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le calice des unitariens

chaque communauté unitarienne arbore un blason ou un logo. Voici celui des unitariens qui sont regroupés au sein de l'Assemblée fraternelle des chrétiens unitariens (AFCU). Voir sur son site à la rubrique "le calice des unitariens"
http://afcu.over-blog.org/categorie-1186856.html


 

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17 mai 2013 5 17 /05 /mai /2013 12:07

Les circonstances n'ont pas permis aux libéraux français de se disputer comme en Transylvanie au XVI°siècle pour savoir s'il fallait, ou non, adorer le Christ Jésus. Le drame d'un Ferenc David, enfermé pour avoir opté en faveur de la négative, leur a donc été épargné. Mais on peut neutraliser un gêneur aujourd'hui sans l'enfermer, et c'est ce qui va se produire en France. Tous les "non-adorants" sont exclus de la mémoire protestante française, même s'ils ont laissé leur trace ailleurs. La division est dans la logique de la liberté chaque fois qu'il y a des enjeux de pouvoir. L'Autorité, depuis l'empereur Constantin, exige l'unité doctrinale, et donc La religion de l'Autorité, y compris dans le protestantisme ainsi que le montrait déjà Samuel Vincent, pressentant le danger à venir.

 

theolib46.jpgLibre-pensée et protestantisme libéral. Autour de Charles Wagner et Ferdinand Buisson - Théolib 46

Cette division est exprimée en France par deux interprètes éminents, amis et adversaires, Ferdinand Buisson, et Charles Wagner, dans un livre commun : La Libre pensée et le Libéralisme protestant (1903). Pour Buisson, la libre pensée est l'expression logiquement achevée de la Réforme protestante. Ceux qui persistent dans les formes de la piété traditionnelle manquent un peu de courage et de sincérité, surtout au niveau de l'enseignement religieux. Finies, les concessions pour l'unité. Il avait été un apôtre du protestantisme libéral. Les campagnes de dénigrement contre sa thèse sur Castellion (1892) l'ont convaincu que cette cause était perdue à terme. Le livre se vendit mal, et la plus grande partie de l'édition fut mise au pilon en 1932. Il eut une nouvelle fortune en Italie, avec Delio Cantimori, Eretici Italiani del Cinquecento (1939), où l'on retrouve son héros, rebaptisé Castellione...

 

Avec Buisson, signalons Jean-Jacques Kaspar. Ancien missionnaire à Madagascar entre 1901 et 1904, il s'est signalé par un talent et une ténacité incroyables pour sauver la vie à un pauvre Malgache d'Ambositra. Victime d'une dénonciation calomnieuse, ce Malgache risquait d'être fusillé. Qui connaît Madagascar à l'époque comprendra que Kaspar gênait tout le monde. Il ne revint pas à Madagascar après son congé en France. On le retrouve au côté de Ferdinand Buisson en 1907, comme secrétaire général de la Fédération de la Libre-Pensée. Puis il mobilise la France et l'Allemagne pour l'affaire Francesco Ferrer, aussi grave que l'affaire Dreyfus. Ferrer est un militant catalan de la Libre-Pensée qui sera fusillé au Monjuich à Barcelone, où se dresse aujourd'hui son monument. Après tout, Jésus ne fut-il pas la grande victime d'un meurtre judiciaire ?


On ne peut citer ici tout le monde. Mentionnons encore Félix Pécaut, fondateur de l'Ecole normale supérieure de jeunes filles de Fontenay-aux-Roses en 1880. Sa mémoire y fut vénérée.


Encore, Jules Steeg. Pasteur à Libourne, il fut traduit en cour d'Assises à Bordeaux en 1872 pour offense au culte catholique. Il avait commis un article dans son journal paroissial ridiculisant le dogme catholique de la transsubstantiation. Il se défendit lui-même devant la Cour. Si j'avais organisé une conférence ou un débat sur ce sujet, dit-il en substance, je n'aurais attiré personne. Mais, grâce à vous, je passionne un large public ! Avant de délibérer, le président lut le témoignage d'un évangélique contre Jules Steeg. Il ne répondit pas, et fut acquitté aux acclamations du public. On ne s'étonnera pas qu'il ait quitté le pastorat, après le synode national de 1872 et la montée du pouvoir "orthodoxe". On le retrouve aux côtés de Ferdinand Buisson et de Jules Ferry, créant l'Ecole publique obligatoire. Il est l'auteur, en 1884, du Cours d'instruction morale et civique, autorisé pour les écoles de la Ville de Paris. Ce cours contient des articles sur Dieu comparables à ceux de Jaucourt dans l'Encyclopédie. Le grand service public de l'Enseignement laïque sous la Troisième République est né dans ce petit cercle, et il n'était pas antireligieux. Steeg déclara  un jour : « Je me sens plus que jamais, à travers tout cela et en cela, pasteur protestant. Je ne perds pas de vue "la seule chose nécessaire" bien qu'il soit impossible de la présenter directement à notre peuple. A Paris, à Lausanne, je serais resté théologien. Ici, et dans toute la France, il faut aborder le problème autrement. Je n'aurai pas perdu mon temps si je parviens à créer un foyer de vie politique, morale, intellectuelle, qui rayonnera sans moi, après moi. Peut-être ne parviendrai-je à rien du tout. C'est bien possible. Mais, du moins, j'aurai tenté ». (Cit. F. Buisson. La foi laïque, Paris 1912, p. 65). L'oeuvre de tous ces protestants éminents a été effacée même de la mémoire protestante.

