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le calice des unitariens

chaque communauté unitarienne arbore un blason ou un logo. Voici celui des unitariens qui sont regroupés au sein de l'Assemblée fraternelle des chrétiens unitariens (AFCU). Voir sur son site à la rubrique "le calice des unitariens"
http://afcu.over-blog.org/categorie-1186856.html


 

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26 janvier 2012 4 26 /01 /janvier /2012 17:41

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Michel Servet (1511-1553) est considéré, comme le principal défenseur de l'anti-trinitarisme. Mais il est aussi une figure centrale de l'histoire occidentale car il a marqué le grand tournant et la remise en cause, dans les mentalités, des règles ecclésiastiques totalitaires qui s'imposaient sur la société (4). Il n'était ni le seul tenant ni le seul initiateur du mouvement anti-trinitaire. Quatre noms sont avancés à cet égard : Martin Cellarius (Borrhaus), Ludwig Haetzer, Hans Denck et Jacob Kautz (5).


(4) Marian Hillar, The Case of Michael Servetus (1511-1553) – The Turning Point in the Struggle for Freedom of Conscience, (Lewiston, N.Y., Queenston, Ont., Lampeter, UK : The Edwin Mellen Press, 1997).
(5) Harnack, Adolf von, Lehrbuch des Dogmengeschichte, (Tübingen : J.C.B. Mohr, 1890). T. III, pp. 658 ff.
 

Martin Cellarius (Borrhaus, 1499-1564) était originaire de Stuttgart. Il avait étudié les langues classiques : hébreu, chaldéen et syriaque à Wittenberg où il avait embrassé le luthéranisme. Pendant le débat avec les anabaptistes, il a changé de camp et même plus tard a développé des vues anti-trinitaires. Aussi en 1536, il eut à fuir à Bâle où il prit le nom de Borrhaus (ce qui est une traduction grecque de son nom), devint professeur de rhétorique et de philosophie. Il noua des amitiés avec Lelio Socin et Michel Servet (6). 

 

(6) Thomas Rees,  "Introduction historique", dans The Racovian Catechism traduit du latin par Thomas Rees, Londres, 1818, réimpression par "Christian Educational" Services, Indianapolis, IN., 1994. V.

Ludwig Hatzer (né vers 1490) était un ancien prêtre de Zurich, il connaissait les langues bibliques et a travaillé de concert avec Denck à Worms sur la traduction des Prophètes (1527). Selon Sandius (7), c'était un arien et il écrivit un manuscrit contre la déité du Christ qui tomba entre les mains de Zwingli et ne fut jamais publié. Il fut condamné à mort par décapitation par le magistrat de Constance en 1529.


(7) Christopher Sandius, Bibliotheca antitrinitariorum, (Freistadii, 1684), p. 16, cité par Thomas Rees, Introduction historique dans op. cit.,  pp. V-VI.

Hans Denck était né vers 1500 en Haute-Bavière et a étudié à l'Université d'Ingolstadt de 1517 à 1520 où il a étudié le latin, le grec et l'hébreu. Il réagit positivement au mouvement de la Réforme qui fut déclenché par Luther en 1517. En 1522 il arriva à Bâle où il était correcteur d'imprimerie et fut en relation pendant quelques temps avec Oecolampadius, un réformateur distingué qui était le leader du clergé. Nous le retrouvons en 1523 à Nuremberg enseignant à l'école Saint-Sébastien. Denck a lentement développé des idées qui étaient en conflit avec celles du camp luthérien et, après une Inquisition présidée par Andreas Osiander, il fut exilé de la cité. Ses déplacements après son exil de Nuremberg ne sont pas clairs. Il fut probablement invité à Müllhausen (Mulhouse) et après l'échec de la rébellion, il se trouvait dans le canton de Schwyz où il fut emprisonné pour ses vues négatives sur le pédobaptisme. Plus tard il a contacté les anabaptistes de Saint-Gall, mais ils l'expulsèrent pour son universalisme – la doctrine qui enseigne qu'à la fin tous les hommes seront sauvés. En 1525 nous le retrouvons à Augsbourg où il rencontre Balthasar Hubmaier et devient un anabaptiste pratiquant. Ici il baptisa Hans Hut et eut une confrontation avec les ministres luthériens. En 1526 il vivait à Strasbourg d'où il fut expulsé après un débat avec Martin Bucer. Alors il partit pour Worms où il rejoignit Ludwig Haetzer qui traduisait les prophètes de l'Ancien testament ; ils contactèrent les factions radicales de la ville et convertirent Jacob Kautz à leur anabaptisme en 1527. L'influence de Denck était visible dans les thèses qui étaient défendues publiquement par Kautz. Comme d'habitude, les interdictions plurent et Denck déménagea à Augsbourg où il participa au synode de 1527 qui fut très animé par les enseignements apocalyptiques de Hans Hut. Denck demanda à Oecolampadius la permission de s'installer à Bâle, mais avant d'avoir pu déménager, il mourut victime de la peste. Ces trois réformateurs radicaux représentent un lien entre l'unitarisme et l'anabaptisme.

