses vrais disciples pratiquent ses enseignements. Mais Christ a enseigné que Dieu est amour et que l'amour est l'accomplissement de la loi, ainsi l'amour de Dieu et l'amour du prochain ne font qu'un dans l'économie divine.

Dans l'interprétation des Ecritures, Denck s'opposa à elle comme à une lettre externe à l'influence du Saint-Esprit sur l'Homme. La nouvelle vie pour chaque homme commence indépendamment de la prédication des prophètes et des apôtres. Elle commence avec l'influence directe de l'Esprit. L'Ecriture demeure seulement comme un témoignage de la vérité, un travail externe, une révélation historique de peu d'importance. La révélation intérieure est appelée "la parole intérieure". C'est une expérience acquise sous l'influence spéciale de Dieu." La lumière qui est la Parole invisible de Dieu brille dans le cœur de tous les hommes. Elle n'est pas endormie dans nos cœurs mais active pour faire la volonté du Père" (8).


(8) Cité par Packull, Werner, O., “Hans Denck. Fugitive from Dogmatism.” dans Goertz, H.-J., ed. op. cit., p. 68.

D'un tel principe il s'ensuit qu'il n'y a pas de besoin pour les sacrements, les cérémonies, les rites, les sectes, et les autorités religieuses. Chaque personne est libre de rechercher son propre salut. De plus puisque l'accès à "la parole intérieure" est universelle et individuelle, personne ne détient le monopole de la vérité. Les différences apparaissent, selon lui, quand on fait appel à des parties isolées de l'Ecriture. Il était plus chrétien – pour lui – de laisser les autres dans l'erreur que de les contraindre contre leur conscience. Ainsi il devint un avocat de la tolérance à cause de son dévouement à la vérité religieuse, au droit moral et à la justice sociale. De cette manière il fut un précurseur des sociniens. Pour lui le baptême des enfants n'était pas ordonné par le Christ mais est d'origine purement humaine. Ainsi la communauté chrétienne avait la liberté de l'accepter ou de le refuser. Le repas du Seigneur était interprétée comme une union spirituelle avec Christ. Quand à la prestation de serment qui posait tant de problèmes aux anabaptistes, il prit la position que l'Ecriture était neutre sur ce point. Denck critiqua durement les ecclésiastiques hypocrites qui réduisaient la foi à des signes extérieurs : une croyance en des déductions systématiques à propos de la nature de Dieu et de l'Homme, et une observance mécanique de rites superstitieux.

La Diète de Spire (1529) et la Diète d'Augsbourg (1530) condamnèrent l'anabaptisme et ses partisans et prescrirent pour eux la peine de mort. L'anti-trinitarisme n'était pas très accentué dans la doctrine de ces anabaptistes primitifs – ils ne semblaient pas attacher tellement d'importance à la "superstition de la divinité du Christ" (9). Adolphe von Harnack, un théologien du dix neuvième siècle a évalué le développement de l'anabaptisme à partir des idées critiques du quatorzième et quinzième siècle en les confrontant à des éléments de la Renaissance. Ce processus établit un pont entre la théologie du Moyen-Age avec la théologie moderne en sautant la Réforme. "Dans l'anabaptisme et le socinianisme le Moyen-Age et la théologie joignent leurs mains au dessus de la Réforme". L'anabaptisme et l'anti-trinitarisme ont été des expressions de la Réforme radicale, l'anabaptisme était concerné par la réforme politique radicale et l'antitrinitarisme par la réforme doctrinale.


(9) Harnack, A., op. cit., p. 663.

 

La Réforme radicale a renversé le principe formel de la Réforme, c'est-à-dire l'autorité inspirée par la Bible. Les réformateurs radicaux croyaient que l'usage légaliste de la Bible telle qu'elle était pratiquées dans les Eglises catholiques et protestantes restreignaient la religion à l'autorité extérieure de l'Eglise. Les réformateurs radicaux ont substitué à la Bible, l'esprit, "la Parole intérieure", la conscience religieuse. Ils affirmaient l'action de Dieu directement sur l'homme au-delà des faits de la Révélation. Ils insistaient aussi sur le rejet de la divinité substantielle de Christ en retournant à sa divinité moral. Pour eux Christ était un homme comme les autres, la seule différence était entre les pécheurs et un non-pécheur (10).


(10) Doumergue, É., Jean Calvin. Les hommes et les choses de son  temps. (Lausanne, Paris : 1899-1927) ; Réimpression Slatkine : Genève, 1969). vol. VI, p. 450.

La critique des doctrines traditionnelles, initiée par le théologien Michel Servet pour laquelle il fut condamné par l'Inquisition catholique et par Calvin, a été reprise par les humanistes italiens qui, dans le Nord de l'Italie, ont procédé indépendamment de Luther, Calvin, et des autres réformateurs pour élaborer leur propre théologie libérale (11). Pendant la Réforme en Italie la corruption "religieuse" et morale du clergé et des hauts dignitaires de l'Eglise avait atteint un point tel que quelques uns l'ont dénoncée et l'ont combattue. Par exemple, Pierre Bembo (1470-1547), un futur cardinal, prêchait la persuasion, pas la foi, ne croyait pas en l'immortalité de l'âme, et à la place de la grâce de Dieu avançait "Le bénéfice des Dieux immortels". Lorenzo Valla (1407-1457), un humaniste italien, a prouvé la fausseté de la Donation de Constantin. Erasme a caractérisé cette tendance à du paganisme émergent : "Caput erigere conatur paganismus" (Le paganisme tente de relever la tête).


(11) Frederic C. Church, The Italian Reformers 1534-1564.  (New York : Columbia University Press, 1932).

Les nouvelles idées arrivaient aussi de l'étranger, spécialement d'Allemagne, par des évangélistes, des marchands et des soldats, spécialement après le pillage de Rome en 1527. Il y eu objectivement des tentatives pour corriger la situation, mais les gens pieux qui s'y aventurèrent ont différé par leurs méthodes d'approche. Quelques uns sont arrivés à la justification par la foi comme Contarini, un futur cardinal qui a organisé à Bologne un centre d'études et d'innovation avec le professeur Giovanni Mollio lequel enseignait la doctrine de Paul de Samosate et mourut en martyr. A Milan, nous trouvons Celio Secondo Curione. A Naples, il y avait Juan Valdés – un Espagnol (1500-1544) de qui un catholique écrivait "A lui tout seul il fit périr plus d'âmes que des milliers de soldats hérétiques avant lui" et un protestant, Jules Bonnet, l'a décrit comme "Une de ces âmes d'élite que ne pouvaient passer sur terre sans causer un trouble qui deviendrait bientôt un apostolat". Valdés était capable de réunir autour de lui beaucoup de gens importants de l'époque qui développaient des idées religieuses non-orthodoxes comme les dames nobles Vittoria Colonna et Giulia di Gonzaga, aussi bien que Bernardino Ochino (12) et Pierre Martyr Vermigli (13).


(12) Bernardino Ochino (1487-1565) originaire de Sienne, était vicaire général de l'ordre des Capucins de 1539 à 1541. Pour éviter une enquête à son sujet par l'Inquisition, il a fui d'Italie en Suisse et a rompu avec l'Eglise catholique. Il était célèbre pour l'inspiration de ses sermons. Il déménagea en Europe de ville en ville (Zurich, Genève, Bâle, Augsbourg, Londres). Il dut fuir l'Angleterre quand Marie Tudor est montée sur le trône, et il a trouvé refuge en Pologne. Mais il ne put pas rester là très longtemps à cause de l'édit de Parczów en 1564 qui expulsait les réformateurs religieux étrangers. Il s'installa en Moravie où il mourut peu de temps après.
(13) Pierre Martyr Vermigli (1500-1562) fut accusé d'hérésie dans son Italie natale et fut forcé à fuir. Il enseigna l'Ancien Testament à Strasbourg, Oxford et Zurich.

à suivre ...

Partager cet article
Repost0
26 janvier 2012 4 26 /01 /janvier /2012 14:25

suite de la page précédente 

 

Faust Socin était, tant du côté paternel que maternel, issu de familles distinguées de Sienne, une ville et une république en Toscane (14). Du côté de son père il était issu d'une importante famille d'avocats de Sienne. Son trisaïeul, Mariano Socin, son grand-père, Mariano, et son père Alexandre, étaient des avocats renommés. Son grand père Mariano était lié par mariage à la puissante famille des Salvetti de Florence (15). Paolo Salvetti aida un magnat de Sienne, Pandolfo Petrucci (1452-1512), qui avait été contraint à émigrer hors de la cité en 1487, à retourner en ville et par les moyens de la force armée de reprendre le pouvoir dans la cité. Il gouverna cette cité d'abord avec son frère Giacoppo, et après la mort de son frère en 1497, seul. Pandolfo Petrucci, reconnaissant à Paolo Salvetti pour son aide, lui offrit la citoyenneté à Sienne et le convainquit de s'installer là. Paolo Salvetti avait une fille qui épousa Mariano Socin junior (1482-1552) professeur de droit (à Sienne, Pise, Padoue, Bologne), fut appelé Princeps Iurisconsultorum, et ils eurent sept fils. Le plus vieux était Alexandre Socin, junior, (1509-1541), professeur de droit civil à Padoue et Macerate, le futur père de Faust Socin. Le fameux oncle de Faust, Lelio Socin  (1525-1562) était leur sixième fils. Après la mort de Pandolfo Petrucci en 1512, le pouvoir à Sienne tomba entre les mains de son fils Borghese Petrucci qui, de toutes façons, n'était pas capable de le garder et dût quitter Sienne en 1516. 