 
Après une évocation des "non-adorants" qui ont quitté l'Eglise protestante, parlons de ceux qui sont restés. La réplique de Charles Wagner est une défense émouvante et éloquente. Wagner reste un des plus authentiques représentants du libéralisme protestant. La foi s'appuie sur des liens affectifs puissants. Tous les témoins cités plus haut sont allés vers la Libre-Pensée, qui se proclame indépendante de toute Eglise, à la suite de scandales qui les ont personnellement atteints. Sont restés pasteurs d'une Eglise ou bien chrétiens confessants ceux qui n'ont pas ressenti de scandale. Ils ont été retenus par les grands souvenirs anciens, et par des liens affectifs comme la vie réelle en impose parfois. Ils ont eu la confiance que leur dévouement à l'unité serait reconnu pour ce qu'il était, et non pour l'aveu de leurs erreurs. L'appui positif de la foi chrétienne, et l'on peut dire rationnel, ce sont les faits incontestables de l'Histoire biblique et surtout évangélique. C'est encore dans l'Histoire que la foi chrétienne trouve son appui le plus sûr.


Avec Wagner, mentionnons le pasteur Xavier Koenig. En 1902, il est le principal orateur des Conférences évangéliques libérales. Il s'agissait du problème de l'Histoire sainte et de son enseignement. De l'absolue sincérité due aux enfants. L'année suivante, en novembre 1903, c'est la Conférence évangélique (orthodoxe) de Bordeaux, avec 500 participants. Le principal orateur, sur le même problème, est le pasteur Adolphe Causse. S'appuyant notamment sur des autorités orthodoxes reconnues, telles que le professeur Alexandre Westphal, il développe lui aussi le thème de la sincérité due à des enfants confrontés tous les jours à l'agressivité d'une laïcité antireligieuse militante. La Création en sept jours ridiculise à leurs yeux pasteurs et moniteurs qui s'y obstinent. Et il fait approuver à l'unanimité une motion recommandant les manuels de Xavier Koenig... et que l'Autorité n'approuva point. Il n'y eut aucune suite.  Si, tout de même. Peu de temps après, on apprend par le pasteur Jean Bianquis, secrétaire général de la Société des missions évangéliques, alors à Madagascar, que Xavier Koenig était candidat pour venir comme missionnaire à Madagascar. Et Bianquis déplore que Koenig soit refusé sur la seule décision du directeur des Missions. Il eût aimé travailler avec Koenig, bien plus qu'avec ... d'autres.


C'est ainsi que se réaliseront peu à peu, avec le temps, certaines hypothèses pessimistes de Samuel Vincent : Le monde leur tournera le dos, et ils ne seront plus qu'un corps imperceptible.

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17 mai 2013 5 17 /05 /mai /2013 11:47

Les liens affectifs peuvent permettre à une communauté de résister, et longtemps. Mais la liberté seule a le pouvoir d'attirer l'adhésion, jusqu'à la conviction et parfois le sacrifice de soi. Jean-Jacques Kaspar s'est découvert à Madagascar une magnifique vocation d'avocat dans la défense d'un malheureux a priori condamné. On pense à une variation sur la parabole de saint Matthieu, ch. 25, Quand tu as défendu l'un de ces petits, c'est MOI que tu as défendu. Mais la compassion ne fait pas de la victime un maître à suivre. C'est dans la vie et dans l'enseignement de Jésus qu'il faut trouver des raisons d'être chrétien. Il faut s'appuyer sur l'Histoire. A notre siècle de biographies, c'est vrai plus que jamais. L'autorité ne peut plus reposer que sur des convictions partagées, sur la confiance qu'engendre la sincérité. Dans cet esprit, quel est pour nous l'enseignement de Jésus ? Il est double.


Le premier point est l'exception à la Loi. Il ne s'agit nullement de contestation idéologique. Sa forme la plus précise se trouve dans Luc 6,4 : « Voyant quelqu'un travailler le jour du sabbat, Jésus lui dit : Homme, si tu sais ce que tu fais, sois béni. Mais si tu ne le sais pas, sois maudit, car tu transgresses la Loi ». Cette parole n'est pas dans tous les manuscrits. C'est le grand exégète Joachim Jeremias (Unbekannte Jesusworte, 1963, Paroles inconnues de Jésus) qui en a donné une étude approfondie, concluant à son authenticité. C'est dans ce contexte qu'il convient d'apprécier la déclaration de Jésus avant de guérir, un jour de sabbat, un paralysé de la main : « Il est permis de faire du bien les jours du sabbat » (Matthieu 12, 12). La Loi est une expression de la volonté bonne de Dieu, mais il est permis à l'homme, en allant dans le sens de la volonté même de Dieu, de chercher à faire mieux encore. Là est la liberté, et elle ne s'arrêtera même pas aux actions de Jésus. Il dit ainsi à ses proches : « Celui qui croit en moi fera aussi les oeuvre que je fais, et il en fera de plus grandes, parce que je vais au Père » (Jean 14,12).


Le second point est que l'essentiel n'est pas de professer la Loi, mais d'agir selon ce qu'elle ordonne. Tel est le sens de la célèbre parabole du Bon Samaritain (Luc 10, 30-37). Les Samaritains étaient les ennemis intimes des Juifs. Aussi, prendre comme exemple un tel fait divers n'a pas manqué de rendre Jésus suspect de trahison. On le lui dit même en face à l'occasion : « N'avons-nous pas raison de dire que tu es un Samaritain, et que tu as un démon ? » (Jean 8, 48).  Le Samaritain joue ici, moralement, le même rôle que le Grec dans la pensée de saint Paul : il est le non-Juif. Notre frère est partout, dans le monde entier, s'il agit d'une manière comparable à ce qu'est pour nous l'Action bonne.


N'ayons surtout pas la prétention d'être les seuls à faire de ces deux points la base de notre religion : on la trouve exprimée avec talent dans le livre de Marek Halter, La Force du Bien (1995), et aussi sur la Colline des Justes à Jérusalem. On la trouve aussi dans les traditions de l'islam, et plus loin encore. Dans une lettre écrite en 1999, Jacques Proust, le grand spécialiste de l'Encyclopédie, devenu japonisant distingué, reconnaissait cette base, en particulier dans l'amidisme, inspiré du Bouddha Amida, dont le sanctuaire principal est à Kamakura au Japon. Maurice Leenhardt, autrefois, reconnaissait la valeur religieuse du pilou, une fête des Canaques de Houaïlou en Nouvelle-Calédonie.


maurice_causse_portrait_avi_01-04_2012.jpgEn sorte que, la vie étant limitée, il ne s'agit pas de vouloir nouer des relations avec tout le monde. Notre attachement à la communauté qui nous a fait naître est un attachement culturel. Il ne prétend à aucun monopole de la vérité, n'exclut pas non plus les "orthodoxes aimables". Quand on a reçu dans la foi protestante l'Evangile et la Liberté [ndlr – sans doute allusion à la revue de même nom], il n'est pas possible de renoncer à cet héritage. Mais on peut comprendre les attachements culturels des autres, connus ou inconnus, à leur propre héritage, et aussi les accueillir fraternellement s'ils viennent à nous.

