Pasteur unitarienne américaine, l’auteur a donné ce discours en anglais devant la communauté unitarienne et universaliste de Sterling, dimanche le 12 mars 2000 ; traduit en français et publié dans la Tribune libre unitarienne, vol. 2, n°1, 2006 ; larges extraits choisis ici par Jean-Claude Barbier pour La Besace des unitariens.
Pour le texte intégral, voir http://www.uuqc.ca/Tribune%20Libre/tribune1_1_0.html
"[…] Les gens sont mus par les mêmes besoins primaires quand ils cherchent une communauté ecclésiale : sens à la vie, relations significatives, affinité intellectuelle, émotionnelle et spirituelle, expérience d'un développement et d'une transformation personnels, et l'appartenance à une communauté spirituelle favorable à la croissance et la nouveauté. Ces besoins sont universels; ils ne sont pas propres aux unitariens universalistes. Mais, malgré tout, il y a quelque chose d'unique aux congrégations unitariennes universalistes; et il y a donc lieu de prendre compte de ces particularités lors de la formulation d'une théologie de l'adhésion.
La liberté, la raison, la tolérance, l'intégrité et le don de soi. Combinez ces traits d'identité avec les besoins humains fondamentaux, quête de sens, sociabilité, croissance et transformation personnelles et vous avez une communauté unitarienne florissante ! Alors, quelle est la façon pour ces communautés-types de pratiquer la théologie? Bien que nos communautés, composées surtout de gens bien éduqués de la classe moyenne, soient à plusieurs égards très différentes des communautés ecclésiales de base en Amérique latine qui ont donné naissance à la théologie de la libération, il y a tant de points communs entre notre façon de pratiquer la religion et leur façon de pratiquer la théologie, que j'ose penser que nous pouvons apprendre beaucoup les uns des autres.
Pour l’auteur, la théologie de la libération se caractérise par :
1° une praxis réflexive. Ce qui veut dire que des personnes scrutent ensemble à la lumière de la pensée critique, leur expérience vécue, leur contexte culturel, leur histoire, et leurs croyances. Ensuite, ils amorcent des actions à partir de cette réflexion. Ce processus n'est pas linéaire, mais cyclique. La réflexivité et la praxis mettent en branle le processus continu d'un dialogue religieux avec le monde. […] En ce sens, une théologie de la libération est toujours située. Ce qui signifie que celle-ci est toujours enracinée dans un temps et un lieu donnés; elle surgit à partir des expériences vécues de personnes engagées dans le processus dialogique. C'est ce qui rend toute personne capable - peu importe son niveau d'instruction - de pratiquer la théologie. Bien que cette théologie soit ancrée dans la réalité quotidienne, elle est aussi en relation avec l'universel, et tendue vers la quête de sens. Le théologien afro-américain James Cone a dit : Je crois fermement que les questions qui intéressent la théologie devraient être celles qui surgissent à partir du vécu dans la société alors que les personnes cherchent du sens dans un monde déshumanisé.
" Je persiste à défendre l'idée que la théologie surgit à partir de solide et réelle expérience de vie: vient d'abord l'expérience (la religion) et ensuite vient la réflexion sur cette expérience (théologie) " pasteur Richard Gilbert.
2° C’est une théologie de l'action. Elle est en dialogue avec la culture, elle cherche à comprendre l'histoire d'un peuple à la lumière de leur expérience de l'oppression et de la liberté, de l'exploitation et de la justice. [..]
3° la théologie de la libération est optimiste. L'Histoire y est exploitée non seulement pour comprendre ce qui s'est passé mais ce qui aurait pu se passer et ce qui peut encore se passer. C'est, au fond, avoir recours à l'Histoire pour projeter un avenir plus prometteur, ce que Isasi-Diaz, représentante de la théologie mujerista, appelle l'avenir préférentiel comme une source d'espoir. L'universalisme unitarien a toujours eu une foi en l'espoir au point parfois d'être accusé d'un trop grand optimisme. Mais notre foi dans l'avenir ne vient pas d'une méconnaissance des souffrances actuelles, mais d'avoir su les transformer par voie d'un processus approfondi de réflexion et d'actions. C'est pourquoi le pasteur UU Fred Muir dit que notre utilisation de la théologie de la libération nous donne une raison d'espérer. L'engagement pour la construction d'une société juste, et, au bout du compte, une nouvelle humanité, présuppose la confiance en l'avenir.