 

(14) Ces données biographiques viennent d'une monographie de Samuel Przypkowski, « Fausto Socini vita descripta ab Equite Polono » écrite en 1631, première publication en 1634 (pas d'endroit indiqué). Il y eut des éditions ultérieures en 1636, 1663, et en1664. Traduite aussi en allemand (1637), anglais (probablement par John Biddle, 1653), et flamand (1664). Elle est incluse dans la collection Bibliotheca Fratrum Polonorum (BFP), éditée par Andreas Wiszowaty (Irenopoli =Amsterdam, 1656-1668), vol. 1, Fausti Socini Senensis Opera Omnia, Vita Authoris (Fausti Socini) conscripta ab Equite Polono. La traduction polonaise est incluse dans la publication, Faust Socyn, Listy (Letters), ed., Ludwik Chmaj, traducteurs Tadeusz Bieńkowski, Irmina Lichońska, Zdana Matuszewiczowa, Walerian Preisner, (Warsaw: Państwowe Wydawnicto Naukowe, 1959), vol. 1, pp. 11-30. 

 

(15) Généalogie de la famille Socin

1 - Mariano Socinus, senior (1397-1467)  >
2 - Alexander Socinus, senior > + Bartholomew Socinus # Paolo Salvetti, famille puissante de Florence
3 - Mariano Socinus, junior (1482-1556) & Camilla Salvetti (fe de Paolo Salvetti)  = parents de :
4 - sept fils dont Alexander Socinus junior (1509-1541) + Lelio (1525-1562)

1 - Pandolfo Petrucci (1452-1512), magnat de Sienne qui fut aidé par Paolo Salvetti
2 - Borghese Petrucci (quitte Sienne en 1516) & Victoria Piccolomini = parents d’Agnès Petrucci
3 - Alexander Socinus,junior (voir précédemment) & Agnes Petrucci  = parents de :
4 - trois enfants dont Faust Socinus (1539-1604) & Elizabeth Morsztyn (mariée en 1586 - décédée en 1587) = parents de :
5 - Agnès (1587-1654) & Stanislaus Wiszowaty (décédé en 1643, assassiné par des bandits) = parents de :
6 – Andreas et Theodor
7 - fe d’Andreas : Benedict & Przypkowski, Andreas & Schlichtyng # fs de Theodor : Stanislaus, Bogusław

La mère de Faust était Agnès Petrucci, une fille de Borghese Petrucci, qui avait gouverné la république de Sienne ; et Victoria Piccolomini qui était issue de la très noble famille des Piccolomini, était la petite fille du pape Pie III (Francesco Tedeschi Piccolomini 1440-1503, pape pendant 26 jours seulement en 1503). Agnès Petrucci épousa Alexandre Socin Jr, et ils eurent trois enfants, Faust Socin étant le second.

à suivre ...

Partager cet article
Repost0
26 janvier 2012 4 26 /01 /janvier /2012 13:08

suite aux pages précédentes


Les réfugiés religieux italiens qui fuyaient l'Inquisition catholique formaient des centres dans les villes ou ils avaient fui, principalement dans les Grisons et à Bâle avant la mort de Servet, et après à Genève et Zurich. Parmi les réfugiés italiens les plus importants on peut nommer Lelio Sozini [ndlr - prononcer Lélio], mieux connu dans l'histoire sous la forme latine de son nom Lelio Socin. (Il écrivait son nom en italien avec un "z" à la différence de son plus fameux neveux, Fausto Sozzini (Socin). Lelio est le fondateur du mouvement intellectuel anti-trinitaire qui trouve son origine dans l'enquête rationnelle et dans le doute. Il était né à Sienne le 25 mars 1525.

Lelio Socin était une homme pieux qui avait fait de la foi l'objet de ses recherches. Il avait étudié le droit à Padoue car on s'attendait à ce qu'il suive la tradition familiale. Il croyait que la jurisprudence avait besoin d'une base divine qu'il trouvait dans la parole révélée et écrite de Dieu. En conséquence, il commença à étudier la Bible avec une telle ardeur qu'il apprit le grec, l'hébreu et même l'arabe. Il découvrit rapidement que les dogmes les plus communément admis de l'Eglise étaient complètement opposés au texte biblique et que l'enseignement de l'Eglise était incompatible avec la raison. De ses études il en vint à douter du catholicisme et à considérer la divinité dans une perspective critique et juridique. A l'âge de 21 ans, il abandonna ses études, quitta Sienne et alla à Venise où l'anti-trinitarisme était déjà implanté. La tradition lie son nom avec la légendaire rencontre des réformateurs qui devait se tenir à Vicenza en 1546. Il quitta l'Italie en 1547 pour les Grisons, probablement par peur de l'Inquisition.

Les gens qui le connaissaient avaient une très haute opinion de lui – Melanchton était impressionné par ses talents et Bullinger (16) disait qu'il aurait été capable de conseiller un prince dans la conduite d'affaires difficiles (17). Mais devenu riche il consacrait tout son temps à l'étude de la théologie – Suisse, France, Angleterre, les Pays-Bas. En 1548, il arriva à Genève où il rencontra Calvin. Il séjourna un temps à Zurich, où il habita avec Pelikan, voyagea jusqu'à Bâle où il habita avec Sébastien Münster (18), professeur d'hébreu, et il entretient des contact avec Myconius, Grynaeus, Castellion (19), et Curione. En 1548, nous le trouvons en Angleterre où il rencontre Vermigli, alors professeur à Oxford, et Ochino, qui était arrivé là avec Vermigli en 1547. Finalement, en 1549, il fait de Zurich sa résidence secondaire où il était bien reçu. A Zurich il habite avec Pelikan, professeur d'hébreu, et s'entretient avec Bullinger qui était pour lui comme un père. Lelio se faisait beaucoup d'amis à cause de ses manières courtoises, sa profonde culture, son caractère franc et attirant, sa morale irréprochable et sa profonde piété.

(16) Heinrich Bullinger (1504-1575) un théologien suisse et la tête de l'Eglise de Zurich à partir de 1531. Il était l'auteur de la seconde Confession helvétique publiée en 1562.
(17) Melanchthoni, Philippi, Opera, (ed. Bretschneider) p. 382
(18) Sébastien Műnster (1489-1552), un moine franciscain et réformateur, professeur de théologie à Heidelberg (1524-1527) et d'hébreux à Bâle (de 1536). Il traduisit le Nouveau Testament en hébreu.
(19) Sébastien Castellion (1515-1563), un universitaire classique français et théologien. Il fut invité par Calvin en 1540 à diriger le Collège de Genève. Il ne s'accorda pas avec Calvin au sujet de la prédestination et dut quitter Genève pour Bâle en 1547. C'était un fervent supporter de la tolérance religieuse et, après la mort de Servet, il écrivit plusieurs traités à ce sujet pour propager la tolérance religieuse et la liberté de conscience..

Il était, néanmoins, profondément sceptique en matière de religion et examinait toujours les raisons fondamentales d'une doctrine avant de pouvoir l'accepter. Il exprimait rarement ses propres convictions mais continuait à chercher. La méthode d'investigation fut développée par Lelio sous forme de lettres adressées aux principaux réformateurs pour leur demander leur avis plutôt que par l'écriture de traités (20). Il les a d'abord adressées à Calvin à qui il vouait de l'admiration. Dans sa première lettre du 14 mai 1549, il l'interrogea sur la validité du mariage d'un protestant avec une catholique et sur la question d'un protestant assistant aux services religieux catholiques (21). Calvin répondit le 26 juin 1549 en indiquant qu'un chrétien ne pouvait épouser qu'une femme "qui serait sa compagne dans toutes les tâches de la vie de piété." La plus petite infraction à cette règle rendait le mariage vicié. Ainsi un chrétien commettait une profanation en épousant une femme catholique. Quand au baptême accompli par les catholiques, Calvin ne le considérait pas comme moins efficace. "Quoique", écrivait Calvin, "nous refusons aux papistes le nom d'Eglise, bien que parmi eux il y ait quelques restes de l'Eglise" (22).

(20) Faust Socinus a expliqué la méthode de son oncle dans un de ses écrits BFP, op. cit., vol. 1, p. 782.
(21) Calvini,J.,Ioannis, Calvini opera quae supersunt omnia (M. Bruhn, 1870 ; réimpression par Minerva, G.m.b.H, Frankfurt a. M., 1964). vol. XIII, p. 273.
(22) Ibidem, p. 308.

Dans une autre question que Lelio posa, il apporta tous les arguments contre la résurrection des corps qui pouvaient être réunis par la raison. Calvin fit très attention de ne pas entrer en une longue discussion à ce sujet, plutôt, il conclut : "Comme pour moi, j'accepte ce témoignage d'une telle manière que je n'autorise pas une pensée qui puisse remettre en cause ma foi." (23). Lelio, néanmoins, n'était pas satisfait de cette réponse et il déclara "ne croire en rien qui s'oppose à la raison". Il clama qu'il était difficile de ne pas donner foi à la parole de Dieu, mais en même temps "il n'en est pas moins difficile d'être persuadé par un futur impossible". Il insista pour que Calvin lui fournisse une claire démonstration de la justice divine, de la résurrection et de la transformation du corps périssable. Calvin insista sur une foi aveugle dans les Ecritures (selon son interprétation), mettant l'accent sur la volonté de croire. Calvin clama qu'il avait ses raisons pour croire, mais qu'il connaissait les limites de l'intelligence humaine et où l'investigation devait s'arrêter. Lelio, au contraire, était d'un caractère sceptique, recherchant les justifications rationnelles des affirmations de la religion.