 

Maurice Causse, avril 2012

 

Arius fut calomnié, et l'est encore, puisqu'en fait il croyait à la divinité de Jésus. Mais le débat a changé de nature. Auguste Sabatier fit un jour une leçon sur  les adieux de saint Paul aux chrétiens d'Ephèse (Actes 20, 17-37). Paul Sabatier, son homonyme, rapporte l'émotion des étudiants qui se retirèrent ensuite bouleversés dans leurs chambres (Le Protestant, 6 mars 1897). Ces chrétiens d'Ephèse ne sont pas très loin de nous. Adorer le Christ ou ne pas l'adorer. Si je tiens le Christ pour mon Maître, qu'importe le mot ? Nous sommes sortis du labyrinthe d'Athanase. 

                                                               
Maurice Causse, Filium Arianum, fil d’Arius, fil d’Ariane, Lormont, Noël 2012

Dédié à ceux qui ont préparé, rêvé, prédit, réalisé ou permis le Fil d'Or, jusqu'à ce jour

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15 mai 2013 3 15 /05 /mai /2013 14:15

article en français paru dans Evangile et Liberté du 29 octobre 1979


Quelques textes de Francis (= Ferenc en hongrois) David
- « Ni les évangélistes, ni les apôtres n’ont dit mot dans tous leurs écrits sur l’essence, les qualités, trinité, etc. Il est injuste de nous traiter d’hérétiques parce que nous ne voulons pas croire à la substance, aux personnes, aux natures, à l’incarnation. Nous n’avons pas à suivre ce qu’Athanase a dit, mais ce que Jésus a dit. Le Nouveau Testament nous parle clairement d’un Dieu UN, et non d’un Dieu triple et non d’un Christ triple ».
- « Je veux faire connaître à votre Majesté mon humble sentiment. Je vous supplie que mes accusateurs ne soient pas blâmés ni sanctionnés. Ils doivent être laissés libres d’écrire, d’enseigner et de s’en prendre à moi. Ils doivent avoir la possibilité de nous attaquer comme ils le désirent. Ce sera Dieu lui-même qui défendra notre cause » (lettre au roi Jean-Sigismond).
- « Je n’ai lu nulle part dans la Bible que nous devions répandre la parole de Dieu par le fer ou le feu. Les gens ne doivent pas être obligés d’accepter l’Evangile par les armes ou par des menaces. Rien n’est aussi insensé que de contraindre les consciences qui relèvent de la seule autorité du Créateur ».
- « Si je me suis trompé en quoi que ce soit, je remercierais de tout cœur celui qui me montrera plus clairement la vérité évangélique, et je le suivrais sans aucune honte ».
- « Ceux qui sont éclairés par l’esprit de Dieu ne peuvent pas être silencieux, et ne peuvent pas cacher la vérité ».
- « Pour nous, il y a un seul Dieu, le Père ; d’où nous venons et vers qui nous allons. Nous nous tenons sur le fondement posé par Jésus-Christ et avec son aide nous voulons nous y maintenir fermement ».
- « Dans notre recherche de la voie du salut nous n’avons besoin de rien d’autre que des écrits des prophètes, des apôtres et des évangélistes. L’Ecriture est pour le croyant une nourriture douce et forte ; tout ce qu’on y ajoute la transforme en poison ».
- « Pour comprendre le sens véritable des Ecritures, nous ne devons pas être esclaves des interprétations et des décrets humains. Le sens des Ecritures est tellement clair que même un illettré peut les comprendre et en remontrer, avec l’aide de l’esprit de Dieu, aux plus grands savants. La vie et l’âme de l’Ecriture, c’est Jésus-Christ. Connaître Jésus, c’est posséder l’explication de la Bible ».

Francis-David--medaille-1942--par-le-sculpteur-Sandor-Benc.jpgFrancis David :
Né catholique, il s’est d’abord converti au luthéranisme ; après cela, il est passé au calvinisme qu’il a ensuite abandonné pour fonder l’unitarisme (on appelle « unitarisme » la branche du protestantisme qui refuse la doctrine de la trinité). La roi Jean-Sigismond, le pasteur F. David, les députés de la diète de Torda étaient considérés comme des hérétiques par les Eglises catholiques, luthériennes et réformées d’Europe ; on les accusait de trahir et de détester le Christ parce qu’ils ne croyaient pas en sa divinité. Je crois qu’ils ont mieux servi et aimé le Christ que ceux qui en défendaient la divinité par le feu, le fer et le sang. A cette Europe que la passion religieuse conduisait aux pires excès, ils ont donné une leçon de fidélité évangélique.

 

Médaille en terre cuite de Francis David sculptée en 1942 par Sandor Benczédi

 

L’édit de Torda, proclamé 4 ans avant la Saint-Barthélemy par des protestants libéraux, est le premier édit de tolérance de l’Europe, et peut-être de l’histoire du monde.


