Margot Käßmann (photo jointe), ancienne évêque de Hanovre et ex-présidente de l’Église protestante en Allemagne, vient de donner une conférence à Strasbourg sur la question de savoir si 500 ans après la Réforme les protestants ont encore quelque chose à dire. Un compte-rendu lien). Extrait ci-dessous concernant le nécessaire regard critique sur ce qu'a été la Réforme. en a été publié le 7 septembre 2013 dans les Dernières nouvelles d'Alsace (
Le devoir moral, pour les protestants, de jeter un regard critique sur leur passé et de ne pas être dans le déni de ce qui fait problème. “La Réforme n’a pas été tolérante” a rappelé Margot Käßmann. De fait, Martin Luther a pris position pour les princes dans l’effroyable répression des révoltes paysannes. À Genève, Jean Calvin s’est comporté en véritable salafiste avant l’heure, cautionnant la mise à mort de l’« hérétique » Michel Servet et persécutant les esprits libres. Martin Luther a basculé à la fin de sa vie dans un antisémitisme haineux, incompréhensible et impardonnable. L’Église luthérienne, quant à elle, n’a pas toujours été une amie de la République et de la démocratie.
Face à ces faits qui pervertissent l’histoire de la Réforme il est important, dit Margot Käßmann, de relire le passé du protestantisme de manière critique et de faire la part des choses entre l’ombre et la lumière. Étant honnêtes intellectuellement, critiques envers eux-mêmes et leur tradition, les protestants peuvent s’autoriser à l’être aussi vis-à-vis des dérives de la société sans que cela ne s’apparente à du moralisme irrecevable et stérile.
Ajout du 14 septembre 2013 - Matthieu Arnold, professeur d’histoire du christianisme à la Faculté de Théologie protestante de l’Université de Strasbourg, membre honoraire de l’Institut universitaire de France, apporte quelques informations en contre-point (son message au sein du groupe 'Protestantisme libéral' sur Facebook).
Je me contenterai de rappeler, au sujet de la Guerre des paysans (1525), que Martin Luther a commencé par admonester sévèrement tant les princes que les paysans, avant que les victoires des seconds et la crainte du chaos ne l’amènent à justifier la répression ; à la suite de quoi, on l’oublie trop souvent, dans maints écrits le Réformateur a plaidé la clémence pour nombre d’insurgés qui avaient survécu au massacre. Ses écrits tardifs contre les Juifs (parler d’ « antisémitisme », ce qui implique une dimension raciale et raciste, n’a aucun sens pour Luther) sont assurément « impardonnables » ; toutefois, ils ne sauraient faire oublier son traité Que Jésus-Christ est né Juif (1523), exhortation à mieux traiter les Juifs tout à fait neuve pour son époque.