(23) Ibidem, p. 311.

N'ayant pas reçu de réponses satisfaisantes de Calvin, Lelio alla vivre à Wittenberg, où il passa l'hiver de 1550-1551, étudiant à l'université. Là il lia connaissance avec beaucoup d'étudiants polonais, spécialement avec un certain J. Mączynski, et s'intéressa à la Pologne. Il visita brièvement Cracovie, à cette époque la capitale du pays, via Prague et Breslau. Cracovie était le centre de la culture italienne qui avait été importée là par la reine [ndlr - d’origine milanaise] Bona Sforza, épouse du roi de Pologne. Lelio y retrouva beaucoup d'amis italiens, parmi eux Francesco Lismanini (24) un franciscain italien qui était le confesseur de la reine et à qui il conseilla de quitter l'Eglise catholique. Lismanini devait devenir plus tard une figure éminente de l'Eglise calviniste polonaise. Après son retour en Suisse il prit le parti de Bolsec dans l'affaire Bolsec, et il accusa Calvin d'obscurcir la doctrine du salut par des disputes tordues (25). Bolsec se fâcha avec Calvin et fut emprisonné pour avoir rejeté la doctrine calviniste de la prédestination. Lelio s'insurgea contre le traitement infligé à Bolsec. Calvin, ses sentiments étant blessés, s'en expliqua dans une première lettre à Lelio du 1er janvier 1552, qu'il suivrait toujours sa règle de conduite : s'en tenir à la simple doctrine de la parole de Dieu et demanda à Lelio de ne plus l'importuner. Calvin regretta que Lelio se soit autorisé à se corrompre par des "pernicieuses fictions" et l'avertit de soigner sa curiosité qui le poussait à l'investigation en matière religieuse avant que l'indulgence de Calvin ne soit épuisée et "avant qu'il n'amène sur lui même un grand trouble." (26). La menace n'était pas vaine comme les évènements du procès de Servet l'année suivante devaient le démontrer clairement.

(24) Francesco Lismanini (1504-1556) a étudié en Italie en devint un prêtre franciscain. Il vint en Pologne comme confesseur de la reine, Bona Sforza. Il fut influencé par Lelio Socin et Bernardino Ochino et s'intéressa à la Réforme. En 1553 il voyagea en Europe et sous l'influence de Calvin il quitta l'Eglise catholique. Il revint en Pologne et devint assistant superintendant de l'Eglise calviniste en 1555. Après la mort du superintendant de l'Eglise, Cruciger, Lismanini perdit son influence sur les calvinistes polonais qui se tournèrent alors vers l'anti-trinitarisme. Il quitta la Pologne pour la cour du prince, Albrecht à Koenigsberg, où il mourut..
(25) Calvini, J., Opera, op. cit., vol. XIV, p. 229-230.
(26) Ibidem, p. 231.

Maintenant Lelio retourne son questionnement vers Bullinger pour lui demander pourquoi Jésus a interdit à ses apôtres de dire qu'il était le Christ ? Bullinger était aussi embarrassé que Calvin et lui donna un conseil similaire. Il trouva Lelio "très curieux" et très capable sur de détails pointilleux. Mais Lelio ne reçut que des réponses évasives comme "Sans le doute la théologie est théorique mais elle n'en est pas moins au delà de toute pratique " (27).

(27) Cité par Doumergue, É., in op. cit., vol. VI, p. 463.

A nouveau Lelio se retourna vers un autre ministre, Gualtero, un collègue de Bullinger, pour lui demander de définir metanoia (repentance). Pourquoi avons nous à nous repentir ? A nouveau, après une longue explication, Gualtero lui conseilla de respecter la simplicité des Ecriture plutôt que les inextricables énigmes de la philosophie humaine (28) Durant ses voyages Lelio rencontra Vergerio à Zurich, et Matteo Gribaldi à Bologne. Le jour du martyre de Servet il était à Padoue. Naturellement il blâma Calvin pour ce "fait accompli", mais il maintint ses relations avec les gens de Genève et autorisa que ses vues sur la Trinité soient exprimées. Les Genevois furent alors convaincu qu'il collaborait avec Castellion contre Calvin.

(28) Doumergue, É., op. cit., vol. VI, p. 464.

Lelio commença son enquête et l'interrogation des autres comme méthode d'apprentissage, mais bientôt il commença à répandre ses propres idées, en évitant d'offenser directement ses adversaires et en prétendant toujours être un disciple et non un maître. Cette technique ne pouvait lui réussir indéfiniment.

Après sa dernière visite à Genève, Calvin confia son jugement sur lui à Bullinger : "C'est un homme d'une insatiable curiosité", mais il était effrayant de voir à quel point il pouvait être irritant (29) Bullinger répondit qu'il essaierait de calmer Lelio du moins autant qu'il le pourrait (30) mais Calvin ne fut pas rassuré : "Jusqu'à quel point Lélio est il calme là bas [Bâle], je ne sais pas, mais à la fin il fera, comme il a fait ici [à Genève], vomissant le venin dont il s'est nourri. J'ai toujours senti que son esprit était étrange…." (31).

(29) Calvini, J., Opera, op. cit., vol. XV, p. 208.
(30) Ibidem, p. 230.
(31) Ibidem, p. 230.

Les accusations maintenant pleuvaient contre Lelio de tous les côtés, Gratarolus, un médecin de Bâle, montra qu'il était d'accord avec les défenseurs de Servet (32) ; Vergerio parla de conspiration des Italiens et Bullinger essayait de lui parler en père. Lelio protesta contre ces accusations et tendit à Bullinger sa confession de foi qui était basée sur le Symbole des Apôtres.


(32) Ibidem, p. 354.

Ce document était un document astucieusement écrit dans lequel Lelio évitait une affirmation directe de sa foi. Il dit seulement qu'il honore les trois grandes confessions de foi (catholique, luthérienne et calviniste) autant qu'il le devrait, et reconnaît que la doctrine de la Trinité a existé pendant des siècles. Il déclare qu'il a revu toutes les doctrines au sujet desquelles il a été accusé et déclare qu'il ne souhaite pas en professer de nouvelles, au contraire, il veut être fermement attaché aux doctrines enseignées de manières unanimes par tous les théologiens. Il veut rester proche de la plus simple vérité de Dieu, abandonné les disputes, les débats sur les opinions, les questions épineuses et les labyrinthes inextricables. Bullinger, en revoyant cette confession, proposa quelques corrections et déclara qu'il était satisfait. Mais cette affaire n'eut pas d'effet sur Lelio ; il devint maintenant plus réservé et ne questionna plus les théologiens de renommée. Il se contenta d'écrire ses doutes et de communiquer ses pensées à ses compatriotes italiens. De plus, de mauvaises nouvelles arrivaient d'Italie : Sienne avait perdu son indépendance en 1551 ; sa mère était morte en 1554 ; son père en 1555. Sa propriété était confisquée par l'Inquisition, et le reste de ses parents étaient condamnés à fuir où à être emprisonnés. Il déménagea à Zurich et y fit retraite, ses modestes ressources ne l'autorisaient plus à voyager, mais il resta en bons terme avec Calvin (33).

(33) Calvini, J., Opera, op. cit., vol. XVII, p. 604, 652.

En 1557 il entreprit à nouveau un voyage en Pologne et emportant des lettres de recommandations en autres de Calvin, au Prince Radziwi (34) et à Jan Łaski, ce dernier était un des principaux réformateurs de Pologne. Il fut reçu en Pologne avec les honneurs et rencontra indubitablement Biandrata (35) et Alciati qui encouragèrent les débuts du mouvement anti-trinitaire en Pologne. A son retour de Zurich à travers l'Italie il décrivit la Réforme en Pologne dans sa lettre à Calvin (36). Son neveu, Faust Socin, qui avait émigré d'Italie à Lyon en 1551, revint le visiter plusieurs fois à Zurich. Lelio mourut le 14 mai 1562 à l'âge de 37 ans. Son neveu vint à Zurich et, à ce moment, fut informé de la mort de son oncle et qu'il héritait de ses manuscrits. Il en fut inspiré et ceux-ci lui ont donné une direction pour ses propres études qui sont maintenant bien documentées (37). A la fin Faust Socin posa les bases des doctrines qui devaient se développer à la maturité de l'Eglise socinienne de Pologne. Lelio n'a publié que très peu ; seuls deux traités ont été préservés : Tractatus aliquot theologici qui contient les dissertations De Sacramentis et De resurrectione corporum, publiées à Amsterdam en 1654 (38). Le chercheur italien Cantimori a publié, à partir d’un manuscrit préservé à la bibliothèque de l'université de Bâle, des fragments d'un autre traité "Thèses sur le Fils et la Divine Trinité" (Theses de Filio Dei et Trinitate) (39). Il a aussi établi qu'il est l'auteur du traité "Commentaire de Jean 1" (Brevis explicatio, in primum Joannis caput) qui a été publié dans une collection d'auteurs unitariens polonais et transylvaniens et éditée par Biandrata et David en 1568 comme le Livre II Chapitre 11 de "La Fausse et Vraie Connaissance du Dieu Un le Père, le Fils et le Saint Esprit" (De falsa et vera Unius Dei Patris, Filii et Spiritus Sancti cognitione libri duo) a pour auteur Lelio Socin. On suggère aussi que les "rhapsodies" mentionnées par la tradition sociniennes de Pologne comme écrites par Lelio seraient les notes de travail de Lelio sur divers sujets, quelques unes ont probablement été éditées par Biandrata et publiées comme le Chapitre 15, Livre II de la publication connue sous le nom de "Mots Ambigus de la Sainte Ecriture" (Voces ambiguae, quae passim in Scripturis reperiuntur) (40).