Le message d’une existence :
N’ayant pas voulu être persécuteur, F. David est devenu un persécuté. IL a été la victime de ceux qu’il avait épargnés. Les dernières semaines de sa vie, avec un procès épuisant et la solitude totale de sa prison, sont émouvantes. Après le succès, il a connu le martyre. Il y a de cela quatre siècles. Malgré le temps, son message reste vivant et actuel : il nous invite à maintenir une fidélité évangélique éloignée de tout dogmatisme, à placer avant tout la sincérité et la vérité, à être ouverts, respectueux et tolérants envers les autres. Si nous savons recevoir et vivre ce message, nous serons les serviteurs de Celui que David a servi de toutes ses forces, le Dieu de Jésus-Christ, le Dieu un. De ce monde, Jésus a dit que l’ivraie ne doit pas être arrachée au seul profit du blé, mais qu’il faut les laisser grandir jusqu’à la moisson. Paul n’a pas recommandé de mettre les hérétiques à la mort, mais seulement de les éviter. En même temps, il nous a défendu de condamner qui que ce soit. Pouvons-nous être plus sévère que Jésus et Paul ? demande François David.
Bien entendu , la tolérance ne signifie pas fermer les yeux sur le mal. Il ne saurait y avoir de tolérance à cet égard. Les théologiens adversaires de François David l’accusèrent d’hérésie et le menacèrent de la peine capitale.

La Diète de Torda en 1568 et la tolérance religieuse
L’enseignement de François David au sujet de la tolérance ne demeura pas solitaire. Il fut en général connu dans tout le pays. Les masses, les dirigeants, Jean Sigismond, prince de Transylvanie, admirent que « la foi est un don de Dieu et ne peut être imposée par la force ».
La Diète qui eut lieu le 6 janvier 1568 à Turda est une pierre blanche dans l’histoire de la tolérance. Elle débuta par une discussion sur des sujets religieux. Sur proposition du prince et selon les directives de François David, elle vota sur le principe de la tolérance religieuse la résolution suivante : « Partout les prédicateurs prêchent et expliquent l’Evangile chacun selon sa compréhension personnelle. Si cela plaît aux fidèles, c’est bien. Sinon, personne ne devra les contraindre car leurs âmes ne seraient pas satisfaites. On leur permettra par contre de conserver un prédicateur dont ils approuvent l’enseignement. Aucun surintendant n’importunera donc ni ne malmènera un prédicateur au sujet de sa religion, en vertu des constitutions antérieures ni ne permettra qu’il soit emprisonné ou destitué de sa charge car la foi est un don de Dieu. Elle vient de ce que l’on entend et cela à travers la Parole de Dieu » (Monumenta Comitalia Regni Transylvanie, vol. 11, 243).
Cette tolérance de fait existante en matière de religion et dans l’attitude populaire devint ainsi loi. Ce fut le signal de la victoire pour ceux qui déclaraient illégal la persécution religieuse et faisaient de la tolérance une chose non seulement autorisée mais obligatoire. Elle marqua la reconnaissance de la religion unitarienne et l’établissement de l’Eglise unitarienne. C’est pourquoi, celle-ci voit dans la Résolution de 1568 son document fondamental.

L’intolérance religieuse mise hors la loi
Il est significatif que, dans le tourbillon des désordres sans merci de la Réforme, alors que le sort réservé aux hérétiques était la mort sous la torture, la Transylvanie pu mettre hors la loi l’intolérance religieuse par un vote parlementaire et un décret du prince (ce fut la première législation gouvernementale dans l’Histoire sur ce sujet). Ce fut, dans ce pays, un exemple sans équivalent de libéralisme religieux à une époque où, ailleurs, tout le monde s’employait à liquider tous ceux dont les vues différaient du canon établi.
L’Edit de Turda est né alors que l’Inquisition faisait le pire pour écraser les protestants en Espagne et en Italie. Aux Pays-Bas, Alva mettait à mort des milliers de protestants et, quatre ans plus tard, le massacre de la Sainte-Barthélemy allait faire 20 000 victimes en France, cependant que, durant 40 ans encore, l’Angleterre continuerait à brûler ceux qui niaient la Trinité. En Pologne et ailleurs, il y eut, il est vrai, des essais de tolérance religieuse, mais ces voix isolées et ces mouvements sans contact les uns avec les autres n’aboutirent jamais à des actes officiels gouvernementaux comme en Transylvanie.
Il est regrettable qu’à cause de l’opposition des classes dominantes privilégiées, du despotisme des princes qui succédèrent à Jean Sigismond et de la Contre-Réforme, la liberté religieuse et l’égalité des droits de toutes les dénominations telles que nous les concevons aujourd’hui ne purent être appliquées à travers l’Edit de Turda.

En conclusion, nous dirons que François David travailla, souffrit et mourut pour la cause de la tolérance religieuse. Son œuvre, sa lutte et son sacrifice contribuèrent de façon créatrice à la formation du libéralisme religieux et du christianisme unitarien. Il apporta une aide authentique au service des hommes et au progrès non seulement de ceux d’aujourd’hui, mais de ceux de demain.

 

page traduite en italien par Giacomo Tessaro sur le site de la CICU le 15 mai 2013 (lien).

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13 mai 2013 1 13 /05 /mai /2013 17:28

Confession de foi Remonstrante de 2006 : Voilà ce que nous pensons et croyons.


remonstrants_groningen.jpgNotre paix ne réside pas dans la certitude de nos formulations, mais dans l’émerveillement devant ce qui nous arrive et nous est donné.
Notre destinée ne réside pas dans l’indifférence et l’avidité, mais dans la vigilance et la solidarité à l’égard de tout ce qui vit.
L’accomplissement de notre existence ne vient pas de ce que nous sommes et de ce que nous possédons, mais de ce qui dépasse infiniment nos capacités de compréhension.

 

enclos des remonstrants à Groningen

 

Conduits par ces convictions, nous croyons en l’Esprit de Dieu. Il surmonte ce qui divise les gens, il les attire vers ce qui est saint et bon, pour qu’ils louent et servent Dieu, en chantant et en faisant silence, en priant et en agissant.


Nous croyons en Jésus, un homme empli de l’Esprit. Il est le visage de Dieu qui nous regarde et nous remue. Il a aimé les êtres humains et il a été crucifié. Mais il vit au-delà de sa propre mort et de notre mort. Il est, pour nous, un exemple béni de sagesse et de courage. Il rapproche de nous l’amour éternel de Dieu.