4° le processus fondamental de la théologie de la libération est la réflexion critique. C'est sur ce point, je crois, que du travail passionnant peut se réaliser dans nos communautés unitariennes universalistes. Nous avons déjà une tradition qui valorise la raison. Nous avons trop souvent cru que seuls les gens bien éduqués sont en mesure de pratiquer la théologie unitarienne universaliste. Toutefois, la pasteur Lucy Hitchcock, dans un entretien avec la Commission UU d'évaluation, nous a rappelé que les gens pauvres, sans éducation, sont capables de comprendre le monde d'un point de vue réflexif. Hitchcock invoqua les travaux de Paulo Freire à cet égard. Freire a accompli un travail révolutionnaire parmi les populations incultes et analphabètes du Brésil. Son but a été d'activer le processus du passage de la conscience naïve à la conscience critique. […] nous pourrions tous devenir ce que Gustavo Gutierrez, le père de la théologie de libération, a appelé des intellectuels organiques; c'est-à-dire, des théologiens pleinement et personnellement engagés dans les réalités historiques.
5° - Un processus qui cherche la justice. Les théologies de libération sont toutes issues dans le contexte de l'expérience de l'oppression économique, sociale et raciale/ ethnique. Chacun des différents courants de la théologie de la libération pose des questions qui reviennent toujours à la même interrogation de base : Que signifie cette expérience douloureuse vu les promesses que notre croyance particulière dit que Dieu a faites ? En d'autres termes, où se situe Dieu dans le processus d'oppression ? La réponse, quelle qu'elle soit, est que Dieu manifeste nettement une option préférentielle pour le pauvre. Les Évangiles sont lus suivant cet éclairage comme aussi les prophètes dans les textes hébraïques. […]
Isasi-Diaz s'étend longuement sur le développement du sujet moral chez les femmes hispaniques. Être un sujet moral veut dire communiquer son expérience à d'autres; permettre à d'autres gens de devenir autonomes. Dans la théologie mujerista , le sujet moral se soucie des générations futures; c'est-à-dire, devenir un sujet moral signifie assumer une charge de responsabilité de plus en plus importante face à la communauté et à l'aide à lui donner. Ceci n'a rien à voir avec la réalisation de soi, mais concerne la transformation de l'expérience de toute une communauté. La vie dit-elle, est vie si elle est liée aux autres. Cette idée de relation générative a aussi été mentionnée dans notre sermon sur la théologie de l'amitié de Mary Hunt. C'est un concept important dans toutes les théologies relationnelles. Les relations significatives dans une communauté ecclésiale mènent à la transformation à la fois de l'individu et de la communauté.
Quoiqu'une grande partie de la théologie de libération soit issue de la tradition théiste, le thème du sujet moral connaît un écho chez le théologien unitarien universaliste William R. Jones, un humaniste convaincu. Certains d'entre vous aimeriez peut-être le livre de Bill intitulé Is God a White Racist? Jones nous incite à croire au principe d'humanité En d'autres termes, que vous soyez croyant ou pas, vous faites bien d'agir comme si un meilleur monde était de votre responsabilité !
6° - l'humanisme. Pas la définition contemporaine de l'humanisme en opposition au théisme, mais dans le sens plus traditionnel de la Renaissance qui plaçait l'expérience humaine au centre comme source de l'autorité pour la morale et les décisions éthiques. Gutierrez décrit bien cela. Le genre humain est vu comme assumant consciemment la responsabilité de son propre destin. […]