http://prolib.net/pierre_bailleux/unit/cu019.congregation.htm
On confond bien souvent unitariens et unitaires. Or ce dernier terme appartient au vocabulaire politique et désigne ceux qui combattent le fédéralisme et les sécessions qui, à leur avis, brisent l’unité d’un Etat. Certains veulent aussi que tous les unitariens de leur pays appartiennent à une même Eglise ; en France par exemple. Ce sont en quelque sorte des unitariens " unitaires ".
Or cette exigence institutionnelle rejoint le fantasme catholique d’une unité institutionnelle, mais elle n’a pas cours dans les milieux protestants où l’unitarisme s’est développé. Les Eglises existantes y sont des congrégations locales. Mieux, lorsqu’il a fallu distinguer, aux Etats-Unis, une identité unitarienne par rapport à un protestantisme libéral considéré comme pas assez hardi, ce fut le modèle associatif qui fut adopté. En 1825 est créée l’Association unitarienne américaine (AUA) ; puis, de nouveau en 1961, l’Association unitarienne-universaliste (UUA) est une association de congrégations. De même, en Grande-Bretagne, on a, depuis 1926, une " Assemblée générale des Eglises unitariennes et chrétiennes libres ". Et au niveau international, les unitariens se retrouvent au sein d’un " Conseil international " et non au sein d’une Fédération, encore moins d’une Eglise mondiale.
Qu’est-ce à dire ? Les relations se font sur la base de l’agrément, du volontariat et non celle de l’obligation. Le grand William Ellary Channing (1780-1842) et la plupart des Eglises de Boston – la King Chapel en tête – n’ont jamais milité au sein de l’AUA bien qu’étant de théologie unitarienne. Prudents, W.E. Channing et ces Eglises ne souhaitaient pas faire bande à part.
Les unitariens pensent que leur unité spirituelle, qui se manifeste lors de leurs rencontres nationales, régionales ou internationales, n’a nul besoin d’une hiérarchie ecclésiale (leurs Eglises historiques ne revendiquent pas un statut privilégié, ni une fonction dirigeante), ni de la gestion d’une politique commune en certains domaines par une instance confédérale, encore moins d’un pouvoir centralisé qui s’adresserait directement à tous les unitariens (comme dans le modèle fédéral).
Les groupes, communautés et Eglises locales sont les premiers lieux de solidarité et sont pleinement des lieux de décision où l’on apprend la démocratie au sein d’assemblées générales ou de synodes. Ce sont des " assemblées " (du grec ekklesia) au sens plein du terme où, d’un commun accord, les membres s’organisent à leur convenance et décident de leurs relations extérieures. La subsidiarité veut que chacun soit ainsi responsable des affaires qui le concernent.
Le théologien américain unitarien James Luther Adam (1901-1994) estimait que cette démocratie locale est le meilleur rempart aux tentations de totalitarisme, un lieu d’apprentissage, un lieu de sagesse.
Les Eglises nationales qui existent résultent d’une histoire. Y en aura-t-il d’autres dans l’avenir ? En tout cas, elles ne sauraient être pas le fruit de compromis et de négociation entre des communautés locales qui seraient culturellement et théologiquement diverses. On peut certes se rallier à une Eglise déjà existante, mais on ne peut pas créer artificiellement une Eglise à partir d’éléments épars sur un territoire national, qui ne peuvent pas se réunir souvent pour prier ensemble et partager vraiment une vie spirituelle, sous le prétexte qu’il faut à tout prix une unité institutionnelle.
Evitons l’obsession jacobine d’un gouvernement central pesant sur les orientations, car un tel mode d’organisation - de type confédéral ou fédéral - suscite chez beaucoup des envies de pouvoir, de vanité, alors que la mise en réseau invite davantage au partage, aux services mutuelles, à l’expansion altruiste.
De nos jours, à l’heure de l’Internet, la souplesse des relations, leur fluidité, la gestions des diversités, la prise en compte des points de vue individuels, est certainement beaucoup plus efficace que le rappel d’une discipline … même si un minimum institutionnel reste néanmoins nécessaire.