Nous croyons en Dieu, l’Éternel,
Il est amour insondable, le fondement de notre existence.
Il nous montre le chemin de la liberté et de la justice, et nous appelle à un avenir de paix.
Bien que faibles et vulnérables, nous nous croyons appelés, solidairement avec le Christ et avec tous ceux qui croient, à former une Église qui soit signe d’espérance.


Car nous croyons dans l’avenir de Dieu et du monde,
La patience divine nous offre du temps pour vivre, pour mourir
et pour ressusciter dans le royaume qui est et qui vient.
Dieu y sera pour l’éternité tout en tous.
À Dieu soit la louange et l’honneur, Dans le temps et dans l’éternité.
Amen.

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8 mai 2013 3 08 /05 /mai /2013 09:44

Article à la Une : "Charles-Henri Matile : un homme de la terre" par Jean-Claude Barbier, mis en ligne dans les Actualités unitariennes le 21 février 2013 (lien) ; suivi d'un texte de Marcel Légaut extrait de "Patience et passion d'un croyant" (1990, éd. DDB, pp. 66-68) "Marcel Légaut : les vertus de la vie paysanne", mis en ligne le 8 mai 2013 dans les Actualités unitariennes (lien).

Libres propos : Emile Mihière ("Charles-Henri Matile : son plaidoyer pour une religion d'avenir") et Jean-Claude-Barbier ("Les mots de l'auteur à partir d'une correspondance avec lui"), mis en ligne le 8 mai 2013 dans les Actualités unitariennes, lien.

Bibliographie : à propos de Charles-Henri Matile, mis en ligne le 8 mai 2013 dans les Actualités unitariennes, lien.

Information : prochaine assemblée générale de l'AFCU le mercredi 3 juillet 2013 à Gradignan (lien).

Message d'envoi : par Jean-Claude Barbier, le 8 mai 2013

Nous avons le plaisir de consacrer ce bulletin à Charles-Henri Matile, protestant libéral de sensibilité unitarienne-universaliste du canton suisse de Neuchâtel et auteur d’un livre récent et perspicace sur les religions « Le miroir des Eglises ». Cela entre dans la vocation de notre bulletin de faire connaître des auteurs et de publier des textes inédits. Il en va de la liberté de penser loin des modes dominantes et de notre volonté à faire entendre malgré tout notre voix bien qu’elle soit très minoritaire.

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3 mai 2013 5 03 /05 /mai /2013 19:09

Article à la Une : « La religion universelle est dans l’Homme », texte de Louis Evely transmis à la Correspondance unitarienne par Emile Mihière, mis en ligne le 19 avril 2013 dans la bibliothèque de l’Eglise unitarienne francophone ( lien).
Information : adresse de l’association Transmission qui valorise l’œuvre de Louis Evely et du centre de l’Aube ouvert à des groupes en recherche spirituelle (lien).
Bibliographie : Louis Evely, dans la bibliothèque de l’EUfr (lien).
Libres propos : suite du débat sur une cérémonie religieuse à usage des couples quelque soit leur orientation sexuelle avec Albert Blanchard-Gaillard, Emile Mihière, Marike, Richard Brodesky et Jean-Claude Barbier mis en ligne sur le site de l’AFCU le 12 mars 2013 à la rubrique « Accompagnement spirituel des couples » (lien).
Document : Où les couples homosexuels peuvent-ils bénéficier d’une cérémonie religieuse ? (en Allemagne, en Suisse, du côté des unitariens), mis en ligne sur le site de l’AFCU le 12 mars 2013 à la rubrique « Accompagnement spirituel des couples » (lien).
Message d'envoi, le 3 mai 2013, par Jean-Claude Barbier

Nous continuons encore, à la suite de nos deux numéros précédents (n° 124 et 125), notre réflexion à propos d’une cérémonie religieuse à l’usage des couples quelque soit leur orientation sexuelle. Les avis exprimés montrent une bonne cohérence de notre mouvance sur cette question pourtant très sensible. Notre proposition fait l’objet d’un large consensus et nous en sommes heureux. Il appartiendra aux membres de l’AFCU de passer au vote lors de leur prochaine AG et de finaliser ce débat.
Quoi de plus beau pour introduire notre réflexion qu’un texte de Louis Evely nous invitant à trouver la Révélation en nous. Que chacun, au sein de sa propre communauté religieuse, connaisse cette révélation « interne », soit révélant aux autres et aussi agissant en conséquence.

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27 avril 2013 6 27 /04 /avril /2013 06:40

Montreal_Eglise_unitarienne_bureau_du_pasteur_Diane_Roller.jpgLe volume 8, numéro 1-2, 2012 de la Tribune libre unitarienne, est consacré au spirituel et au religieux, plus particulièrement à la spiritualité hors religion, ou encore la spiritualité de la part de non pratiquants (lien). Ce numéro reflète une discussion sur ce thème qu'il y a eu au sein de la communauté francophone de l'Eglise unitarienne de Montréal.

 

la révérende Diane Rollert à son bureau à l'église unitarienne de Montréal ; photo Jean-Claude Barbier, mai 2008

 

En voici la table de matières :


Avant-propos par Hannelore Daniel-Poncelet ; Amour et communauté par Alain-Pierre Bachecongi ; Spirituel mais pas religieux par Hannelore Daniel-Poncelet ; Religion et spiritualité par Paul-André Dupont ; La spiritualité et le mystique par Noëlle Laissy ; Spirituel mais pas religieux par Curtis Murphy ; Spirituel mais pas religieux par Rév. Diane Rollert ;Créer un mandala par Lucie-Marie Castonguay-Boyer (Ottawa).

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24 avril 2013 3 24 /04 /avril /2013 03:41

Notre section consacrée à Michel Servet constitue en quelque sorte la réouverture d'un débat sur la Trinité que l'on croyait à peu près clos. Il l'est en Occident. Les aventures d'un Servet, d'un Castellion, peuvent susciter l'émotion ou inspirer quelques mouvements minoritaires, mais sans appuis politiques. Les institutions elles-mêmes ont toujours entretenu des rapports avec les pouvoirs civils par le fait même qu'elles ont une influence et des responsabilités.