Denck fut le pionnier de l'unitarisme et le champion d'un christianisme non-dogmatique et éthique. Son œuvre principale fut "Sur la Loi de Dieu". Les principaux arguments de sa doctrine étaient que la loi de Dieu peut et doit être accomplie ; si Christ le pouvait alors nous le pouvons ; Christ a accompli la loi en montrant le chemin ; l'homme peut accomplir la loi quand il détient la vérité. Denck, de toutes manières, sous estimait la chute de l'homme et rejetait la vision globale du péché de l'Homme que professait Luther et il portait l'accent sur la puissance de l'homme. La connexion divine intérieure lui rend possible de participer au royaume spirituel. Le Jésus humain est un grand maître mais la différence entre lui et un autre homme n'est qu'une différence de degré. On attend que ses vrais disciples pratiquent ses enseignements. Mais Christ a enseigné que Dieu est amour et que l'amour est l'accomplissement de la loi, ainsi l'amour de Dieu et l'amour du prochain ne font qu'un dans l'économie divine.

Dans l'interprétation des Ecritures, Denck s'opposa à elle comme à une lettre externe à l'influence du Saint-Esprit sur l'Homme. La nouvelle vie pour chaque homme commence indépendamment de la prédication des prophètes et des apôtres. Elle commence avec l'influence directe de l'Esprit. L'Ecriture demeure seulement comme un témoignage de la vérité, un travail externe, une révélation historique de peu d'importance. La révélation intérieure est appelée "la parole intérieure". C'est une expérience acquise sous l'influence spéciale de Dieu." La lumière qui est la Parole invisible de Dieu brille dans le cœur de tous les hommes. Elle n'est pas endormie dans nos cœurs mais active pour faire la volonté du Père" (8).


(8) Cité par Packull, Werner, O., “Hans Denck. Fugitive from Dogmatism.” dans Goertz, H.-J., ed. op. cit., p. 68.

D'un tel principe il s'ensuit qu'il n'y a pas de besoin pour les sacrements, les cérémonies, les rites, les sectes, et les autorités religieuses. Chaque personne est libre de rechercher son propre salut. De plus puisque l'accès à "la parole intérieure" est universelle et individuelle, personne ne détient le monopole de la vérité. Les différences apparaissent, selon lui, quand on fait appel à des parties isolées de l'Ecriture. Il était plus chrétien – pour lui – de laisser les autres dans l'erreur que de les contraindre contre leur conscience. Ainsi il devint un avocat de la tolérance à cause de son dévouement à la vérité religieuse, au droit moral et à la justice sociale. De cette manière il fut un précurseur des sociniens. Pour lui le baptême des enfants n'était pas ordonné par le Christ mais est d'origine purement humaine. Ainsi la communauté chrétienne avait la liberté de l'accepter ou de le refuser. Le repas du Seigneur était interprétée comme une union spirituelle avec Christ. Quand à la prestation de serment qui posait tant de problèmes aux anabaptistes, il prit la position que l'Ecriture était neutre sur ce point. Denck critiqua durement les ecclésiastiques hypocrites qui réduisaient la foi à des signes extérieurs : une croyance en des déductions systématiques à propos de la nature de Dieu et de l'Homme, et une observance mécanique de rites superstitieux.

La Diète de Spire (1529) et la Diète d'Augsbourg (1530) condamnèrent l'anabaptisme et ses partisans et prescrirent pour eux la peine de mort. L'anti-trinitarisme n'était pas très accentué dans la doctrine de ces anabaptistes primitifs – ils ne semblaient pas attacher tellement d'importance à la "superstition de la divinité du Christ" (9). Adolphe von Harnack, un théologien du dix neuvième siècle a évalué le développement de l'anabaptisme à partir des idées critiques du quatorzième et quinzième siècle en les confrontant à des éléments de la Renaissance. Ce processus établit un pont entre la théologie du Moyen-Age avec la théologie moderne en sautant la Réforme. "Dans l'anabaptisme et le socinianisme le Moyen-Age et la théologie joignent leurs mains au dessus de la Réforme". L'anabaptisme et l'anti-trinitarisme ont été des expressions de la Réforme radicale, l'anabaptisme était concerné par la réforme politique radicale et l'antitrinitarisme par la réforme doctrinale.