(34) Giorgio Biandrata (1515-1588). Médecin italien de Saluzzo et activiste anti-trinitaire. Il a étudié la médecine à Montpellier. En 1552 il est retourné en Italie pour organiser les congrégations protestantes et fut forcé de fuir d'Italie à Genève en 1557. Il y entreprit des débats avec Calvin qui cassa toutes les relations avec Biandrata. Effrayé du sort de Servet, Biandrata quitte Genève en 1558 pour la Pologne où il devient le médecin de la reine Bona Sforza. Il rejoint l'Eglise calviniste mais il était un des plus actifs promoteurs de l'agitation anti-trinitaire. Après la séparation entre les trinitaires calvinistes et les anti-trinitaires, Biandrata quitta la Pologne en 1562 pour la Transylvanie, il devient le médecin de la reine Isabella, veuve du prince Jean Zápolya. Il apprécia le soutien du roi de Hongrie, Jean II (qui est aussi le prince de Transylvanie nommé Jean Sigismond). Biandrata était actif dans les matières religieuses et promut Francis Dávid au grade de superintendant et prédicateur de la cour. Les deux ont développé un mouvement anti-trinitaire significatif qui demeurait en contact étroit avec le mouvement en Pologne. Ils ont édité et partiellement écrit les premières publications significatives anti-trinitaires. De falsa et vera Unius Dei Patris, Filii, et Spiritus Sancti cognitione, libri duo (Albae Juliae = Gyulafehérvár, 1568). Quand le catholique Stefan Báthory devient roi et que Biandrata perdit son influence sur la cour, il s'opposa à la propagande de Dávid contre l'adoration du Christ et invita Socinus en 1578 à débattre de cette question avec Dávid. Biandrata manœuvra pour unir les ministres contre Dávid et ils l'accusèrent de blasphème devant la Diète. Comme résultat, Dávid fut condamné par la diète princière d'Alba Julia (Weissenburg) à l'emprisonnement à vie où il mourut en 1579. L'affaire Dávid causa une protestations contre Biandrata et Socinus . Biandrata, en disgrâce, rejoignit la cour de Stefan Báthory en Pologne en 1580 où il mourut.
(35) Calvini, J., Opera, op. cit., vol. XVII, pp. 609, 650.
(36) Calvini, J., Opera, op. cit., vol. II, p. 118 ; vol. I, pp. 362, 423, 433, 476, 508, 782 ; vol. II, pp. 505, 625, 640.
(37) Reproduit par Trechsel, Die protestantischen Antitrinitarier vor F. Socin. (Heidelberg, 1839).  pp. 438-446.
(38) Delio Cantimori et Elizabeth Feist, eds., Per la storia degli eretici italiani del secolo XVI in Europa (Roma : Reale Accademia d’Italia, 1937). pp. 57-61.
(39) De falsa et vera Unius Dei Patris, Filii,  et Spiritus Sancti cognitione, libri duo. (Albae Juliae, 1568). Réimpression ćditće par Robert Dán, introduction par Antal Pirnát (Utrecht : Bibliotheca Unitariorum, 1988). pp. 297-324; 355-386.
(40) Doumergue, É., op. cit., vol. VI, p. 454. Trechsel, F., Die protestantischen Antitrinitarier. T. II. op. cit. M. Hillar, "From the Polish Socinians to the American Constitution." dans A Journal From the Radical Reformation.  A Testimony to Biblical Unitarianism. vol. 3, n° 2, pp. 22-57, 1994.

L'influence de Lelio fut plus grande après sa mort que de son vivant. Il inventa un nouveau regard sur la théologie qui exigeait des réponses rationnelles aux questions théologiques. Une telle position ne laissait pas de place au dogme ; l'Ecriture seule était vue comme un témoignage et non comme un reliquaire de dogmes inventés. Le rôle de la volonté humaine et de l'intellect était élevé au plus haut niveau, l'homme devenait capable de commander ses propres décisions morales sur une base rationnelle. L'esprit humain trouvait sa propre place et son autorité. L'Eglise perdait son surnaturalisme et devenait une société de croyants. Les sacrements étaient dépouillés de leurs pouvoirs magiques et devenaient des cérémonies. Quelques personnes ont comparé les concepts de Lelio à la doctrine de Servet mais sans la métaphysique. Une fois que la philosophie métaphysique de Servet, qui lui servait d'instrument pour la négation radicale des dogmes chrétiens a été supprimée, cela a développé avec Lelio et Faust une nouvelle religion (41). Lelio était le leader et un des fondateurs de l'anti-trinitarisme. Il a semé la graine d'une nouvelle approche de la religion du dogme religieux ; qui devait fleurir dans le socinianisme de son neveu de son école.

(41) Samuel Przypkowski, dans Chmaj, ed., op. cit., vol.1, pp. 11-30. Zbigniew Ogonowski, “Faust Socinus (1539-1604)” dans Jill Raitt, ed., préface de Robert M. Kingdon, Shapers of Religious Traditions in Germany, Switzerland, and Poland 1560-1600, traduit par Zofia Grzybowska, (New Haven et Londres : Yale University Press, 1989), pp. 195-210. Zbigniew Ogonowski, Faustus Socyn (1539-16604). “Życie, umysłowość, myśl religijna.” dans Wolna Myśl Religijna, n° 3-4 (25-26) 1999, pp. 3-14. Delio Cantimori, op. cit., pp. 340 & ff.

à suivre ...

Partager cet article
Repost0
26 janvier 2012 4 26 /01 /janvier /2012 11:12

suite des pages précédentes


Faust Socin (42) est considéré aujourd'hui comme le principal leader de l'Eglise socinienne. Il était né à Sienne (Toscane), en Italie le 5 décembre 1539. Il a perdu très tôt ses parents et on ne sait rien de ses jeunes années. Il semble avoir acquis une éducation dans une école de Sienne, l’Accademia degli Intronati. Il a cultivé pendant toute sa vie l'amour de la littérature et a écrit de la poésie (43). Nous savons qu'il exprimait la plus profonde antipathie envers l'étude du Droit et des matières pratiques. Son oncle visita Sienne en 1552-1553 et éduqua son neveu dans les matières religieuses. En 1561 Faust quitta l'Italie pour Lyon, probablement pour acquérir quelque expérience comme marchand ; il y passa deux ans et eut des accointances avec le mouvement radical religieux qu'il rencontra là et spécialement avec la pensée de son oncle, Lelio Socin. Il écrivit plus tard, dans une lettre à un ami médecin, qu'il n'avait pas eu de professeur humain dans sa vie à part les écrits et les notes de son oncle (44). Après la mort de son oncle en 1562, Faust quitta Lyon pour Zurich où il hérita des manuscrits et notes de son oncle. Il rencontra là probablement un autre Siennois, Bernardino Ochino, et écrivit son traité Explicatio primae partis primi capiti Evangelii Joannis (Commentaire sur la Première Partie du Premier Chapitre de l'Evangile de Jean). Ce traité dérivait d'un travail analogue écrit par son oncle. En 1563 Socin revint en Italie. Sur le chemin de retour il traversa les Grisons, un centre actif de la Réforme, et probablement il a rencontré là un ami de ses années d'écoles, Castelvetro, et ils partagèrent leurs espoirs de changement dans l'Eglise telle qu'une réforme morale, l'accent mis sur la spontanéité dans les congrégations, la liberté individuelle de discussion des matières religieuses, et la profession de foi individuelle. Ces espoirs étaient associés à l'ouverture imminente de la troisième partie du Concile de Trente. Il alla d'abord à Sienne, puis à Florence où il rejoignit la cour du Grand Duc Cosmo I de Toscane, comme secrétaire d'un des dignitaires de la cour parent du Duc, Paolo Orsini. Il conserva cette position pendant douze ans et pendant ce temps il composa des poèmes et des sonnets sur des sujets aussi divers que la politique, l'amour et la morale. En même temps, il maintint des contacts rapprochés avec des Italiens hétérodoxes émigrant en Suisse, Pologne et Transylvanie. Il envisageait l'idée de se retirer de la cour et dévouer sa vie à des sujets d'intérêts pour lui. Sa décision fut hâtée par la mort du Grand Duc Cosmo I en 1574, quand Socin quitte l'Italie à nouveau pour ne jamais y revenir. Comme il l'a expliqué dans son introduction à son oeuvre De Jesu Christo Servatore (De Jésus Christ le Sauveur), il a quitté l'Italie pour pouvoir se dévouer à l'étude de l'Ecriture dans un endroit sûr.