 

Johannes-Gerhard.jpgPour l'histoire générale, il faut bien comprendre que la Réforme du XVI° siècle est un titre usurpé pour ce qui est du calvinisme, au contraire du luthéranisme. Il ne faut pas oublier que la théologie luthérienne orthodoxe a été fixée définitivement par la Confessio Catholica de Johann Gerhard (1637) et que le titre officiel de l'Eglise luthérienne est « catholique évangélique ». Il est passé en français par l'intermédiaire des Alsaciens de langue française tels que Jean-Frédéric Oberlin. Il a été popularisé dans le protestantisme français par le pasteur Tommy Fallot. L'idéal luthérien fut toujours de revenir à l'unité catholique avec Rome. Les principaux initiateurs du mouvement oecuménique protestant actuel eurent cet objectif essentiel et l'ont clairement exprimé, par exemple l'évêque épiscopalien Charles Brent, aumônier général de l'armée américaine en 1917-18, dans sa correspondance avec Paul Sabatier, le rénovateur célèbre des études franciscaines.

portrait de Johann Gerhard (1582-1637)

La situation calviniste est différente. Les Français se plaisent à souligner la logique de Calvin... En fait, si logique il y eut, elle s'est construite sur des situations contradictoires, comme le fut alors la politique française. Nous reparlerons des relations avec l'empire ottoman, qui auraient pu faire basculer toute la Réforme française vers l'arianisme, provoquant un soupçon d'hérésie chez les luthériens aussi bien que dans le catholicisme. Les disputes entre théologiens luthériens et calvinistes nourrirent les controversistes catholiques, tels François Feuardent. Dans son traité au titre éloquent : Entremangeries et guerres ministrales (1604, p. 351), il évoque longuement ce soupçon de la part des ministres luthériens :  « Le Mahométisme, l'Arrianisme et le Calvinisme sont frères et soeurs... »


Soupçon qui poussa les calvinistes à être particulièrement agressifs contre l'unitarisme, sans pour autant les libérer d'une situation de faiblesse dans leurs débats théologiques en face des luthériens. Mais le nom même de Réforme était ici trompeur. Calvin, dans son traité Contre la secte phantastique et furieuse des Libertins (1547, p. 121-122), considère comme un « point diabolique » de dire que « les Etatz sont bons, mais qu'il y a des vices à corriger », et qu'on peut réformer l'Eglise sans en sortir. Autrement dit, la Réforme calviniste est en réalité un schisme, s'affirmant comme la « véritable Eglise », et donc résolument trinitaire, en face de l' « Eglise contraire », la « Fausse Eglise », celle du Pape qualifié par Calvin d'Antéchrist. Cet héritage a pesé sur l'oecuménisme actuel. En fait, pour la France, avec son histoire religieuse tourmentée, les sentiments que nous qualifions aujourd'hui d'oecuméniques n'ont pas été inspirés par la théologie, mais, depuis le Siècle des lumières, le XVIII° siècle, sinon depuis toujours par le respect de protestants pour la piété des catholiques et le respect de catholiques pour une certaine authenticité morale protestante. On a pu parler à cet égard de syncrétisme, comme si l'unité chrétienne pouvait se définir sans son contenu dogmatique "objectif"... Disons que le fil d'Arius n'est jamais bien loin.

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23 avril 2013 2 23 /04 /avril /2013 18:44

L'histoire de France ne retient guère, des relations avec l'islam et l'empire ottoman, que les Capitulations de 1530 entre François Ier et Soliman le Magnifique, "nous donnant" le monopole de la représentation des intérêts catholiques dans l'empire ottoman. Ces privilèges faillirent sauter à l'occasion de la Guerre en 1914-18, mais se retrouvèrent, avec la victoire, au premier rang de nos préoccupations nationales. Elles provoquèrent même de vives tensions, avec l'Italie d'abord, laquelle élevait elle aussi quelques prétentions à représenter les intérêts catholiques, et ensuite surtout avec l'Angleterre. Celle-ci avait eu en effet le premier rôle dans la Guerre pour cette région, conquis Jérusalem, et tenait à conserver ses monopoles sur la Route des Indes. Mais la "politique arabe" de notre pays s'appuie encore sur la tradition de ces privilèges.


L'Histoire est devenue internationale. Des pionniers tels que Jules Isaac ont commencé à la construire avec les érudits allemands, et cet échange est à présent classique. On a plus de peine avec les Turcs. Or, dans le cours de l'Histoire, l'empire ottoman est par excellence le pays de la liberté de conscience, alors que les non-catholiques sont persécutés dans l'Europe chrétienne. Cette réalité majeure a été occultée parce que les chrétiens arabes ont de plus en plus mal supporté d'être citoyens de seconde zone, soumis à un impôt spécial, jusqu'à la fin de l'empire ottoman. Et comme c'était la France qui représentait principalement leurs intérêts, c'est leur point de vue qui s'est imposé en France. Le plus étonnant est encore que les protestants français aient, eux aussi, oublié la liberté de conscience de l'empire ottoman. Il est vrai que Théodore de Bèze la qualifiait de diabolicum dogma (Epistolae Theologicae I). Cette révision de l'Histoire est en particulier indispensable pour comprendre l'exception transylvaine et son importance pour suivre le fil d'Arius dans sa continuité historique : elle doit tout au voisinage ottoman.


La Réforme a survécu en Hongrie orientale sous sa forme calviniste et en Transylvanie sous sa forme unitarienne grâce aux péripéties des guerres ottomanes [ndlr – luthériens et calvinistes sont également présents en Transylvanie]. Comme chacun sait, les Turcs ont échoué devant Vienne. L'équilibre entre les grandes puissances permit au XVI°siècle d'établir en Transylvanie un pouvoir plus ou moins vassal de l'islam, avec Jan Zapolya et un régime de véritable liberté religieuse. Unitariens, calvinistes, luthériens, catholiques, y ont leur place. Repoussée de la Hongrie orientale, l'influence ottomane y permit pourtant le maintien d'une influence calviniste importante.