(9) Harnack, A., op. cit., p. 663.

 

La Réforme radicale a renversé le principe formel de la Réforme, c'est-à-dire l'autorité inspirée par la Bible. Les réformateurs radicaux croyaient que l'usage légaliste de la Bible telle qu'elle était pratiquées dans les Eglises catholiques et protestantes restreignaient la religion à l'autorité extérieure de l'Eglise. Les réformateurs radicaux ont substitué à la Bible, l'esprit, "la Parole intérieure", la conscience religieuse. Ils affirmaient l'action de Dieu directement sur l'homme au-delà des faits de la Révélation. Ils insistaient aussi sur le rejet de la divinité substantielle de Christ en retournant à sa divinité moral. Pour eux Christ était un homme comme les autres, la seule différence était entre les pécheurs et un non-pécheur (10).


(10) Doumergue, É., Jean Calvin. Les hommes et les choses de son  temps. (Lausanne, Paris : 1899-1927) ; Réimpression Slatkine : Genève, 1969). vol. VI, p. 450.

La critique des doctrines traditionnelles, initiée par le théologien Michel Servet pour laquelle il fut condamné par l'Inquisition catholique et par Calvin, a été reprise par les humanistes italiens qui, dans le Nord de l'Italie, ont procédé indépendamment de Luther, Calvin, et des autres réformateurs pour élaborer leur propre théologie libérale (11). Pendant la Réforme en Italie la corruption "religieuse" et morale du clergé et des hauts dignitaires de l'Eglise avait atteint un point tel que quelques uns l'ont dénoncée et l'ont combattue. Par exemple, Pierre Bembo (1470-1547), un futur cardinal, prêchait la persuasion, pas la foi, ne croyait pas en l'immortalité de l'âme, et à la place de la grâce de Dieu avançait "Le bénéfice des Dieux immortels". Lorenzo Valla (1407-1457), un humaniste italien, a prouvé la fausseté de la Donation de Constantin. Erasme a caractérisé cette tendance à du paganisme émergent : "Caput erigere conatur paganismus" (Le paganisme tente de relever la tête).


(11) Frederic C. Church, The Italian Reformers 1534-1564.  (New York : Columbia University Press, 1932).

Les nouvelles idées arrivaient aussi de l'étranger, spécialement d'Allemagne, par des évangélistes, des marchands et des soldats, spécialement après le pillage de Rome en 1527. Il y eu objectivement des tentatives pour corriger la situation, mais les gens pieux qui s'y aventurèrent ont différé par leurs méthodes d'approche. Quelques uns sont arrivés à la justification par la foi comme Contarini, un futur cardinal qui a organisé à Bologne un centre d'études et d'innovation avec le professeur Giovanni Mollio lequel enseignait la doctrine de Paul de Samosate et mourut en martyr. A Milan, nous trouvons Celio Secondo Curione. A Naples, il y avait Juan Valdés – un Espagnol (1500-1544) de qui un catholique écrivait "A lui tout seul il fit périr plus d'âmes que des milliers de soldats hérétiques avant lui" et un protestant, Jules Bonnet, l'a décrit comme "Une de ces âmes d'élite que ne pouvaient passer sur terre sans causer un trouble qui deviendrait bientôt un apostolat". Valdés était capable de réunir autour de lui beaucoup de gens importants de l'époque qui développaient des idées religieuses non-orthodoxes comme les dames nobles Vittoria Colonna et Giulia di Gonzaga, aussi bien que Bernardino Ochino (12) et Pierre Martyr Vermigli (13).


(12) Bernardino Ochino (1487-1565) originaire de Sienne, était vicaire général de l'ordre des Capucins de 1539 à 1541. Pour éviter une enquête à son sujet par l'Inquisition, il a fui d'Italie en Suisse et a rompu avec l'Eglise catholique. Il était célèbre pour l'inspiration de ses sermons. Il déménagea en Europe de ville en ville (Zurich, Genève, Bâle, Augsbourg, Londres). Il dut fuir l'Angleterre quand Marie Tudor est montée sur le trône, et il a trouvé refuge en Pologne. Mais il ne put pas rester là très longtemps à cause de l'édit de Parczów en 1564 qui expulsait les réformateurs religieux étrangers. Il s'installa en Moravie où il mourut peu de temps après.
(13) Pierre Martyr Vermigli (1500-1562) fut accusé d'hérésie dans son Italie natale et fut forcé à fuir. Il enseigna l'Ancien Testament à Strasbourg, Oxford et Zurich.

à suivre ...

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