(42) Faustus Socinus, Listy, op. cit., Ep. III*, p. 37-40.
(43) "A letter to Marcelli Squarcialupi" dans Listy, op. cit., Ep. XII, p. 143.
(44) Francesco Pucci, un humaniste italien et réformateur, était né vers 1540, fils d'une noble famille de Florence ; à l'âge de 27 ans il se trouve à Lyon pour faire du commerce et il est pris dans le tourbillon des discussions idéologiques ce qui le pousse " à l'étude des choses célestes et éternelles". Il se rend de Lyon à Paris puis à Oxford pour étudier la théologie. En 1578 il distribue un manifeste dans lequel il invite chacun à débattre avec lui de l'innocence naturelle de l'homme. Sa thèse était que tous les hommes sont nés innocents parce que Christ a racheté tous les peuples par un acte cosmique, et l'éternelle condamnation s'applique seulement aux adultes, qui, quand ils atteignent l'âge de raison désobéissent à la loi morale. Ainsi le baptême, quoiqu'il ne le rejette pas, devient sans utilité pour le Salut. Le Salut, comme un retour à l'immortalité, est accessible à tous les hommes au travers de la foi naturelle en Dieu (religion) et à l'obéissance à ses règles morales. Pucci s'est opposé au concept protestant et calviniste de justice divine en affirmant que Dieu avait créé l'homme bon, et lui, seulement à cause de ses actes mauvais, incite la colère de Dieu et sa punition. De plus, l'homme est régénéré ou né de nouveau en esprit non dans quelque sens mystique mais dans un sens intellectuel et moral. L'essence de la vie religieuse et l'observance de la loi naturelle en accord avec la raison.. Donc dans ce but une bonne éducation est primordiale. Il a même écrit une lettre à De Bèze à Genève pour présenter ses thèses mais n'a pas reçu de réponse. Socinus correspondait avec Pucci et ils ont échangé des traités. Pucci poursuivit la discussion et alla même à Cracovie en 1582 pour rendre visite à Socinus. Pucci croyait aussi à la doctrine millénariste et s'attendait à un prochain retour de Christ, son règne et la convocation d'un conseil universel pour l'unification de tous les peuples. Pour la Trinité ses vues étaient proches de celle de Servet – Que le Dieu invisible s'est manifesté lui-même aux hommes au travers du logos ou de la divine sagesse qui a inspiré tous les hommes, mais aussi les prophètes et à la fin en la personne de Jésus Christ. Pucci, fatigué de ces discussions et frustré par l'incapacité de convaincre les réformateurs, retourna vers 1585 vers l'Eglise catholique. Il mourut en 1593 à Salzburg sur sa route pour aller à Rome. Lettres choisies et écrits de Pucci dans Cantimori et Feist, op. cit., pp. 113-170.
 

Il alla d'abord à Bâle, qui était à cette époque un lieu de rencontre pour de nombreux réformateurs religieux. Le clergé de la cité était plus tolérant sous l'autorité de Basilius Amerbach et Théodore Zwinger. Il passa trois ans là à étudier la Bible et spécialement le problème de la Rédemption. Les quelques écrits et les nombreuses notes laissées par son oncle lui furent d'un grand secours. Il écrivit deux traités qui n'ont pas été publié pendant de nombreuses années ; ils circulaient sous forme manuscrite : 1) le traité mentionné ci-dessus De Jesu Christo Servatore (De Jésus Christ le Sauveur) écrit en 1578 et imprimé finalement à Cracovie en 1594 ; 2) De statu primi hominis ante lapsum (De la Condition du Premier Homme avant sa Chute), aussi écrit en 1578 et publié seulement après sa mort en 1610. La première de ses œuvres, De Jésus Christ le Sauveur, est le principal traité de Socin qui comprend le cœur de sa doctrine. Il fut écrit comme le résultat de discussions avec Hieronimus Marliano, Jean Baptiste Rota (dernier pasteur de l'Eglise italienne à Genève), Manfred Balbanus, et Jacob Covet (ministre évangélique de Paris). Le deuxième traité est le résultat de sa correspondance avec Francesco Pucci de Zurich sur la question de l'immortalité de l'âme humaine. Pucci était un des réformateurs italiens qui a quitté l'Italie et a voyagé à travers l'Europe (45). Pucci affirmait que le premier homme était immortel et avait perdu son immortalité à cause du péché originel, mais tous les hommes étaient rachetés par le sacrifice de Jésus Christ. Ainsi il niait la validité du baptême pour le salut et insistait sur l'importance d'un bon comportement. Tous les hommes seront sauvés indépendamment de leur religion s'ils croient et obéissent aux commandements moraux de Dieu. Ce à quoi Socin a répondu par ce traité. 

 

(45) Faustus Socinus, De Jesu Christi invocatione disputatio, dans BFP, op. cit., vol. 1, pp. 709-766.

En novembre 1578, Socin a voyagea jusqu'à Kolozsvar, en Transylvanie, aujourd'hui Cluj en Roumanie, invité par le médecin italien et réformateur religieux, Giorgio Biandrata, pour débattre des conséquences de la dignité et du pouvoir du Christ avec le ministre – ex calviniste devenu anti-trinitaire – Francis Dávid.. Francis Dávid venait d'une famille catholique de Transylvanie, avait étudié à Wittenberg et après son retour en Allemagne avait accepté le luthéranisme, était devenu le superintendant de l'Eglise locale, et à la fin avait opté pour le calvinisme. Au travers de la lecture de Servet et d'Erasmus, Dávid a développé des doutes au sujet du dogme de la Trinité. En 1562 Giorgio Biandrata vint de Pologne pour soigner la princesse Isabelle, veuve du prince Jean Zápolya ; Biandrata et Dávid se sont embarqués dans la propagation de l'unitarisme. Réjouis du support du prince Jean Sigismond, ils furent capable d'induire la Diète de 1571 à reconnaître l'unitarisme comme la troisième religion à droits égaux en Transylvanie. A la mort de prince tolérant en 1571, cependant, un catholique, Stefan Báthory, devint prince. Après avoir été élu roi de Pologne, Stefan laissa le titre princier à son frère Christophe. Les princes importèrent des jésuites pour contrecarrer la propagation de l'anti-trinitarisme et la situation avait changé. Dávid perdit sa position de superintendant de l'Eglise unitarienne [ndlr - plutôt sa fonction de chapelain à la cour] et Biandrata perdit son influence sur la cour. En dépit du danger croissant, Dávid devint plus radical en propageant ses idées, spécialement en réanimant la vieille querelle de la non-adoration du Christ. Biandrata, craignant la persécution, voulait diminuer le danger et ne pas s'aliéner plus loin les opposants et pressa Dávid d'en finir avec cette pratique et de changer ses vues. Il invita Socin à une discussion avec Dávid et il finança son voyage. Il demanda à chacun d'eux de soumettre leur opinions pour voir ce qui serait décidé par le synode. La christologie de Dávid le conduisait à dénier catégoriquement toute égalité entre le Père et le Fils. Socin écrivit ses arguments sous la forme d'un traité "De l'Invocation de Jésus Christ" (De Jesu Christi invocatione disputatio) qui devait être publié à Cracovie en 1579 (46). Son principal argument était que l'invocation de Jésus Christ dont dérive son adoration dérive nécessairement de la connaissance de son règne et de son pouvoir obtenu directement de Dieu. Juste comme le pouvoir donné à l'Homme sur la nature constitue sa ressemblance à Dieu, ainsi le pouvoir donné par Dieu à Jésus Christ constitue sa divinité. Pour cette raison Christ devrait être adoré bien qu'il demeure un homme véritable. Pour Socin la non adoration de Christ serait un équivalent du retour au judaïsme. Cependant, l'adoration n'est ni expressément prohibée ni ordonnée par l'Ecriture. C'est une matière pratique due à la faiblesse humaine, un résultat de la nécessité de prier pour notre confort et notre consolation.

 

(46) Defensio Francisci Davidis in negotio de non invocando Jesu Christo in precibus. Réimprimé conjointement avec l'oeuvre Francis Dávid, De dualitate tractatus Francisci Davidis (Cracoviae 1582), édité par Robert Dán et introduction de Mihály Balzás, (Utrecht : Bibliotheca Unitariorum, 1983).

Comme un résultat inattendu de cette discussion, Dávid fut accusé de blasphème [ndlr - plutôt d'innovation théologique, ce qui avait été interdit par la Diète] par Biandrata et quelques membres de l'Eglise en avril 1579, mais les procédures préliminaires de le Diète de Torda furent reportés au 1 juin 1579. Dans le même temps Socin quitta la Transylvanie pour la Pologne en mai, et – en juin 1579 – la Diète princière de Gyulafehervar condamna Dávid à la prison à vie comme innovateur. Il existe des rapports contradictoires concernant les détails de cette affaire et la chronologie de la requête aux Frères de Pologne pour demander leur opinion. Probablement leur avis a été demandé en novembre 1578. Néanmoins les documents préservés indiquent que la lettre de Biandrata est datée du 17 juin 1579 et la réponse des Frères du 27 août 1579 ne mentionne pas le procès de Dávid mais lui demande de rétracter ses vues, rappeler ses ministres et de régler l'affaire sans faire intervenir les magistrats. Dávid mourut en prison à Deva le 15 novembre 1579. On ne s'attendait pas à un tel événement dans la Transylvanie du seizième siècle et il produisit une réaction parmi les Transylvaniens et les unitariens polonais. En conséquence de cette polémique, la collection de matériaux relatifs au débat Dávid-Biandrata-Socin, la réponse des ministres polonais, la réfutation polémique des ministres polonais par Palaeologus, et la dénonciation des méthodes de Biandrata par les Transylvaniens fut publiée sous le titre : Defensio Francisci Davidis in negotio de non invocando Jesu Christo in precibus (Défense de Francis David Concernant la question de la  non-invocation de Jésus  Christ dans les prières) (47). Cette collection fut publiée en plusieurs éditions. Probablement une à Francfort (sur Main) en 1580, dont aucune copie n'a été préservée, la seconde portant l'empreinte de l'imprimeur “In Aula Basiliensi 1581,” pour des copies trouvées à Cluj, et la troisième, amplifiée, sans date ni lieu, probablement imprimées en 1582, copies retrouvées dans les bibliothèques de Cluj, Sibiu, Budapest et Oxford. Les deux dernières éditions étaient certainement imprimées à Cracovie sur les presses Rodecki.