En Transylvanie le courant unitarien de la Réforme a pu survivre jusqu'à nos jours. Mais il convient, avant d'entrer dans quelques détails, de préciser la nature de l'influence ottomane. Le libéralisme religieux de l'islam a frappé les observateurs occidentaux, tels que le juriste Jean Bodin :
Les Arriens ont toujours depuis [le IVème siècle] continué et continuent encore en Asie et Afrique sous la loy de Mehemet, qui est appuyée sur ce fondement [arien, unitarien]. Le roy des Turcs, qui tient une bonne partie de l'Europe, garde sa religion aussi bien que Prince du monde, et ne force personne ; ainsi au contraire permet à chacun de vivre selon sa conscience : et qui plus est, il entretient auprès de son sérail à Pera quatre religions, toutes diverses, celles des Juifs, des Chretiens à la Rommaine et à la Grecque, et celle des mehemetistes, et envoie l'aumosne aux calogères, c'est-à-dire aux beaux-pères ou religieux du mont Athos Chrestiens, à fin de prier pour lui, comme faisoit Auguste envers les Juifs, auxquels il envoyait l'aumosne ordinaire et les sacrifices en Jérusalem (ed. J. de Tournes 1579, p. 453).


Nous ne pouvons ici entrer dans les détails. Mais qui veut approfondir étudiera les nombreuses éditions latines, presque toutes éditées à Francfort, surtout à partir de 1594, deux ans avant la mort de Jean Bodin, et après le couronnement du roi Henri IV, dont il soutient le pouvoir absolu fondé sur sa légitimité dynastique. Il y a des différences, et ces éditions latines sont truffées de citations en grec et en hébreu. Bodin est plus hardi en latin.


Le pouvoir ottoman eut même l'occasion de réfréner la hargne des calvinistes contre les unitariens, alors qu'eux-mêmes, en Hongrie orientale, devaient leur survie à la longue occupation temporaire des Turcs.


Nous empruntons l'essentiel de ce qui suit à George Williams, The Radical Reformation (éd. 2000, Kirksville p. 1 108ss). L'unitarisme, qui est la forme moderne de l'arianisme, apparaît en Hongrie orientale, sous pouvoir ottoman, vers 1560. Il est explicitement prêché en 1561 par Thomas Aran. Celui-ci se fait convaincre d'erreur à Debrecen par le surintendant calviniste Pierre Melius, mais il passe en Transylvanie et continue à y prêcher contre le dogme trinitaire. 

 

roumanie_regions_historiques.jpg

Cette carte de la Roumanie donne en bleu soutenu la province de la Transylvanie qui correspond à la Transylvanie proprement dite. Au XVIème siècle, la Transylvanie avait autorité plus à l'est sur le Banat (capitale Timesoara) et la province actuelle dénommée Crisana (capitale Oradea). Debrecen est dans l'actuelle Hongrie, à quelques kilomètres de la frontière. Jusqu'à la rivière Tisza, affluente du Danube, donc l'ensemble en bleue sur la carte, c'était la Hongrie orientale sous tutelle des Ottomans. Celle-ci était exercée directement par des pachas ou bien indirectement dans le cas de la Transylvanie qui était alors une principauté dirigée par un "vovoïde".

 

Intervient ici l'évêque luthérien de Transylvanie, Ferenc David, lequel, en tant que Luthérien, sentait déjà le soufre : sa conception de la Sainte cène, dite "sacramentaire", était plus proche de l'arianisme que de la conception catholique, fût-elle "évangélique", c'est-à-dire luthérienne. Aran et David s'entendirent, et la grande bataille commença. Le premier choc eut lieu à Nagysvarad (Oradea) en Transylvanie proche de Debrecen *, entre David et Melius, du 20 au 25 octobre 1569 [ndlr – ce n’est pas le premier choc ! car les "disputes" théologiques ont été organisées l’année précédente à Torda, Alba Iula et à Tirgu Murès et qu’elles ont donné naissance à l’Eglise unitarienne de Transylvanie en février 1568]. David présenta douze propositions anti-trinitaires. Melius les attaqua avec violence, au point que le roi, à l'époque Jean II Zapolya, lui-même resté catholique, intervint en déclarant qu'on ne devait pas forcer les consciences en religion.
* actuellement Debrecen est en Hongrie et Oradea est en Roumanie, juste de l’autre côté de la frontière et au sud-est, les deux villes sont distantes d’environ 70 km par la route. Les informations apportées ici par G. Williams portent sur la situation de cette région entre la Transylvanie proprement dite et la Hongrie restée indépendante et sous l’autorité des Hausbourg d’Autriche. Cette zone était sous autorité ottomane.

 

Sire, dit Melius, que votre Altesse m'entende, et vous tous ici présents ! Le Seigneur m'a révélé cette nuit de nouveau qui il est, et comment il est son véritable et propre Fils, auquel je rends grâce pour toujours ! Pasteur Pierre, répondit le roi. Si c'est cette nuit que le Seigneur vous a vraiment révélé qui il est, qu'avez-vous prêché auparavant ? Vous avez dû tromper tout le monde jusqu'à maintenant ! G. Williams, rendant compte de la scène, trouve que l'humour royal y allait un peu fort (p. 1115). Il reste que chaque parti tira ses propres conclusions du débat, celles du "Camp David" étant revues et corrigées par le roi, et fut scellée ainsi la rupture entre calvinistes et anti-trinitaires. Le terme d'unitariens date de 15 ans plus tard.


Ce grand débat marque le commencement des adhésions massives, en Hongrie et en Transylvanie, au christianisme de tendance unitarienne avec son organisation ecclésiastique [ndlr – sans doute pour cette région, car pour la Transylvanie proprement dite, c’est l’année précédente qu’il convient de retenir]. Mais non pas la fin de la guerre théologique. Il faut en particulier rappeler une véritable ordalie en champ clos en 1574, toujours à Nagysvarad (aujourd’hui Oradea), près de la frontière. Deux champions dans chaque camp ; les vaincus devant être pendus. Du côté unitarien, Luc Tolnaï et George Alvinczi. Williams ne donne pas les noms des champions calvinistes [ndlr – Pierre Melius Juhasz était mort en 1572]. Le camp calviniste étant déclaré vainqueur, Alvinczi fut pendu. Mais un riche unitarien proche du palais beylical protesta, et réclama la mort du responsable calviniste. Alors le pacha turc ordonna une dispute théologique en sa présence, entre calvinistes et unitariens. Il décida que l'exécution d'Alvinczi avait été inhumaine, et ordonna l'exécution de trois calvinistes, dont le surintendant. Les calvinistes demandèrent grâce, et les unitariens appuyèrent leur demande, en déclarant qu'ils ne désiraient pas se venger. Finalement, les condamnés s'en tirèrent avec une grosse rançon... et un impôt supplémentaire fut levé sur tous les chrétiens au bénéfice du trésor du Pacha.


La vague du mouvement unitarien devait pourtant s'arrêter, presque d'elle-même, par sa tendance à la division interne *. Après avoir nié la divinité de Jésus-Christ, une partie des unitariens trouva qu'il ne devait pas être objet d'adoration, les autres maintenant que si, en s'appuyant sur l'exemple d'Etienne priant au moment de mourir "Seigneur Jésus, reçois mon esprit" - On peut ici remarquer qu'au II°siècle, Tertullien appuyait déjà sur cette parole une conception pratiquement "binitaire" du culte chrétien.  Puisque le mouvement unitarien est toujours lié à la liberté des adhérents, les schismes y sont peut-être regrettables, mais ils ne doivent pas étonner *. Nous y reviendrons.

 

 * ndlr – hormis le drame qui entraîna la mort en prison de Ferencz David en novembre 1579 et provoqua une scission temporaire à Timisoara / Temesvar en hongrois, l’Eglise unitarienne de Transylvanie ne connut pas de scission. Dans une lettre ouverte,  Karádi Pál accusa l'Italien György Biandrata, Demeter Hunyadi (l'évêque successeur), et leurs suivants d'être responsables de la condamnation de Ferencz Dávid et devint évêque des congrégations de la partie Est de la Hongrie (dont le Banat), partie entre la Transylvanie proprement dite et la Hongrie sous domination des Hausbourg. Nous n'avons pas connaissance que  Karádi Pál ait eu un successeur pour continuer sa dissidence.

A la même époque, en Lituanie et en Pologne, les synodes des anti-trinitaires ne connurent pas de dissidence.

Dans les pays anglophones où l'unitarisme se développa dans les siècles suivants, l'adoption d'une ecclésiologie de type congrégationaliste (où chaque congrégation est indépendante) permis à la mouvance unitarienne de maintenir sa cohésion. Aujourd'hui, la quasi totalité des unitariens participe au réseau mondial qu'est l'International Council of Unitarians and Universalists (fondée en 1995).

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23 avril 2013 2 23 /04 /avril /2013 18:25

Une destinée unitarienne comparable à celle de la Transylvanie faillit échoir à la Pologne au temps des rois Jagellons. Son échec final ne fait pas oublier que Sébastien Castellion en reçut un émouvant et courageux témoignage. Nous ne pouvons mieux faire ici que de citer in extenso une page du monumental Sébastien Castellion de Ferdinand Buisson, référence définitive pour le protestantisme libéral français (Hachette, 1892, t. II, p. 264) :


Sebastien_Castellion_par_ferdinand_buisson_1892.jpgIl mourut le 29 décembre 1563 à Bâle : il avait quarante-huit ans. Sa mort fut un deuil pour l'Université. Les étudiants lui firent des funérailles peut-être d'autant plus touchantes qu'ils savaient à quel péril la mort venait de le soustraire. Le cercueil porté sur les épaules de ses élèves était suivi d'une foule nombreuse, et celui qui, vivant, allait paraître en accusé devant le Sénat, reçut tous les honneurs publics dus à un maître profondément aimé de la jeunesse. Il fut enseveli honestissimo loco, dit Zwinger, sous ce merveilleux cloître de la cathédrale de Bâle, qui est encore aujourd'hui un sanctuaire unique de la Renaissance et de la Réforme.


Trois de ses élèves, probablement ses pensionnaires, résolurent de rendre à sa mémoire un témoignage particulier de respect. C'étaient trois jeunes nobles polonais venus à Bâle ainsi que plusieurs de leurs compatriotes en partie pour suivre les leçons de Castellion. L'un d'eux était le fils du comte Stanislas Ostrorog, ce personnage considérable de la Réforme en Pologne, à qui Calvin lui-même, malgré sa méfiance pour cette nation prête à glisser dans l'hérésie, a rendu un si bel hommage. Ces dignes jeunes gens obtinrent, paraît-il, que le pauvre professeur fût enseveli dans le tombeau de l'illustre famille Grynaeus et firent graver sur le marbre une épitaphe qui ne tarda pas, par sa justesse même et sa sobriété, à attirer l'aversion des ennemis. Ils se bornaient à dire qu'ils élevaient ce monument à la demande de tous leurs camarades polonais professori celeberrimo ob multifariam eruditionem et vitae innocentiam doctis piisque viris percharo (Au professeur très célèbre pour l'étendue de son érudition, et infiniment cher aux gens pieux et savants pour la pureté de sa vie). Ils écrivirent en outre dans le goût du temps d'autres épitaphes en vers latins qui ne valent que par la piété de l'intention. Ces honneurs funèbres devaient soulever de nouvelles colères, et quand ces jeunes gens allèrent achever leurs études à Zurich et à Genève, leurs lettres nous apprennent par quelles méfiances on les punit d'avoir été des "Castalionistes".


Il reste de cette ère des Jagellons qu'elle est encore, pour les Polonais, l'âge d'or (zloty wiek) de leur pays.

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