 

(47) La réponse de Socin, Responsio fratrum qui in Poloniae et Lithuaniae de uno Deo Patre unoque Dei Filio consentiunt (publiée en 1588) (cf. BFP, op. cit., vol. II. 375-422), à un pamphlet d'un ministre calviniste en Lithuanie, Andrew Wolan, Paraenesis ad omnes in Regno Poloniae et MDL Samosatinianae vel Ebioniticae doctrinae professores et autres écrits. Socinus eut une autre discussion avec Jan Niemojewski, un noble polonais et réformateur religieux qui avait des vues sociales radicales, sur les conséquences du septième chapitre de l'Epître aux Romains. Socinus expliqua sa position en un court écrit : Scriptum, in quo breviter ostenditur, Paulum Apostolum in Ep. ad Rom. cap. 7 sub sua ipsius persona de seipso ut renato non loqui (cf. BFP, op. cit., Vol. I, 89-90). Socinus a maintenu une correspondance avec lui : De loco Pauli Apostoli in Ep. ad Rom. cap. septimo (BFP, op. cit., vol. 1, 89-113) et une défense, Defensio disputationis suae de loco septimi capitis Ep. ad Rom. (BFP, op. cit., vol. I, 115-137).

Sur son chemin vers Kolozsvar, Socin visita brièvement Cracovie et décidant probablement que la Pologne était un bon endroit pour s'installer, l'année suivante il vint en Pologne où il résida jusqu'à sa mort en 1604. Il trouva là une large colonie italienne de marchands et d'artisans d'orientation anabaptiste qui offrirent de l'aide à leur compatriote. Il trouva aussi un mouvement religieux cohérent avec ses propres idées religieuses et qui était déjà préparé par son oncle Lelio, par Giorgio Biandrata, Gianpaolo Alciati, et Valentino Gentile. Il avait pour caractéristique par une tendance générale à privilégier l'élément moral sur l'élément doctrinal et dans la partie historique du christianisme, l'exégèse rationnelle et intellectuelle régnait ce qui conduisait à l'humanisation et à l'élévation morale de l'Eglise. A Cracovie, Socin demanda au ministre Szymon Ronemberg son admission dans l'Eglise unitarienne. Mais parce qu'il refusait d'accepter le second baptême par immersion, il ne fut pas officiellement admis. Il pensait que le baptême ne devait être requis que pour les convertis d'autres religions au christianisme. Pas découragé par ce rejet, Socin resta associé avec cette Eglise toute sa vie, participa aux synodes et devint à la fin son principal érudit et théoricien. Ce n'est qu'à la fin de sa vie qu'il fut admis à la célébration commune de l'eucharistie. Il pouvait alors déclarer qu'il n'était le chef d'aucune secte et ne pouvait être appelé un hérésiarque.

à suivre ...

Partager cet article
Repost0
26 janvier 2012 4 26 /01 /janvier /2012 09:35

suite des pages précédentes


Pendant qu'il était à Cracovie, Socin s'impliqua dans les débats et discussions de l'Eglise et défendit l'Eglise contre ses ennemis (48) Son rôle majeur fût l'unification des diverses tendances du mouvement : anti-trinitaire, di-théiste, tri-théiste ; la question de l'adoration ou de la non-adoration de Christ ; le problème de la négation de l'autorité civile et du refus de participer à la vie civile ; la justification de la foi contre des vues rationalistes et antireligieuses. 

 

(48) Faustus Socinus, "Ad Jac. Palaeologi librum, cui titulus est Defensio de verae sententiae de magistratu politico" (dans Ecclesiis Christanis retinendo, contra quosvis eius impugnatores), etc. pro Rocviensibus responsio, dans BFP, op. cit., vol. 2 1-114.
 

On demanda bientôt à Socin de répondre à Jacobus Palaeologus, un ancien moine grec de Chios et réfugié religieux d’Italie, en ce qui concerne la question de la propriété sociale et de l’autorité politique (49). C’était, chez les Frères de Pologne, une partie d’un débat en cours sur l’usage de « l’épée » (ius gladii). Les Frères polonais étaient divisés sur cette question, les uns soutenaient la participation des vrais chrétiens à tous les actes de la vie politique et de la guerre, et les autres soutenaient qu’il fallaient interdire la participation à la vie politique et à la guerre, car cette dernière, entraînait nécessairement l’usage de la violence ce qui était contraire à la lettre de l’Evangile. La question était particulièrement aiguë en Pologne qui se considérait comme le « rempart du christianisme » [ndlr - contre les Mongols et l'islam des Ottomans]. Dans les premières années 1569-1570, après que la communauté racovienne ait été fondée, quelques Frères, influencés par les anabaptistes moraves et conduits par Grzegorz Paweł (1525-1591) ainsi que d’autres, soutinrent un pacifisme radical ainsi que le retrait de la vie politique du pays. Ils abolirent même l’institution des ministres et introduisirent un gouvernement communiste radical. Cependant, Szymon Ronemberg, un ancien de la congrégation de Cracovie, éradiqua ce radicalisme et réintroduisit la gouvernance des ministres. A sa demande, Palaelogus écrivit en 1572 son traité pour critiquer les premiers Racoviens et soutenir l’opinion qu’il était du devoir d’un chrétien de participer à la défense de son pays et à la protection de ses lois.


(49) Les  thèses avaient pour titre Assertiones Theologicae de Trino et Uno Deo adversus novos Samosatenicos (1581). La réponse de Socinus, Animadversiones, publiées en 1583. Matériaux collectés de Opera Socini, dans  BFP, op. cit., vol. 2, pp. 423-492.

Les principales congrégations des Frères polonais rejetèrent le pacifisme radical et s’impliquèrent dans la vie politique du pays. Mais en 1580 le manuscrit de Palaelogus fut imprimé par Szymon Budny (1533-1593 ), un ministre radical de Kleck, en Lithuanie, sans l’approbation de la congrégation, et les discussions entre les Frères recommencèrent. Palaelogus déforma les vue des anti-trinitaires racoviens qui avaient déjà abandonné leurs tendances sociales radicales. Des vues radicales pouvaient représenter un danger pour le pays et elles pouvaient être utilisées maintenant par les ennemis de Frères polonais pour dénigrer et déformer leurs idées ainsi que par le nouveau roi, Stefan Báthory, pour réprimer l’Eglise. A la demande spéciale et explicite des Frères, Socin accepta d’écrire une clarification et de défendre la position des Racoviens. Sa réponse fut approuvée par le synode de Chmielnik en 1581 et publiée de manière anonyme. Socin était un théoricien qui faisait face à un problème pratique et devait réconcilier les exigences d’une situation concrète à partir d’une spéculation abstraite.

Dans la première partie de sa Réponse, Socin reprend la doctrine des Racoviens qui est basée sur le sermon sur la Montagne. L’Etat n’a pas besoin des chrétiens pour son activité militaire et n’a pas le droit de forcer les chrétiens à y participer. On ne peut vaincre le mal que par la force spirituelle. Et il ne peut pas exister de guerre voulue par Dieu. Mais il approuve la résistance armée contre un Gouvernement qui persécuterait les opinions religieuses d’un groupe de ses citoyens. En même temps il condamne les doctrines religieuses qui soutiendraient la destruction armée de toutes formes de pouvoir politique. La vie religieuse est séparée de la vie politique et ne doit jamais user de moyens politiques ou militaires.

Dans la seconde partie, Socin répond à la question de la participation aux fonctions de l’autorité civile malgré l’usage du serment et des tribunaux. Socin ne dénie pas à l’autorité le droit d’exiger le serment et de punir les malfaiteurs. Mais en même temps il combat l’idée que les vrais chrétiens ne devraient pas s’adresser à la justice des autorités civiles mais devraient résoudre leurs problèmes par eux mêmes. Socin n’accepte pas l’argument qu’en ne punissant pas l’injustice on commet une plus grande injustice et il prend pour exemple l’indulgence pratiquée par les païens. Le détachement de la vie civile signifie seulement pour Socin d’éviter les interactions avec les impies et les non-religieux. Un chrétien peut détenir une charge civile si elle ne lui demande pas de verser le sang d’un autre chrétien. Dans le cas d’une guerre de défense de sa patrie, Socin affirme que la prohibition de la violence et du sang versé ne s’applique pas au Gouvernement mais aux chrétiens individuels. Un chrétien devrait obéir aux autorités comme à Dieu, mais en aucun cas ne devrait agir contre un des principes clairement exprimés par Christ. Il peut obéir à l’ordre d’aller à la guerre mais ne doit pas tuer. De même dans le cas de la défense, on peut terrasser l’ennemi de tous les moyens possibles mais on ne doit pas tuer. Un chrétien peut aussi aller au tribunal mais seulement pour la restitution de sa propriété, jamais pour demander un châtiment.

 

Socin a été contraint à ces positions ambiguës par la situation sociale et politique de l’époque. La vraie pensée de Socin était un désintérêt total des affaires du monde, un rejet de la vie politique et sociale. Etant pressé, cependant, de défendre les Racoviens contre les attaques de leurs ennemis et du roi, il trouva un recours dans une casuistique détaillée. De plus, pour éviter tout conflit avec l’Etat, il insista sur la suprématie de l’autorité civile et sur les devoirs religieux des individus. Une attaque en règle contre les unitariens vint sous la forme de thèses écrites d’un soi disant Collegium Posnaniensis contre la doctrine unitarienne, Socin y répondit par une réfutation (50). 

 

(50) Listy, op. cit., Ep. XIV, vol. 1, p. 157.
 

En 1580 il écrivit à Cracovie son quatrième traité, d’abord en italien sur la suggestion d’André Dudith, un Hongrois, clerc dissident et ancien évêque de Pecs qui trouva refuge en Pologne (51). 

 

(51) Listy, op. cit., Ep. XIV, vol. 1, p. 157.
 

Avec le temps Socin attira l’attention de l’opposition catholique et fut dénoncé au roi Báthory comme un fauteur de trouble. Sur les conseils de ses amis, il déménagea en mars 1583 au village de Pwalikowice (aujourd’hui Rożnowa) près de Cracovie. Ce village appartenait à Krzysztof Morsztyn, ancien étudiant de Wittenberg et favorable à l’Eglise des Frères polonais. Socin épousa la fille de son hôte en 1586, de qui il eut une fille, Agnès, en 1587. Mais il perdit sa femme la même année.

En 1587, à la mort du Grand duc de Toscane, Francis II, la protection de Socin par le duc et sa sœur Isabella Medici cessa et la propriété de sa famille fut confisquée comme appartenant à un dangereux hérétique. Ainsi Socin perdit ses revenus et ses moyens de subsistance, mais avec la mort du duc, il pouvait maintenant faire apparaître ses doctrines au grand jour car il avait promis au duc qu'il ne publierait rien en son nom propre qui s'oppose à la doctrine de l'Eglise catholique.

Il revient à Cracovie en 1588 et, pour la première fois commence à parler en public au synode de Brześć (en Lithuanie) de sujets comme la mort, l'offrande de Christ, la justification, la corruption de la nature humaine, et l'invocation de Jésus Christ. Cette année là, Piotr Stoiński Jr, fils de Pierre Statorius de Thionville, émigré de France en 1559, était nommé ministre de la congrégation de Lusławice près de Raków.

Les idées de Socin gagnaient de plus en plus de support parmi la noblesse polonaise comme Hieronimus Moskorzowski, Stanislaus et Christopher Lubieniecki, Elias Arciszewski, Piotr Stoiński, Valentinus Schmaltz, Jan Völkel, Christopher Ostorodt, Matthieu Radecke, et bien d'autres. Son importance chez les Frères polonais fut de plus en plus appréciée, à un point tel qu'en 1596 il devint le leader de l'Eglise. Là il se décide à publier une collection de ses conférences, qui furent probablement délivrées à Cracovie pendant son séjour là bas de 1579-1583.

A cause des attaques violentes contre les hétérodoxes organisées par les jésuites, la tolérance en Pologne se dégradait de manière significative et Socin fut sujet aux attaques. Les étudiants de l'Université, poussés et organisés par les jésuites envahirent son appartement en 1598 pendant qu'il était malade dans son lit. Ils l'ont traîné à moitié habillé jusqu'à l'Hôtel de ville où ses livres, ses papiers et sa correspondance furent brûlés. Socin lui même fut menacé de mort à moins qu'il en renie ses doctrines. Il refusa naturellement et les assaillants le traînèrent jusqu'à la Vistule pour le noyer. Il ne dût la vie qu'à l'intervention d'un professeur de l'université, Martin Wadowit, qui passait par là (52). 

 

(52) Publié dans BFP, op. cit., vol. 1, pp. 651-689.

Après cet incident, Socin, craignant pour sa vie, quitta Cracovie pour Lusławice, un petit village proche de Tarnów, et propriété d'Abraham Błoński, qui était un centre des Frères polonais. Il ne se rendrait à Cracovie que pour les synodes et les conférences.

 

Avec le temps l'Eglise unitarienne accepta les élaborations théoriques de Socin et elles devinrent leur doctrine officielle. Le rôle que Socin a joué dans l'Eglise unitarienne peut être comparé au rôle que Thomas d'Aquin a joué dans l'Eglise catholique. Les anti-trinitaires polonais, imitant les réformateurs protestants ont tenté de fixer les principaux points de leur religion sous la forme d'un catéchisme ou d'une confession. George Schomann écrivit le premier ses travaux ; ils furent publiés à Cracovie en 1574 par Alexander Turobińczyk : "Catéchisme ou confession de Foi de la Congrégation Assemblée en Pologne au Nom de Jésus Christ Notre Seigneur qui a été crucifié et est Ressuscité d'entre les Morts (Catechesis et Confessio Fidei Coetus per Poloniam Congregati in Nomine Jesu Christi, Domini Nostri Crucifixi et Resuscitati). Socin essaya d'écrire une œuvre similaire et laissa deux traités non finis : Christianae religionis brevissima institutio, per interrogationes et responsiones, quam catechismus vulgò vocant ; et Novum Fragmentum catechismi prioris (53).

 

(53) Listy, op. cit., Ep. CX, vol. 2., p. 292-293

Il existe des indications que la communauté racovienne lui a demandé en 1592 d'écrire le catéchisme conjointement avec Piotr Stoiński, Jr. (54). Il ne pouvait pas cependant, continuer son oeuvre en étant occupé à d'autres publications. Il y revient en 1603, mais sa mort l'empêche de finir le travail. Le catéchisme fut terminé par Piotr Stoiński, Hieronimus Moskorzowski, Jan Völkel et publié d'abord en polonais en 1605. Il a été ensuite traduit en allemand par Valentinus Smalcius (Schmaltz) et publié en 1608, puis traduit en 1609 en latin par Moskorzowski, publié sous le titre Catechesis Ecclesiarum quae in Regno Poloniae et magna Ducatu Lithuaniae, et aliis ad istud Regnum pertinentibus Provinciis, affirmant, neminem alium, praeter Patrem Domini nostri Jesu Christi, esse illum unum Deum Israelis : Hominem autem illum Jesum Nazarenum, qui ex Virgine natus est, nec alium, praeter aut ante ipsum, Dei Filium unigenitum, et agnoscunt et confitentur. Ante annos quatuor Polinicè, nunc verò etiam Latinè edita. (Catéchisme des Eglises, qui dans le Royaume de Pologne et dans le grand Duché de Lithuanie, et dans d'autres provinces de ce Royaume, affirment qu'il n'y a pas d'autre Etre, en plus que le Père de Notre Seigneur Jésus Christ, qui est le Dieu Un d'Israël ; et reconnaissent et confessent  que l'homme, Jésus de Nazareth, qui est né d'une Vierge ; et reconnaissent et confessent qu'il n'y en a pas d'autre avant ou à coté de lui, est le Fils Unique et Engendré de Dieu. Il y a quatre ans publié en polonais, et à présent publié en latin). A cette publication était jointe une dédicace au roi Jacques Ier d'Angleterre. Cette œuvre fut réimprimée en 1651 à Londres et l'année suivante elle fut brûlée les 6 et 8 avril sur ordre du parlement britannique. La première traduction anglaise, probablement exécutée par John Biddle, fut publiée à Amsterdam en 1652 avait pour titre "Le Catéchisme racovien" et a été connu depuis sous ce nom.


(54) Faustus Socinus, De statu primi hominis ante lapsum disputatio, dans BFP, op. cit., vol. 2, p 296.

Socin mourut à Lusławice le 3 mars 1604. L'éloge funèbre fut préparé par Piotr Stoiński, son fidèle collaborateur. Il fut enterré au bord d'une rivière de montagne, Dunajec, et une simple pierre posée sur sa tombe portait l'inscription Chi semina virtù, raccoglie la fama, e vera fama supera la morte (Celui qui sème la vertu récolte la gloire et la vraie gloire vainc la mort).

Avec le temps le cours d'eau changea de cours sur quelques centaines de mètres. A la fin, sa pierre tombale était située sur le bord d'une route de campagne. En 1936 la communauté unitarienne internationale (International Council of Unitarians and Universalists, ICUU) décida d'ériger un mausolée à Socin sur une propriété du voisinage sur laquelle la pierre tombales fut transférée.

Socin était une personne qui possédait une sagesse et des qualités de cœur inhabituelles, humble et modeste, bienveillant envers les autres, toujours critique envers lui-même. Le principal principe de vie que Socin suivait était de nourrir l'espoir de l'immortalité de l'âme au moyen d'une conduite moralement bonne et juste.

 

Lelio et Faust, selon Przypkowski, étaient caractérisés par une profonde foi à laquelle ils sacrifièrent les richesses et les dignités terrestres, furent exposés à l'injustice et aux insultes. Leur sacrifice peut être comparé à ceux des premiers martyrs chrétiens qui perdirent tous leurs espoirs terrestres, et comparés avec les saints et les héros de l'Eglise romaine qui sacrifièrent les richesses et même leurs vies pour gagner la reconnaissance de leur Eglise.

à suivre ...

Partager cet article
Repost0
26 janvier 2012 4 26 /01 /janvier /2012 09:07

suite des pages précédentes


Faust Socin écrivit ses œuvres théologiques majeures pendant qu'il résidait en Suisse et même en Italie. Ses œuvres de Pologne étaient l'élucidation de ses doctrines théologiques. Il s'opposa à la doctrine chiliaste (millénariste) qui était acceptée par beaucoup de chrétiens et de groupes chrétiens – les ébionites, les marcionites, les apollinaristes, Justin Martyr, Tertullien, beaucoup d'anabaptistes ; la non-adoration du Christ qui était soutenue par Francis Dávid et Palaelogus ; le deuxième baptême ; et à la doctrine sociale radicale de quelques uns de ses supporters polonais. Le cœur de ses doctrines étaient celles qui coïncidaient avec les doctrines des Frères polonais : 1) l'anti-trinitarisme ou négation du concept traditionnel de la Trinité ; 2) l'unitarisme ou négation de la préexistence du Fils (Jésus) ; 3) Le concept de Rédemption au travers des actes moraux ; 4) le concept du dualisme radical, une différence radicale entre Dieu et l'Homme ; 5) le statut mortel d'Adam avant sa chute ; 6) la religion conçue comme la pratique de principes éthiques, c’est à dire la conviction que les commandements moraux, tels que le sermon sur la Montagne, doivent être pratiqués ; 7) la conviction que l'Homme est capable de développer la volonté de suivre Christ et ainsi de parachever son salut ; 8) l'opposition au mysticisme qui demandait une illumination spéciale afin de comprendre et d'interpréter les Ecritures ; 10) Socin acceptait une position empirique qui dit que notre connaissance vient de l'expérience de nos sens : Nam, ut dictum est a Philosopho, nihil est in mente, sive in intellectu, quod non prius fuerit in sensu (Comme un philosophe l'a dit rien n'est dans l'esprit, rien n'est dans l'intellect qui n'ait d'abord été dans les sens) (55).

(55) Faustus Socinus, Commentarius in Epistolam Joannes Apostoli primam, dans BFP, op. cit., vol. 1, p. 237.
 

La différence de théologie entre les Frères polonais et Socin portait sur le rejet de Socin du pessimisme anthropologique que les Frères avaient hérité de la tradition luthéro-calviniste, ainsi que sur le rejet du second baptême [ndlr - le refus d'être rebaptisé conformément aux vues des anabaptistes].

La connaissance de Dieu et l'autorité de l'Ecriture

Pour Socin la seule manière de connaître Dieu est au travers de l'Ecriture elle même, de la parole révélée de Dieu. Ainsi il a nié toute possibilité d'une connaissance naturelle de Dieu provenant d'une idée innée ou de la contemplation de la nature. La religion est basée sur la Révélation, elle vient de la foi et ainsi donc il n'existe pas de religion naturelle : religio res naturalis nequaquam est (56). Il mentionne comme preuve les découvertes récentes des Nouveaux mondes où il n'existait pas de religions [ndlr – point de vue erronée de sa part]. De plus, ceci est affirmé implicitement par l'Ecriture, et même s’il y avait une religion, elle n'aurait aucune valeur. La Révélation vient de Dieu dans un processus historique (57).


(56) Faustus Socinus, Praelectiones theologicae, dans BFP, op. cit., vol. 1, p. 537.
(57) Faustus Socinus, Praelectiones theologicae, dans BFP, op. cit., vol. 1, p. 537

Socin argue qu'il ne pourrait y avoir que quatre raisons pour lesquelles un chrétien pourrait douter de l'authenticité absolue de l'Ecriture : 1) si on ne peut avoir confiance dans les auteurs ; 2) si les auteurs ne sont pas identifiés ; 3) si on pense ou on sait avec certitude que le texte a été corrompu ; 4) s’il existe des témoignages contraires. Socin élimine tous ces doutes en arguant que les apôtres ne pouvaient contredire les préceptes de la vérité chrétienne, et que les chrétiens doivent croire inconditionnellement à l'Ecriture Sainte, c'est-à-dire à son interprétation philologique. Pour ceux qui professent d'autres religions, il faut démontrer la prééminence du christianisme. Et ceci il le tente au travers de sa compréhension de la religion : nominalement ; la religion pour Socin est essentiellement morale et consiste en promesses et préceptes. Selon Socin, on trouve dans le christianisme les plus splendides et les plus grandes promesses ainsi que les meilleurs préceptes. Si la vérité de la religion était indiscutable, il n'y aurait aucune différence entre les bonnes est les mauvaises et il n'y aurait aucune raison pour récompenser et punir. Pour Dieu, la religion c'est la Révélation ; pour l'Homme, la religion c'est la foi et la conviction qu'il faut suivre les promesses divines et que les promesses vont être honorées (58).


(58) Faustus Socinus, Explicatio primae partis primi capitis Evangelii Joannis, dans BFP,  op. cit., vol. 1, pp. 74-88.

Christologie anti-trinitarienne

Dans son premier traité publié en 1562, Explicatio primae partis primi capitis Evangelii Joannis (59), Socin donne une interprétation différente des versets traditionnels de Jean (Jean 1 :1-3) ce qui nie le dogme Trinitaire. Traditionnellement ce chapitre était interprété sur la base de la philosophie grecque et de la religion qui assume l'existence d'une deuxième personne, le Fils de Dieu ou Parole ou Logos, comme une entité cosmique préexistante avec Dieu le Père, lequel était unie à lui par la même substance. A un certain moment le Fils de Dieu est devenu "chair", c'est-à-dire un être humain Jésus, pendant qu'il était toujours Dieu.


(59) Valentinus Smalcius, “De Christo,” dans Epitome Colloquii Racoviae habiti anno 1601, eds., Lech Szczucki and Janusz Tazbir (Warsaw: Państwowe Wydawnictwo Naukowe, 1966), pp. 35-39.

L'argument de Socin contre cette interprétation repose sur son inconséquence avec les autres passages de l'Ecriture. Dans l'interprétation de Lelio et de Faust le "commencement" ne se réfère pas au commencement des choses dans la Genèse, mais doit être compris comme le début de l'enseignement de Jésus. La vue que la Parole (Logos) existait avant le temps comme un être cosmique a été acceptée dans la théologie traditionnelle sous l'influence de la philosophie platonicienne et n'est pas dérivée des Evangiles. Dans les Evangiles, le mot Logos (Parole) signifie le Jésus historique, l'homme, le fils de Marie qui a été crucifié et non un Logos éternel et cosmique, c’est à dire la volonté de Dieu. Lelio et Faust aussi remarquent qu'il est aussi absurde d'accepter littéralement la phrase "et la Parole était Dieu." Socin met l'accent sur le fait que, dans l'Ecriture, le terme Dieu était souvent utilisé comme une métaphore destinée à insister sur le rang et l’importance de la personne à qui on donnait cette appellation. L'Ecriture appelle les anges, les dirigeants, et les juges "dieux", et le terme "Dieu" dans Jean 1 devrait être compris dans ce sens. Jean utilise ce terme pour Jésus Christ pas dans le sens littéral de l'égalité avec Dieu, mais pour insister sur la dignité de Jésus qui avait une mission de créer un nouveau monde, puisque "toutes choses ont été faites par lui." Ainsi Jésus était un homme, déjà prévu dans le plan de Dieu, qui est né dans un temps historique donné et à qui il a été donné une mission. A cause de ceci, c'est à bon droit qu'il mérite l'adoration.

Egalement fausse est l'affirmation que Christ est mort pour les péchés humains. Socin a discuté cette question dans ses derniers écrits. Le dogme de l'Expiation et de la Satisfaction est, selon Socin, contraire à la raison et au sens de la justice. Le vrai rôle de Jésus était de montrer au peuple comment être sauvé. En mourant sur la croix, Jésus a prouvé qu'aucun sacrifice ne pourrait empêcher le peuple d'obéir aux commandements de Dieu. La résurrection a confirmée la justesse des enseignements de Jésus. Ainsi la résurrection est l'armature centrale de son message. Par elle son message est confirmé et il est affirmé que, si les gens suivent son enseignement, ils seront relevés d'entre les morts. Et dans ce sens seul Christ peut être appelé Sauveur. Après sa résurrection, Dieu a donné à Christ tout pouvoir sur le monde et les peuples et dans ce sens il peut être appelé dieu.

La véritable compréhension de l'expression scripturaire "le Fils de Dieu" appliquée à Jésus n'est pas qu'il est né par la puissance du Saint Esprit, mais à cause de son "identité" avec le Père qui consiste en trois fonctions, la connaissance, l'immortalité, et la puissance (60). 1) Jésus connaissait les cœurs et les esprits des hommes comme aucun autre ange ou prophète ; 2) Jésus était le seul et le premier homme à se lever vers l'immortalité. Quoique l'Ecriture mentionne Enoch et Elie qui furent emmenés au ciel, ils n'ont pas été ressuscités d'entre les morts et il n'y a pas d'indication qu'ils aient été faits immortels ; 3) Jésus avait pouvoir sur les corps et les esprits humains. Il commande aussi les bons et les mauvais esprits et il juge les hommes et les récompense en accord avec leurs mérites où leurs péchés, par la vie éternelle ou la punition. Mais le pouvoir de Jésus s'étend seulement aux personnes qui appartiennent à l'Eglise. Et l'Eglise est comprise comme le peuple qui a quelque connaissance de Jésus, même ceux qui le refusent.


(60) Valentinus Smalcius, “De Spiritu Sancto,” dans Epitome, op. cit., p. 42.

L'expression "Saint Esprit" ne dénote pas la troisième personne d'un Dieu. Le Saint Esprit n'est pas une personne ou un être cosmique, c'est la puissance de Dieu et son efficacité dans l'action. Cette puissance a la propriété de sanctifier le peuple (61).

 

(61) Faustus Socinus, Praelectiones Theologicae, dans BFP, op. cit., vol. 1, p. 541.

à suivre ...

Partager cet article
Repost0